Aller au contenu

Utilisateur:Antoine Labrouste/Brouillon

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Quattro pezzi su una nota sola (Scelsi)

Fiche wikidata : https://www.wikidata.org/wiki/Q2639893


Quattro pezzi su una nota sola, en français : Quatre pièces sur une seule note ,appelées aussi : Quattro pezzi per orchestra (ciascuno su una nota sola)[1], est une œuvre pour ensemble instrumental du compositeur italien Giacinto Scelsi (1905-1958), composée en 1959[2]. Elle est considérée comme emblématique de l'esthétique de Scelsi et de son langage musical basé sur l'exploration du son.[3]

Histoire de l'oeuvre[modifier | modifier le code]

Processus créatif[modifier | modifier le code]

A la fin des années 1940, Giacinto Scelsi traverse une crise qui nécessite un internement. Dans une clinique en Suisse, il passe des heures au piano, à jouer et à écouter une même note, sur laquelle il concentre son attention dans un but thérapeutique. Suite à cet épisode, ses travaux prennent une orientation en rupture avec ses précédentes créations.

Constatant que "la musique ne peut exister sans le son", il identifie celui-ci comme un "mouvement" primordial. Il développe une théorie selon laquelle "le son est sphérique", possédant, outre la hauteur et la durée une troisième dimension plus difficile à percevoir, la profondeur.[4] Il intègre aussi à ses préoccupations des éléments empruntés aux religions orientales et à d'autres traditions mystiques, comme la méditation ou le concept de son originel.

Lorsque Scelsi reprend la composition en 1952, il a 48 ans et commence à expérimenter un nouveau langage musical. Avec ses pièces pour piano, puis pour d'autres instruments solistes, ou sa musique de chambre, il s'efforce de rendre audible le mouvement et la profondeur du son. Pour permettre à l'auditeur de percevoir les vibrations de la forme sonore, il joue sur les contrastes (variations de couleur et d'intensité), les oscillations (trémolos, trilles, grappes de son) et il adopte la micro-tonalité (composition en quarts de ton).

En 1959, Scelsi réalise la synthèse de ces recherches, appliquées à un plus large effectif, dans les Quattro pezzi su una nota sola. Cette composition marque le début d'une nouvelle phase créative, au cours de laquelle il composera d'autres œuvres plus ambitieuses pour différents ensembles instrumentaux, pour orchestre, ou pour orchestre et chœur.

Création et diffusion[modifier | modifier le code]

Contrairement à nombre de compositions de Scelsi, qui connurent une publication et une interprétation tardives, les Quattro pezzi sont créées peu après leur achèvement, en décembre 1961 au Palais de Chaillot à Paris, dans le cadre d'un programme "Musique d'aujourd'hui" du Théâtre national populaire.[5]

Elles sont interprétées pour la première fois par l'Orchestre national de la Radiodiffusion française sous la direction du chef Maurice Leroux, à qui Henri Michaux les a recommandées.

Même si elles présentent des difficultés, comme l'utilisation de micro-intervalles, alors rarement utilisés et auxquels les orchestres de l'époque ne sont pas habitués[6], elles acquièrent une réputation Elles sont l'une des rares œuvres de Scelsi interprétées de manière significative au cours de la vie de Scelsi. et sont devenues l'une des plus célèbres .

Effectif instrumental[modifier | modifier le code]

L'oeuvre est écrite pour un orchestre de chambre de 25 à 26 instrumentistes. Elle privilégie les vents et les instruments graves :

  • bois : une flûte alto, un hautbois, un cor anglais, deux clarinettes, une clarinette basse, un basson,
  • cuivres : quatre cors, 1 saxophone (ténor dans les deux premières pièces, alto dans les deux suivantes), trois trompettes, deux trombones, un tuba basse,
  • une scie musicale (ou flexatone),
  • des timbales et une percussion (bongos, tumba, cymbale suspendue, petit et grand tam-tam),
  • cordes : deux altos, deux violoncelles, une contrebasse.

Analyse et réception critique[modifier | modifier le code]

Comme l'indique le titre de l'oeuvre, chacun des quatre mouvements utilise une note unique : dans le premier le fa, puis le si, le la bémol, et enfin le la dans la dernière pièce.[7]

Pour appliquer cette contrainte, la note est modulée selon différents procédés : doublement avec les instruments à l'unisson ou jouant sur plusieurs octaves, variations de l'intensité, des couleurs et de l'effectif instrumental, modifications de la hauteur par l'utilisation de demi-tons et de micro-intervalles. [7]

Pour le compositeur Tristan Murail, qui voit en Scelsi un précurseur du courant de la musique spectrale, constitué dans les années 1970, avec cette oeuvre, "le processus compositionnel se passe réellement à l’intérieur du son au lieu d’être le fruit d’une combinatoire de sons. En conséquence, le fond, le matériau sonore, est en même temps la forme de l’œuvre". [8] Dans cette rupture avec les modèles antérieurs, Murail relève des similitudes entre les Quattro pezzi et des créations qui lui sont contemporaines, comme les 4'33 de silence de John Cage et, en peinture, les monochromes d'Yves Klein ou de Mark Rothko. La démarche de Scelsi lui paraît particulièrement fructueuse, en ce qu'elle invite l'auditeur à découvrir un monde de "raffinements" sonores. [9]

Discographie[modifier | modifier le code]

  • Orchestre et chœur de la Radio-Télévision Polonaise de Cracovie, dirigé par Jürg Wyttenbach (enregistré en 1989), dans : Quattro Pezzi – Anahit – Uaxuctum, CD Accord-200612 ; repris dans : Œuvre intégrale pour choeur et orchestre symphonique, 3 CD, Universal-Musidisc, 2002)
  • Vienna Radio Symphony Orchestra, dirigé par Peter Rundel (enregistré en 2005), dans : Giacinto Scelsi 6: The Orchestral Works 2, CD Mode 176
  • Rundfunk-Sinfonieorchester Saarbrücken, dirigé par Hans Zenzer (enregistré en 1978), dans : Hans Zender Edition 13, CD CPO 999 485-2
  • Ensemble L'Itinéraire, dirigé par Lucas Pfaff, CD Edition RZ 1014





  1. (it) Fondazione Isabella Scelsi, « Catalogo delle opere edite di Giacinto Scelsi », sur www.scelsi.it (consulté le )
  2. « Quattro pezzi su una nota sola, Giacinto Scelsi », sur brahms.ircam.fr (consulté le )
  3. Jacques Amblard, « Giacinto Scelsi : parcours de l'oeuvre », sur brahms.ircam.fr, (consulté le )
  4. Giacinto Scelsi, "Son et musique", dans : Les anges sont ailleurs..., Actes sud, (ISBN 2-7427-6004-0 et 978-2-7427-6004-6, OCLC 70218778), p. 125-126
  5. J.L., « Tansman, Haubenstock-Ramati, Scelsi au T.N.P. », Le Monde,‎
  6. Giacinto Scelsi, Il sogno 101 : mémoires, Actes Sud, (ISBN 978-2-7427-6367-2 et 2-7427-6367-8, OCLC 495404006), p. 149
  7. a et b Harry Halbreich, « Notes du livret d'accompagnement », CD Quattro Pezzi – Anahit – Uaxuctum (Accord-Musidisc 200612),‎
  8. Claude Abromont, « Scelsi, le compositeur qui existait… autrement », sur France Musique, (consulté le )
  9. Tristan Murail, « Scelsi, De-composer », Contemporary Music Review, Vol. 24, No. 2/3, April/June 2005, pp. 173 – 180 (consulté le )