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Zibellino[modifier | modifier le code]

Le terme zibellino (pl. zibellini) désigne un accessoire de mode féminin originaire d’Italie du Nord et en usage de la fin du XVe siècle au début du XVIIe siècle. Tiré du mot italien désignant la zibeline, mustélidé appartenant à la famille des martres, le zibellino désigne la peau de cet animal porté en accessoire, autour du cou, tenue à la main, ou accroché à la taille grâce à une chaîne[1]. La fourrure peut être portée seule, mais les plus luxueux exemplaires sont richement ornés de pièces d’orfèvrerie, émaux, pierres et autres matériaux précieux.

Origines et diffusion[modifier | modifier le code]

Juan Pantoja de la Cruz, Portrait d'Isabelle de Valois, vers 1605, Madrid, Musée du Prado.

La première mention de cet accessoire remonte à 1467, dans l'inventaire du duc de Bourgogne Charles Le Téméraire. Cependant, cette mention n'est pas révélatrice d'une mode diffuse dans le duché car aucun autre exemplaire bourguignon n'est connu pour cette époque[2].

Plusieurs sources textuelles et visuelle suggèrent plutôt une origine nord-italienne au zibellino. En effet, les mentions et représentations les plus significatives apparaissent dans le duché de Milan à la fin du XVe siècle. Les premiers exemplaires sont faits de simples peaux, non décorées, leur enrichissement s'accentue au gré du temps et de la fortune des commanditaires. Les premières princesses italiennes à avoir propagé ces peaux ornées semblent avoir été les sœurs Isabelle et Beatrice d'Este.

Grâce aux représentations de cet accessoire, nous connaissons plusieurs façons dont cet accessoire était porté. Certaines femmes le portent autour du cou, d’autres le tiennent à la main. Enfin, un certains nombre l’arborent pendu à la taille à l’aide d’une chaîne, souvent en or.

Steven van der Meulen, Frances Sidney Countess of Sussex (détail), 1570-1575. Cambridge, Sydney Sussex College.

Si son origine est localisée en Italie du Nord, le port du zibellino se diffuse progressivement dans toute l'Europe, et particulièrement dans les cours princières. Les sources documentaires et iconographiques témoignent de cette diffusion. Par exemple, dans un inventaire de Marie Stuart daté de 1561, sont mentionnés des zibellini rapportés de son séjour en France[2]. De même, il existe plusieurs portraits de princesses et aristocrates anglaises, espagnoles ou françaises arborant un zibellino, attestant de l'adoption de cette mode dans ces mêmes royaumes.

L'usage du zibellino décline peu à peu avant de disparaître au début cours du XVIIe siècle. Néanmoins, ces fourrures ont continué à être portées de manière similaire dans les siècles suivant. Notons par exemple la palatine, fourrure de zibeline portée autour du cou, popularisée à la cour de Versailles par la princesse qui lui donna son nom[3]. Plus tard, les fourrures de renard ou vison étaient également portées de manière similaire aux XIXe et XXe siècles[4].

Types de fourrures et matériaux[modifier | modifier le code]

Tête de martre, Italie (Venise), vers 1550. The Walters Art Museum.

Comme son nom l’indique, la plupart des zibellini étaient confectionnés à partir de peaux de zibelines, dont la fourrure était la plus luxueuse et recherchée depuis le Moyen-Âge. Ceci est dû à sa rareté, la zibeline étant naturellement présente dans des régions froides et éloignées de l’Europe, mais également à la douceur incomparable de son pelage (dont la douceur restait intact y compris à rebrousse poils). Cependant, le zibellino pouvait aussi être réalisé à partir d’autres animaux aux fourrures précieuses, tel que l’hermine, le lynx, etc.

Sofonisba Anguissola, Portrait présumé de Bianca Ponzoni, 1557. Berlin, Gemäldegalerie.

Les fourrures étaient pour la plupart richement ornées, par le biais de divers matériaux. Des masques orfévrés, en or ou argent la plupart du temps, couvraient la tête de l’animal. Ils étaient parfois émaillés et sertis de pierres précieuses notamment à la place des yeux, tel que le grenat, le rubis ou encore l’émeraude. D’autres matériaux pouvaient servir à la confection de ces masques, tel que le cristal. Bien qu’aucune représentation de zibellino en cristal ne soit connue, la présence d’exemplaires ayant traversé le temps atteste de leur existence. De tels exemplaires sont localisés dans la collection Farnese, exposée au Musée Capodimonte à Naples, ou encore dans la collection du Musée Thyssen-Bornemisza. Un zibellino en cristal a également fait l’objet d’une vente chez Sotheby’s, à deux reprises en 2013 et 2018[5][6]. Sur les zibellini rapportés en Écosse par Marie Stuart, un exemplaire était confectionné en jais. Cependant aucun artefact conservé ou source iconographique ne corrobore ces textes[2].

