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Ilario Rossi
Portrait de Ilario Rossi
Données clés
Données clés

Ilario Rossi[modifier | modifier le code]

Anthropologue suisse

Ilario Rossi (1959-2022) est un anthropologue suisse, qui a travaillé sur des thèmes liés au corps, à la santé et à la maladie, aux relations soignants-soignés, à l’éthique en médecine, à la fin de vie. Il a enrichi la notion de « pluralisme médical » en l’analysant dans les sociétés "plurielles" sur la base de travaux ethnographiques au Mexique, en Afrique, en Asie et en Suisse et en créant des espaces d’échanges et de réflexion avec les professions de santé sur les enjeux du pluralisme dans le soin.

Parcours[modifier | modifier le code]

Originaire du Tessin (Suisse) Ilario Rossi a étudié l’anthropologie au Mexique et à l’Université de Neuchâtel, à l’Universidad Nacional Autonoma de Mexico, puis à l’Université de Lausanne (UNIL) où il obtient un doctorat en sociologie et anthropologie. Sa thèse est un travail ethnographique sur le chamanisme dans la population Huichol (Mexique). En 1998, il est recruté à l’Institut d’Anthropologie et de Sociologie, actuellement Institut des Sciences Sociales de l’UNIL où il devient responsable d’un cursus santé du master en sciences sociales.

Apprécié des étudiant·e·s pour son apport scientifique et son charisme, Ilario Rossi s’est impliqué dans de nombreux projets pédagogiques et scientifiques en lien avec des institutions de santé publique, de médecine sociale et de santé communautaire suisses et avec la Faculté de biologie et médecine de l’UNIL[1]. Il a été membre fondateur en 2013 du réseau SAMP (Santiniketan Anthropology and Medicine Project autour de l’Université Visva Bharati of Santiniketan organisant des séjours d’étudiants et des enquêtes de terrain sur la santé auprès de populations autochtones Santal en Inde) et en 2015 du réseau PASSE (Pédiatrie et Anthropologie de la Santé au Service de l’Enfant qui a soutenu des recherches appliquées en sciences sociales et santé). Il a également été un membre très actif de l’association AMADES (Anthropologie médicale appliquée au développement et à la santé, devenue Association d’anthropologie médicale et de la santé).

Recherches[modifier | modifier le code]

Dans l’ouvrage issu de sa thèse, intitulé Corps et chamanisme. Essai sur le pluralisme médical, Ilario Rossi analyse le statut du corps dans la pratique chamanique des Wixaritari (population amérindienne habituellement désignée comme Huichol) dans la partie occidentale de la Sierra Madre au Mexique[2]. Le corps y apparaît comme lieu de transformation, opérateur rituel davantage que support, qui permet à la personne de rencontrer le « monde autre » notamment lors de l’expérience extatique provoquée par l’ingestion de peyotl. Ceci conduit Ilario Rossi à plaider pour une approche pluraliste dans les soins, qui combine les avancées scientifiques de la médecine et la richesse des cultures en utilisant la voie rituelle pour gérer la souffrance et le malheur[3]. L’ouvrage a été salué par les anthropologues pour avoir revisité le chamanisme en tant que forme rituelle « en résistance » dans une population soumise à l’assimilation, et pour avoir montré l’importance et la valeur des itinéraires de soins utilisant une diversité de registres[4]. Les sciences médicales qui négligent l’inscription des corps dans leur culture et les formes de pluralisme qui peuvent être intégrées avec et dans la biomédecine sont restées un thème majeur de ses recherches, souvent critiques.

Ilario Rossi a été l’un des premiers chercheurs à interroger le pluralisme médical sous l’angle anthropologique. Dans un premier ouvrage qu’il coordonne avec Nicole Durisch Gauthier et Jörg Stolz, il étudie la multitude d'offres de guérison qui se déploient aujourd'hui entre les deux pôles que sont la médecine et la religion. De type pentecôtiste, néo-oriental ou du domaine de la médecine alternative, ces offres répondent à la quête de santé ainsi qu'à l'impératif de bien-être et d'épanouissement personnel propre à notre monde contemporain. L’ouvrage analyse les discours, les pratiques et les stratégies des prestataires de ces offres, les jeux de concurrences et de complémentarités sur un marché où santé et spiritualité sont étroitement mêlées[5].

