Sankarisme

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 Le sankarisme désigne l'ensemble des idéologies, des valeurs politiques et morales prônées par le capitaine Thomas Sankara, président du Burkina Faso de 1983 à 1987 .

Historique[modifier | modifier le code]

Origine[modifier | modifier le code]

Le capitaine Thomas Sankara arrive au pouvoir en Haute Volta (actuel Burkina Faso) par un coup d'Etat militaire soutenu par le peuple en 1983.

Pendant son mandat au pouvoir, Sankara - un vétéran de guerre bien connu pour son charisme - commence la mise en place de ce qu'il appel la « Révolution démocratique et populaire », une transformation radicale de la société axée sur l'autosuffisance[1]. Un certain nombre d'organisations ont été formées pour mettre en œuvre cette révolution, parmi lesquelles les Comités de Défense de la Révolution, les Tribunaux Révolutionnaires Populaires et les Pionniers de la Révolution .

Un grand nombre de réformes ont été promulguées dans le nouveau Burkina Faso rebaptisé entre 1983 et 1987[2]. Ces reformes sont entre autres: des programmes de vaccination de masse[3],[4], le reboisement[5], l'élimination des bidonvilles grâce à de nouveaux lotissements[6], et le développement des infrastructures nationales telles que les réseaux ferroviaires.

Postérité[modifier | modifier le code]

En 1987, le capitaine Sankara est assassiné avec 12 de ses partisans lors d'un autre coup Etat dirigé par l'ex-président Blaise Compaoré, ex-ami et frère d'arme de Thoma Sankara [7]. La plupart de ces projets enclenchés sont annulés après ce coup d'État militaire.

Même après la mort de Thomas Sankara, son héritage demeure en grande partie grâce à sa personnalité charismatique et ses actions. Parfois surnommé le «  Che Guevara de l'Afrique » en raison de ses similitudes de style avec le révolutionnaire argentin et de l'inspiration qu'il a tirée de la révolution cubaine, Sankara est devenu connu pour sa vie frugale, sa moto, son jeu de guitare et son opposition au culte de la personnalité. Autant de traits personnels qui le distinguent des hommes d'État africains contemporains. Par exemple, lorsqu'on lui a demandé pourquoi il ne voulait pas que son portrait soit accroché dans des lieux publics, comme c'était la norme pour les autres dirigeants du continent, il a répondu « Il y a sept millions de Thomas Sankaras ».

Idéologiquement, Sankara est un panafricaniste et anti-impérialiste qui cherchait à revendiquer l'identité africaine de sa nation et s'opposait au néocolonialisme. Aussi d'idéologie communiste, il étudiait les œuvres de Karl Marx et de Vladimir Lénine[8] .

Influences[modifier | modifier le code]

L'un des premiers groupes à se connecter idéologiquement à l'étiquette de "Sankarisme" fut le Mouvement Sankariste, formé en exil à Paris quelques semaines seulement après l'assassinat de Sankara le 15 octobre 1987[9]. Depuis lors, les partis politiques sankaristes auto-identifiés et d'autres organisations ont été une caractéristique commune au sein du mouvement d'opposition burkinabé contre le gouvernement du président Compaoré. De nombreux dirigeants sankaristes ont un passé soit dans le gouvernement de Sankara, soit dans les organisations qu'il a créées. Par exemple, Ernest Nongma Ouédraogo – chef de la Convention panafricaine sankariste – était ministre de la Sécurité sous Sankara, et Sams'K Le Jah – chef du Balai citoyen ( Le Balai Citoyen ) – a reçu son éducation politique à l'adolescence dans le mouvement des Pionniers[10].

Les sankaristes ont joué un rôle important à la fois dans les manifestations burkinabés de 2011 et dans le soulèvement burkinabé de 2014. Ce dernier a réussi à renverser le président Blaise Compaoré fin octobre 2014, obligeant le dirigeant à démissionner et à fuir le pays vers la Côte d'Ivoire et provoquant un coup d'État militaire. Thomas Sankara a été cité comme une source d'inspiration majeure pour les manifestants [11], certains allant jusqu'à qualifier le soulèvement de "Révolution 2.0" en référence à la "Révolution démocratique et populaire" de Sankara dans les années 1980 [12].

Il existe une forte dissonance politique entre les mouvements qui souscrivent à l'héritage politique et aux idéaux de Sankara, un fait que l'opposant burkinabé Bénéwendé Stanislas Sankara (aucun lien de parenté) a décrit en 2001 comme étant « dû à un manque de définition du concept »[13]. Les « sankaristes » vont des communistes et des socialistes plus modérés[14] aux nationalistes et aux populistes[10].