Le plus remarquable des zibellini conservés à ce jour est probablement celui exposé au Walters Art Museum de Baltimore[7]. Daté des années 1550, cette zibeline est ornée d’un masque en or très finement forgé (de l’épaisseur d’une feuille), dont la surface a été travaillé de façon à imiter la fourrure. Le masque est partiellement émaillé de blanc, bien que l’émail ait disparu à certains endroits, tandis que la langue amovible est décorée d’un émail rouge. Deux boucles placées de chaque côté de la bouche permettaient à l’origine d’attacher l’accessoire à une chaîne, afin de le faire pendre à la taille. Cette façon de porter le zibellino est notamment visible dans le portrait présumé de Bianca Ponzoni, exécuté par Sofonisba Anguissola.

Usages et symbolique[modifier | modifier le code]

Un accessoire ostentatoire[modifier | modifier le code]

Erasmus Hornick, Dessin pour modèle de zibellino, museau et patte, gravure, 1562. Londres, British Museum. © The Trustees of the British Museum.

Réservé aux femmes de rang social supérieur, le zibellino est un accessoire de luxe ostentatoire par excellence, au regard de son coût élevé et de son absence de fonction utilitaire. Il semble exclusivement féminin au vu des sources dont nous disposons à ce jour, bien qu'un exemplaire ait été recensé dans l'inventaire du roi d'Angleterre Henry VIII en 1547. En effet des documents écrits attestent du fait que le zibellino était porté lors de cérémonies importantes (tel que les mariages). On en retrouve également des mentions dans les inventaires de dots, ou comme cadeaux de mariage. Comme évoqué précédemment, certains zibellini étaient portés simplement. Néanmoins, les versions ornementées l'étaient avec des matériaux coûteux, faisant grimper le prix de cet accessoire de manière vertigineuse. D'importants artistes ont notamment réalisé des modèles pour ce type d'accessoires, tel que Erasmus Hornick, Jules Romain, ou encore Hans Mielich. A Milan, l'atelier des frères Saracchi spécialisé dans la production d'objets en cristal, a également produit des zibellini [5][6].

Afin de limiter ces excès, des lois somptuaires ont été adoptées dans plusieurs villes d'Italie. A Bologne en 1545 : "Concernant les zibellini et éventails, ils ne peuvent être ornés de masques, poignées ou autres ornements en or, argent, perles, ou bijoux, mais il est toléré qu'ils puissent être tenus par une chaîne en or si le coût de celle-ci n'excède pas 20 scudi[8]"[9]. La même interdiction est imposée aux nobles milanaises en 1565[10], ou encore à Cesena en 1575 où les autorités interdisent le port du zibellino ou autre types de fourrure, qu'elle soit ornée ou non, et ce peu importe le statut[11].

Il n'existe à priori pas de zibellino réalisé dans des matériaux de moindre qualité, pour une clientèle moins fortunée, à l'exception d'un masque en cuivre daté du XVIe siècle se trouvant dans les collections du Musée de Cluny, à Paris.

Symboliques[modifier | modifier le code]

Un symbole de fécondité[modifier | modifier le code]

Véronèse, Portrait de la Comtesse Livia da Porto Thiene et sa fille Deidamia, 1552, Baltimore, The Walters Art Museum.

Les animaux de la famille des mustélidés (telles que les martres, hermines et zibelines, entre autres), souvent regroupés sous le terme générique de belette, ont généralement été associés à la fécondité. La croyance voulait que le zibellino agisse comme une amulette protectrice, permettant d'augmenter la fertilité des femmes et de les protéger durant la grossesse[7]. Leur représentation dans certains portraits de la Renaissance a ainsi été analysée par les historiens d'art comme une façon de suggérer ou annoncer une grossesse[12]. A ce sujet, Jacqueline Musacchio évoque le Portrait de la Comtesse Livia da Porto Thiene avec sa fille Deidamia peint par Véronèse en 1552. Ce portrait fut réalisé quand la comtesse était enceinte de sa fille Emilia, la grossesse étant suggérée par le vêtement ample qu'elle porte ainsi que la fourrure posée sur son bras droit. Le zibellino représenté par Véronèse se rapproche grandement de l'exemplaire conservé au Walters Art Museum, évoqué plus haut[7]. De plus, le port fréquent du zibellino attaché à la taille par une chaine tend à confirmer ce lien à la maternité[12].