Continuant son exploration du pluralisme médical, Ilario Rossi questionne plus particulièrement l’intérêt croissant des patients atteints de cancers pour les médecines alternatives, alors que les traitements en cancérologie ne cessent de s’améliorer. Avec d’autres socio-anthropologues de la médecine, il publie sous le titre Cancer et pluralisme thérapeutique une enquête auprès de malades et d’institutions en Suisse, en Belgique et en France[6]. Avec Patrice Cohen, il coordonne un numéro thématique de la revue d'anthropologie médicale Anthropologies & Santé sur Anthropologie des soins non-conventionnels du cancer. Il a par la suite interrogé ces notions dans d’autres domaines de la médecine tels que la santé mentale, et lors de terrains de recherche en Afrique (en particulier au Sénégal et au Burkina Faso[7]) et en Asie (notamment en Inde), où l’ont mené ses intérêts scientifiques et pédagogiques.

Un autre aspect majeur de la contribution professionnelle d’Ilario Rossi est l’introduction d’analyses en sciences sociales au sein de la médecine, à plusieurs niveaux. Ses recherches abordent des thèmes centraux en médecine à propos de la relation soignant-soigné, traités en lien avec les demandes d’institutions sanitaires, notamment la Policlinique Médicale Universitaire (PMU) de Lausanne. Une partie de ces analyses concernent la pratique médicale auprès de migrants et en contexte pluriculturel, lorsque les patients et les soignants doivent se comprendre mutuellement dans le cadre de relations interculturelles, et lorsqu’ils doivent ajuster la biomédecine à une société « plurielle ». Ilario Rossi développe ainsi une réflexion à propos de l’annonce du diagnostic en cas de maladie grave, et participe à la création de vidéos didactiques sur le conseil avant et après le test VIH en contexte pluriculturel, qui seront utilisées auprès de requérants d’asile. Il publiera aussi de nombreux articles dans des revues de professionnels de santé, dans l’objectif d’ouvrir la réflexion sur l’altérité et les formes d’exercice qui permettent de soigner sans contraindre, en respectant l’autodétermination et la différence culturelle des malades.

Dans un registre plus théorique, Ilario Rossi organise en 2005 un colloque international porté par l’AMADES sur la prévision et la prédiction de la maladie, puis coordonne l’ouvrage collectif[8] qui en est issu. Cet ouvrage porte sur la manière dont les sociétés interrogent le futur et tentent d'en influencer le cours, au travers d’une quête d'anticipation mise en œuvre par des guérisseurs ou des devins, des scientifiques ou des médecins. L’ouvrage analyse les dispositifs d'évaluation des possibles, et traite les continuités et les ruptures entre pratiques populaires, science médicale et biotechnologies contemporaines, à une époque où le risque devient la mesure directe de nos actions marquées par la globalisation[9]. L’ouvrage a montré toute sa pertinence lors de la pandémie de covid-19 (2019-2023) et peut être consulté sur le site de l’AMADES.

A partir de 2010, Ilario Rossi conjugue les thèmes du pluralisme et de la relation soignant-soigné pour travailler sur la fin de vie, et ouvre un espace de réflexion commun à la médecine, aux sciences infirmières et aux sciences sociales à un moment où les soins palliatifs s’institutionnalisent. Pour lui, penser avec d’autres professionnels de santé les incertitudes de la mort ne peut se faire sans relier pratiques palliatives, production du savoir et enjeux de société[10]. Dans le cadre de co-construction qu'il expérimente depuis longtemps[11], il analyse une forme de relation soignant-soigné qu’il qualifie d'accompagnement, offrant un modèle utile pour l’analyse de nouvelles formes d’exercice, liées entre autres à l’expansion de nouvelles techniques thérapeutiques qui permettent l’auto-soin[12]. Dans son article sur Sujet et choix : entre pluralisme thérapeutique et fin de vie, Ilario Rossi fait encore avancer la réflexion sur les fins de vie "plurielles" en ajoutant une dimension politique à son ethnographie des changements sociaux, plaidant pour l’autodétermination du sujet et questionnant les modalités politiques et juridiques, scientifiques et expérientielles, qui permettent de penser les conditions de sa mort[13].