Organisations sankaristes[modifier | modifier le code]

Burkina Faso[modifier | modifier le code]

Les groupes sankaristes historiques et actuels comprennent:

  • Parti Burkinabé pour la Refondation ;
  • Bloc socialiste burkinabé ;
  • Convergence pour la social-démocratie ;
  • Convergence de l'espoir ;
  • Courant des Démocrates Fidèles à l'Idéal de Thomas Sankara ;
  • Rassemblement Démocratique et Populaire ;
  • Mouvement pour la tolérance et le progrès ;
  • Parti national des patriotes ;
  • Parti de la social-démocratie [9] ;
  • Collectif Sankara [9] ;
  • Front démocratique sankariste ;
  • Mouvement Sankariste [9] ;
  • Convention Panafricaine Sankariste ;
  • Front des forces sociales ;
  • Le balai des citoyens [10] ;
  • Union pour la Renaissance / Mouvement Sankariste ;
  • Union des partis sankaristes.

À l'étranger[modifier | modifier le code]

Les Combattants de la liberté économique (EFF) sont un parti politique nationaliste noir d' extrême gauche en Afrique du Sud, fondé en 2013 par Julius Malema, l'ancien président controversé de la Ligue de la jeunesse du Congrès national africain. Le parti est actuellement le troisième plus grand parti dans les deux chambres du parlement sud-africain, obtenant 1 169 259 voix et une part de 6,35 % des voix lors des élections générales de 2014. L'EFF prétend s'inspirer de Sankara en termes de style et d'idéologie[10]. Dans une chronique de mai 2014, l'éminent membre de l'EFF, Jackie Shandu, a déclaré que son parti était une "formation fièrement sankariste"[15]. Expulsé de ce parti, Andile Mngxitama a fondé Black First Land First en 2015, avec une conscience noire et des politiques panafricanistes et une philosophie de leadership sankariste[16].

Didier Awadi, musicien de hip-hop sénégalais et l'un des rappeurs les plus en vue d'Afrique de l'Ouest francophone, décrit Thomas Sankara comme sa plus grande inspiration politique[17]. Il a enregistré plusieurs chansons faisant référence à Sankara et a rendu visite à la famille du chef tué au Burkina Faso. En 2003, il crée "Studio Sankara", un label de musique et un studio d'enregistrement[18].

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Leo Zeilig, A Certain Amount of Madness: The Life, Politics and Legacies of Thomas Sankara, Pluto Press, (ISBN 978-0-7453-3757-9, DOI 10.2307/j.ctt21kk235, JSTOR j.ctt21kk235)
  2. (en) Building State Capacity in Africa: New Approaches, Emerging Lessons, Washington D.C., World Bank Publications, (ISBN 082-136-000-0), p. 138
  3. (en) « Vaccination commando: Burkina Faso », Salubritas, vol. 8, no 4,‎ , p. 1 (ISSN 0191-5789, PMID 12340574, lire en ligne [archive du ])
  4. (en) « Speeding up child immunization », World Health Forum, World Health Organization, vol. 8,‎ , p. 216–220 (lire en ligne)
  5. (en) Benjamin Dodman, « Can the 'Great Green Wall' carry out Sankara's ecological, pan-African dream? » [archive du ], (consulté le )
  6. (en) « Africa's Che Guevara and Burkina Faso - African Agenda – A new perspective on Africa » [archive du ], africanagenda.net,
  7. (en) Susi Kessler, « Speeding up child immunization », World Health Organization,‎ , p. 216–220 (lire en ligne)
  8. (en) Thomas Sankara, Thomas Sankara Speaks: the Burkina Faso Revolution: 1983-1987, États-Unis, Pathfinders Press, , 20–21 p.
  9. a b c et d (en) Arnold Hughes, Marxism's Retreat from Africa, Londres, Psychology Press, (ISBN 071-464-502-8), p. 100
  10. a b c et d (en) Alex Duval Smith, « 'Africa's Che Guevara': Thomas Sankara's legacy » [archive du ], sur British Broadcasting Corporation, (consulté le )
  11. (en) « Burkina Faso: Ghost of 'Africa's Che Guevara », Al Jazeera, Doha,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  12. (en) « Burkina Faso's revolution 2.0 », The Guardian, Londres,‎ (lire en ligne [archive du ], consulté le )
  13. (en) « Opposition leader advocates "Sankarism » [archive du ], sur PanaPress, Dakar, (consulté le )
  14. Gandaogo, « Convention Panafricaine Sankariste, CPS » [archive du ], thomassankara.net (consulté le )
  15. (en) Jackie Shandu, « The Sankarist makings of the EFF », Daily Maverick, Johannesbourg,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. (en) « Black First! – Land First! A revolutionary Call », News24, (consulté le )
  17. « Didier Awadi avoue sa vénération pour Sankara », www.seneweb.com, Seneweb.com, (consulté le )
  18. (en) Laurence J. Brahm, Fusion Economics: How Pragmatism is Changing the World, Basingstoke, Palgrave Macmillan, (ISBN 978-113-744-418-9), p. 125