Utilisateur:Mazcyatl/Dictature des frères Tinoco

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Joséfiens échappant aux troupes de Tinoco le 20 août 1919. The Bemidji daily pioneer.

La dictature des Frères Tinoco, dictature tinoquiste ou peliquiste, ou dictature des Tinoco est la période historique du Costa Rica durant laquelle est mise en place une dictature militaire par Federico Tinoco Granados, président de facto et son frère José Joaquín Tinoco Granados comme ministre de la Guerre. Le putsch a lieu le 27 janvier 1917 et le régime prend fin avec l'exil de Tinoco vers la France le 13 août 1919, trois jours après l'assassinat de son frère après des insurrections armées lors de la Révolution de Sapoá et le Mouvement civique étudiant de 1919.[1]

Federico Tinoco.

Contexte[modifier | modifier le code]

Alfredo González Flores est élu président du Costa Rica par le vote du Congrès comme le stipule la Constitution en vigueur après un accord politique entre les candidats qui ont participé à l'élection de 1913 Máximo Fernández Alvarado et Carlos Durán Cartín. Peu après avoir formé son gouvernement le 8 mai 1917, la Première Guerre Mondiale débute, causant une grave crise économique en raison de la dépendance costaricienne à l'exportation de produits des grandes puissances en guerre.[2][3][4][5]

González applique une série de mesures qui provoquent la colère de la puissante oligarchie des entreprises costariciennes, avec la création de la première banque publique (la banque était alors un monopole privé de l'oligarchie) la Banque Internationale du Costa Rica, une réforme des impôts, la Loi sur le cadastre pour quantifier la valeur des propriétés et un veto à la concession pétrolière Pinto-Greulich souscrite entre le Secrétaire Enrique Pinto et le magnat américain Leo Greulich qui permet à sa compagnie la West India Oil Company d'exploiter les puits pétroliers costariciens.[4][5]

Le mécontentement populaire dû à la crise économique et la colère des classes puissantes permettent au ministre de la Marine, Federico Tinoco de mener un putsch le 27 janvier 1917 avec le soutien de l'oligarchie, de l'Église et de l'Armée.[6]

Efforts de légitimation[modifier | modifier le code]

Après le coup d'Etat, Tinoco tente de donner de la légitimité à son gouvernement en convoquant des élections présidentielles en 1917, avec un candidat unique et un parti unique, le Parti Peliquiste (créé pour soutenir le régime et seul parti autorisé). Il convoque également une Assemblée constituante chargée de proposer une nouvelle constitution rédigée par une junte formée par d'anciens présidents (certains n'ont cependant pas accepter d'y participer).[7]

Le processus terminé et la nouvelle constitution promulguée , le régime convoqué des élections pour nommer les membres du Sénat et de la Chambre des Députés du Costa Rica.[8]

Police secrète « Les sbires »[modifier | modifier le code]

La police secrète créée par Cleto González Víquez pour la sécurité interne est utilisée par Tinoco pour réprimer l'opposition et terroriser la population civile. Surnommés « les sbires » les agents de Tinoco identifient et arrêtent les adversaires, les torturent et, parfois, les exécutent.[2]

Politique internationale[modifier | modifier le code]

Le président américain Woodrow Wilson.

Le gouvernement du président démocrate Woodrow Wilson refuse de reconnaître le gouvernement de Tinoco et empêche la participation du Costa Rica à la Première Guerre mondiale, avec laquelle Tinoco cherche à gagner les faveurs de Washington, sans succès.[4][5]

Cependant, le blocage américain et le soutien de l'administration Wilson à l'opposition contre Tinoco, ajoutés à la déclaration de guerre du Costa Rica à l'Empire allemand, ont permis à Tinoco de justifier l'application de la loi martiale et incarcérer des centaines d'opposants.[2]

Début de l'opposition[modifier | modifier le code]

La présentation de deux projets de loi polémiques par Tinoco, la restauration de la peine de mort et la suppression du vote direct, a conduit à un affaiblissement du soutien au régime. L'opposition était jusqu'alors parvenue à se faire entendre par l'intermédiaire des médias tels que Diario de Costa Rica, Acción Social et El Liberal qui ont été fermés par le régime.