Une symbolique liée à la chasteté est également associée à cet animal. En effet selon les auteurs anciens, cet animal se reproduisait par les oreilles ou par la bouche. Cette croyance serait liée au mythe de Galanthis, servante d'Alcmène dans la mythologie grecque. Selon ce mythe, Alcmène tomba enceinte après une aventure avec Jupiter. Junon, femme de Jupiter, envoya alors Lucine, déesse de l'accouchement, pour empêcher la naissance de l'enfant. Cependant, Galanthis, servante de Alcmène, ruina le projet de Lucine en annonçant la naissance de l'enfant. Alcmène donna alors naissance à Hercule. De rage, Lucine transforma Galanthis en belette, la condamnant à accoucher par la bouche[13].

Ces symboliques liées à la fécondité et à la chasteté sont corroborées par le port de cet accessoire lors de cérémonies de mariage, ainsi que sa présence fréquente dans les inventaires de dot et listes de cadeaux de mariage.

Un symbole de la domination de l'homme sur l'animal ?[modifier | modifier le code]

Lorenzo Lotto, Portrait de Lucina Brembati (détail), 1518-1523, Bergame, Accademia Carrara.

Une autre théorie, proposée par Erica Fudge et reprise par Nicole Mennell, suggère une autre symbolique à l'utilisation de cet animal en guise d'accessoire. Par cet usage, la fourrure de l'animal est réduite à une fonction purement ornementale et non utilitaire (pour se protéger du froid par exemple), et serait une façon de souligner la domination de l'homme sur l'animal. Pour Nicole Mennell, "the animal is hunted, captured, killed and then displayed as an emblem of human prowess"[13].

Cet argument est également appuyé par Edward Topsell, auteur du XVIIe siècle, qui attribue aux animaux de la famille des belettes un caractère intelligent, mais aussi féroce et une habileté à échapper à la capture. Ainsi, cet animal supposément indomptable se voit domestiqué au plus haut point, puisqu'il a été tué puis transformé en accessoire. Cette objectification est d'autant plus frappante avec le zibellino, qui muselle l'animal et l'attache par une chaine à celle qui le porte, démonstration suprême de la supériorité de l'homme[13].

Le portrait de Lucina Brembati, exécuté par Lorenzo Lotto, illustre bien cet argument, le zibellino porté par la jeune femme dévoilant ses crocs acérés.

Lutter contre les puces ?[modifier | modifier le code]

Longtemps nommé « flea-fur » en anglais, ce terme renvoyait à une croyance populaire corroborée par certains historiens de l’art, selon laquelle les zibellini avait pour fonction d’éloigner les puces de la personne le portant[14]. Les puces seraient attirées par la fourrure de l'animal, secouée ensuite pour les débarrasser. Le terme « flea-fur », issu de l’allemand flohpelz, est popularisé par l’autrichien Wendelin Boeheim en 1894, qui fut le premier à suggérer cet usage. Cependant, si l’argument est fréquemment cité y compris par les historiens d'art, les preuves historiques le confirmant sont inexistantes[2][15]. A ce propos, Tawny Sherrill avance l'argument selon lequel les puces sont davantage attirées par des corps vivants que des fourrures d'animaux morts, ce qui rend peu probable la fonction répulsive du zibellino.[16]

Représentations[modifier | modifier le code]

De nombreuses représentations de zibellini sont visibles dans les portraits féminins du XVIe siècle. Dans son article sur le sujet écrit en 2006, Tawny Sherrill déclare avoir recensé une liste non exhaustive d’une soixantaine de représentations de zibellini. Ce sont grâce à ces représentations qu’il est possible de connaître, au moins partiellement, les différentes façons de porter cet accessoire.

Œuvres notables[modifier | modifier le code]

Voici une liste non exhaustive de portraits de femmes arborant un zibellino :

Notons également une série de fresques réalisées par Alessandro Bonvicino dit Il Moretto au Palais Martinengo à Brescia, dans les années 1540[17]. Huit portraits ornent les murs de la "Sala delle Nobilie Dame", l'une d'entre elles arborant un zibellino à la taille.