Bibliographie sélective[modifier | modifier le code]


Ilario Rossi, Corps et chamanisme: essai sur le pluralisme médical, A. Colin, coll. « Collection Références », (ISBN 978-2-200-01554-1)

Nicole Durisch Gauthier, Ilario Rossi et Jörg Stolz, Quêtes de santé: entre soins médicaux et guérisons spirituelles, Labor et Fides, coll. « Religions et modernités », (ISBN 978-2-8309-1217-3)

Patrice Cohen, Aline Sarradon-Eck, Ilario Rossi, Olivier Schmitz, Emilie Legrand, Cancer et pluralisme thérapeutique: enquête auprès des malades et des institutions médicales en France, Belgique et Suisse, l'Harmattan, coll. « Anthropologies et médecines », (ISBN 978-2-343-07731-4)

Ilario Rossi (dir.), Prévoir et prédire la maladie: de la divination au pronostic, Paris, Aux lieux d'être éd., coll. « Sous prétexte de médecines », (ISBN 978-2-916063-41-6)

Ilario Rossi, « Dialoguer autour des incertitudes de la mort », Revue internationale de soins palliatifs, vol. 25, no 1,‎ , p. 3–4 (ISSN 1664-1531, DOI 10.3917/inka.101.0003, lire en ligne, consulté le )


  1. Daniela Cerqui Ducret, Lucia Candelise, Daniel Widmer, André Berchtold, Hommage à Ilario Rossi, 2022, https://news.unil.ch/display/1655729788270
  2. Ilario Rossi, Corps et chamanisme: essai sur le pluralisme médical, A. Colin, coll. « Collection Références », (ISBN 978-2-200-01554-1)
  3. Franck Noulin, « ROSSI (Ilario), Corps et chamanisme. Essai sur le pluralisme médical: Paris, Armand Colin, 1997, 210 p. (coll. « Références », série « Chemins de traverses ») », Archives de sciences sociales des religions, no 110,‎ , p. 101–102 (ISSN 0335-5985 et 1777-5825, DOI 10.4000/assr.20594, lire en ligne, consulté le )
  4. Françoise Morin, « Ilario ROSSI, Corps et Chamanisme. Essai sur le pluralisme médicale, 1997, Paris, Armand Colin. », Anthropologie et Sociétés, vol. 22, no 2,‎ , p. 211–213 (ISSN 0702-8997 et 1703-7921, DOI 10.7202/015544ar, lire en ligne, consulté le )
  5. Nicole Durisch Gauthier, Ilario Rossi et Jörg Stolz, Quêtes de santé: entre soins médicaux et guérisons spirituelles, Labor et Fides, coll. « Religions et modernités », (ISBN 978-2-8309-1217-3)
  6. Patrice Cohen, Aline Sarradon-Eck, Ilario Rossi, Olivier Schmitz, Emilie Legrand, Cancer et pluralisme thérapeutique: enquête auprès des malades et des institutions médicales en France, Belgique et Suisse, l'Harmattan, coll. « Anthropologies et médecines », (ISBN 978-2-343-07731-4)
  7. Ilario Rossi, Moubassira Kagoné, Maurice Yé, Ali Sié, « Médicaments et trajectoires de fin de vie. Éthique de l’absence entre santé publique et santé communautaire », dans Mamadou Badji, Alice Desclaux, Nouveaux enjeux éthiques autour du médicament en Afrique: Analyses en anthropologie, droit et santé publique, Dakar, L'Harmattan, , 344 p. (ISBN ‎ 978-2343080727[à vérifier : ISBN invalide]), p. 309-328
  8. Ilario Rossi, Prévoir et prédire la maladie: de la divination au pronostic, Paris, Aux lieux d'être éd., coll. « Sous prétexte de médecines », (ISBN 978-2-916063-41-6)
  9. Véronique Duchesne, « Rossi Ilario (dir.), 2007, Prévoir et prédire la maladie. De la divination au pronostic. Compte rendu d'ouvrage. », Ethnographiques.org [en ligne].,‎ (lire en ligne)
  10. Ilario Rossi, « Dialoguer autour des incertitudes de la mort », Revue internationale de soins palliatifs, vol. 25, no 1,‎ , p. 3–4 (ISSN 1664-1531, DOI 10.3917/inka.101.0003, lire en ligne, consulté le )
  11. Jean Benoist, « La santé en débat : pratiques de la co-disciplinarité », Bulletin Amades. Anthropologie Médicale Appliquée au Développement Et à la Santé, no 56,‎ (ISSN 1257-0222, DOI 10.4000/amades.636, lire en ligne, consulté le )
  12. Ilario Rossi, « L'accompagnement en médecine. Anthropologie d'une nécessité paradoxale », Pensée plurielle, vol. 22, no 3,‎ , p. 111–122 (ISSN 1376-0963, DOI 10.3917/pp.022.0111, lire en ligne, consulté le )
  13. Sarah Carvallo (dir.), Fins de vie plurielles: Mourir en démocratie, Presses universitaires de Franche-Comté, (ISBN 978-2-84867-852-8 et 978-2-84867-897-9, DOI 10.4000/books.pufc.40125, lire en ligne)