Les premières manifestations anti-tinoquistes sont organisées entre le 12 et le 13 novembre 1918, lors des commémorations pour la fin de la guerre. L'adversaire Stewart Johnson compare la défaite de l'empereur allemand à l'imminente défaite de Tinoco et la foule crie « mort à Tinoco ! » et « à bas le gouvernement ! ». La police réprime violemment les manifestations.[2]

Violations aux droits humains[modifier | modifier le code]

Le régime tinoquiste est particulièrement répressif. Outre la fermeture des médias d'opposition et l'incarcération d'opposants, des tortures et des exécutions extrajudiciaires ont eu lieu.[2]

Soulèvements et opposition[modifier | modifier le code]

Les frères Alfredo et Jorge Volio et l'intellectuel Rogelio Fernández Güell ont tenté de mener des insurrections armées contre Tinoco dans le sud du pays. Güell est assassiné avec Carlos Sanchos Jeremías Garbanzo, Ricardo Rivera, Salvador Jiménez et Joaquín Porras à Buenos Aires par les sbires.[3] Le professeur salvadorien Marcelino García Flamenco assiste au crime et fuit au Panama où il dénonce les faits à la presse. Flamenco revient avec d'autres jeunes pour organiser une insurrection qui échoue, lors de la Bataille d'Arriete le 19 juillet 1919, et est assassiné et brûlé vif par les sbires de Tinoco. Sa mort héroïque est commémorée au Salvador et au Costa Rica, surtout dans le canton de La Cruz.[1]

L'assassinat de Marcelino agite les esprits et suscite l'indignation. Julio Acosta García dirige l'opposition armée anti-tinoquiste depuis Sapoá, au Nicaragua, associée aux protestations populaires qui conduisent à l'assassinat de José Joaquín Tinoco et la fuite de son frère avec ses proches. Tinoco meurt en exil le 7 décembre 1937.[1]

Restauration de la démocratie[modifier | modifier le code]

Après Tinoco, Juan Bautista Quirós Segura assume le pouvoir, sans être reconnu par Washington. Il abroge la constitution tinoquiste en rétablissant la Constitution politique du Costa Rica de 1871 et convoque des élections générales, facilement gagnées par le leader de l'opposition antitinoquiste Julio Acosta García du Parti Constitutionnel. Son adversaire principal est le médecin tinoquiste et frère de l'ancien président, Bernardo Soto Alfaro, José María Soto Alfaro dont la candidature a permis de donner de la légitimité à l'élection d'Acosta.

Analyse[modifier | modifier le code]

Portrait officiel de Federico Tinoco à l'Assemblée Législative, à l'origine d'une polémique.

La figure de Tinoco est devenue le symbole de l'autoritarisme et de la dictature dans l'histoire costaricienne. La présence de son portrait dans le Salon des Présidents de l'Assemblée législative du Costa Rica a ainsi fait polémique.[3]

Son régime représente l'unique dictature connue des Costariciens, malgré l'existence d'autres gouvernements autoritaires préalables, notamment au 19ème siècle (Samuel Stone assure que seuls deux gouvernements peuvent être considérés comme des dictatures au Costa Rica : celui de Tomás Guardia Gutiérrez et celui de Tinoco).[3]

En dépit de la rupture avec l'ordre constitutionnel lors de la guerre civile de 1948, le gouvernement de facto de José Figueres Ferrer n'est pas considéré comme une dictature. Tinoco est devenu l'unique dictateur de l'histoire costaricienne du 20ème siècle, fait inhabituel en Amérique latine. Pourtant, à la différence d'autres dictatures telles que la dictature militaire d'Augusto Pinochet au Chili, du Guatemala, de l'Argentine et de l'Uruguay, la dictature de Tinoco n'est pas étudiée ni commémorée dans la société costaricienne.[2]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c « Dictadura de los Tinoco », Guías de Costa Rica (consulté le Date invalide (25 de julio de 2019))
  2. a b c d e et f (en) {{Article}} : paramètre « titre » manquant, paramètre « périodique » manquant, paramètre « date » manquant (lire en ligne) Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « bonilla » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  3. a b c et d (en) {{Article}} : paramètre « titre » manquant, paramètre « périodique » manquant, paramètre « date » manquant (lire en ligne) Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « soto » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.
  4. a b et c « COSTA RICA.- 12 de agosto de 1919: es derrocada la dictadura de los hermanos Tinoco », El Socialista, 10 de agosto de 2018 (consulté le Date invalide (25 de julio de 2019))
  5. a b et c « El gobierno de Federico Tinoco (inicio de la “liberalización” del régimen republicano autoritario) », Revista Judicial, no 99,‎
  6. Cien años de política costarricense: 1902-2002, de Ascensión Esquivel a Abel Pacheco, EUNED, (lire en ligne)
  7. « Notas sobre la Asamblea Nacional Constituyente de 1949 », Revista de Ciencias Jurídicas, vol. Nº125,‎ mayo-agosto 2011, p. 31-78 (lire en ligne)
  8. Costa Rica en el siglo veinte, EUNED (lire en ligne)