Il existe également des représentations sculptées de cet accessoire, notamment sur le tombeau de Beatrice d'Este. La princesse y est représentée avec un zibellino drapé autour de son bras.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le terme italien est conservé tout au long de cet article car aucune traduction n'a été trouvée dans la littérature francophone et anglophone. Les ouvrages consultés conservent le terme italien, tout comme l'article anglophone sur le sujet.
  2. a b c et d SHERRILL Tawny, " Fleas, Furs, and Fashions: Zibellini as Luxury Accessories of the Renaissance ", in Robin Netherton and Gale R. Owen-Crocker (dir.), Medieval Clothing and Textiles, vol. 2, Woodbridge, The Boydell Press, 2006, p. 121-150.
  3. JANDOT Olivier, « La douce chaleur du poil, Les usages de la fourrure, entre mode et nécessité (XVIe-XVIIe siècles) », dans Modes pratiques, n°3, décembre 2018.
  4. (en) « Page wikipédia anglais "Zibellino" » (consulté le )
  5. a et b « Sotheby's, lot n°108, vente du 4 décembre 2013. »
  6. a et b « Sotheby's, lot n°3, vente du 13 novembre 2018. »
  7. a b et c « Notice du zibellino conservé au Walters Museum de Baltimore. » (consulté le )
  8. Pluriel de "scudo", monnaie italienne en usage jusqu'au XIXe siècle.
  9. Cité par SHERRILL Tawny, p.129. Citation originale : “It is ordained and ordered that regarding zibellini and fans, they cannot make heads, or handles, or other ornaments in gold, silver, pearls, or jewels but it is tolerated that they can be attached with a gold chain if the said chain does not exceed between 15 and 20 scudi and not more.” Extrait de Maria Giuseppina Muzzarelli, La Legislazione Suntuaria: Secoli XIII–XVI: Emilia Romagna, Rome, Ministero per I Beni e le Attività Culturali, 2002, p.184.
  10. SHERRILL, 2005, p.129 : " Noblewomen of Milan were restricted from wearing “pearls or any kind of jewels on the …headdress, not at the belt, not on a handle, not in heads or on collars of a zibellino …” ".
  11. “Zibellini, lupo cerviero [lynx], marten and other pelts that are whole or ornamented with the heads in gold or silver or without and the same for the fan with handles, to all women of any status or condition even if their husbands want it, no matter who, it is forbidden, it is prohibited and forbidden.” Extrait de MUZZARELLI Maria Giuseppina, La Legislazione Suntuaria : Secoli XIII-XVI : Emilia Romagna, Rome, Ministero per I Beni e le Attività Culturali, 2002, p.359.
  12. a et b (en) Musacchio Jacqueline, « Weasels and Pregnancy in Renaissance Italy », Renaissance Studies,‎ , p. 172
  13. a b et c (en) Nicole Mennell, « Zibellini as Animal-Made objects », (consulté le )
  14. CONDRA Jill, The Greenwood encyclopedia of Clothing through World history : Volume 2, 1501-1800, Westport, Greenwood Press, 2007.
  15. Karen Hearn évoque également cet usage, voir HEARN Karen (ed.), Dynasties: Painting in Tudor and Jacobean England 1530-1630, London, Tate Gallery, 1995, p. 95.
  16. SHERRILL, 2005, p.136. L'autrice s'appuie notamment sur les propos du Dr Michael Dryden, professeur de parasitologie vétérinaire à l'Université d'Etat du Kansa, consulté lors de l'écriture de cette contribution.
  17. Trois des quatre murs furent achevés en 1543, date à laquelle se tint une partie des cérémonies du mariage de Girolamo Martinengo et Eleonora Gonzaga. Voir SHERRILL, p.138.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • BELOZERSKAYA Marina, Luxury arts of the Renaissance, Los Angeles, J.Paul Getty Museum, 2005.
  • CONDRA Jill, The Greenwood encyclopedia of Clothing through World history : Volume 2, 1501-1800, Westport, Greenwood Press, 2007.
  • JANDOT Olivier, « La douce chaleur du poil, Les usages de la fourrure, entre mode et nécessité (XVIe-XVIIe siècles) », dans Modes pratiques, n°3, décembre 2018.
  • MENNELL Nicole, Zibellini as Animal-Made Objects [en ligne]. Society for Renaissance Studies, 8 mars 2017.https://www.rensoc.org.uk/2128-2/
  • MUSACCHIO Jacqueline, "Weasels and Pregnancy in Renaissance Italy", Renaissance Studies, 15, 2001, p. 172-186
  • SHERRILL Tawny, "Fleas, Furs, and Fashions: Zibellini as Luxury Accessories of the Renaissance", in Robin Netherton and Gale R. Owen-Crocker (dir.), Medieval Clothing and Textiles, vol. 2, Woodbridge, The Boydell Press, 2006, p. 121-150.

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