Punaise aquatique

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Nepomorpha

Les punaises aquatiques (Nepomorpha) sont un infra-ordre d'insectes hémiptères du sous-ordre des hétéroptères (punaises) liés à des milieux aquatiques. Appelées aussi hydrocorises (du grec kóris, « punaise » et hydro, « eau »), ces punaises aquatiques ont un mode de vie sous la surface de l'eau qui les distingue des géocorises (du grec geo, « terre »), ancienne dénomination des punaises terrestres ou aquatiques de surface[2].

Description[modifier | modifier le code]

Ces punaises sont les seules à être aquatiques (sauf les Ochteridae et les Gelastocoridae), c'est-à-dire à vivre sous la surface de l'eau, se distinguant ainsi des punaises dites « subaquatiques », vivant à la surface de l'eau (les Gerromorpha), comme des punaises terrestres (autres infra-ordres). Elles se reconnaissent directement à leurs antennes très courtes, réduites et pliées, le plus souvent insérées dans un sillon creusé en dessous des yeux (sauf chez les Ochteridae), et qui ne sont donc pas visibles depuis en dessus. Elles ont des yeux composés souvent grands. Pour la plupart, elles n'ont pas d'ocelles (sauf chez certains groupes). Leur rostre est en général court et fort. Les pattes antérieures sont souvent de forme ravisseuse (avec le tibia pouvant se replier sur le fémur). Elles présentent par ailleurs des formes extrêmement variables. Certains ont des organes respiratoires particuliers à l'extrémité de l'abdomen, leur permettant de respirer sous l'eau. D'autres ont des pattes médianes et postérieures transformées pour la natation avec des franges de longs poils. Plusieurs groupes ont des mécanismes stridulatoires[3],[4].

Répartition et habitat[modifier | modifier le code]

Les punaises aquatiques ont une répartition cosmopolite, elles se rencontrent partout sur la planète (à l'exception de l'Antarctique), avec la plus grande diversité dans les régions tropicales. Certaines familles ont une répartition plus restreinte (Aphelocheiridae est paléotropicale (zones tropicales de l'Afrique à l'Australie), Potamocoridae est néotropicale, et Helotrephidae est tropicale)[4].

Elles vivent dans l'eau stagnante ou à faible courant (Belostomatidae, Nepidae, Corixidae), mais parfois également dans des courants plus forts (certains Naucoridae). Certains vivent au fond de l'eau (Aphelocheridae) ou dans la végétation lacustre (Nepidae). Des Helotrephidae ont été récoltés dans des sources chaudes[4], et certains Corixidae vivent dans de saumâtre l'eau salée[5],[6].

Les familles des Gelastocoridae et des Ochteridae forment une exception au sein de l'infra-ordre en vivant sur les rives, voire plus loin à l'intérieur des terres (Nerthra ssp., parfois sous des pierres)[4].

Biologie[modifier | modifier le code]

La plupart des Nepomorpha sont prédateurs. La taille des proies va de la microfaune aquatiques (Corixidae), avec de petits invertébrés tels que larves de moustiques, ostracodes etc., jusqu'à, chez les Nepoidea, de petits vertébrés (petits poissons ou amphibiens). Toutefois, les Corixidae aspirent également des particules végétales dans l'eau, notamment des algues[4].

Certains groupes ont développé une sorte de « tuba » leur permettant de respirer de l'air tout en restant sous la surface (Nepidae) ou aspirent l'air par des poils modifiés en forme de canal (Belostomatidae), alors que d'autres peuvent extraire directement l'oxygène de l'eau (respiration par « plastron », Apheilocheridae, Naucoridae, etc.). Dans ces cas, les insectes possèdent un système de sécrétion antibiotique qu'ils étalent sur les poils pour éviter les infections[4].

Certains groupes (Notonectidae, Pleidae, Helotrephidae) ont développé l'aptitude de nager sur le dos.

Sur le plan de la reproduction, des femelles Belostomatidae (Belostomatinae, Horvathiniinae) ont développé la pratique, unique chez les insectes, de pondre sur le dos des mâles, qui transportent et aèrent la ponte, et la protègent contre les prédateurs[4].

Galerie[modifier | modifier le code]

Systématique[modifier | modifier le code]

Origine[modifier | modifier le code]

Les Nepomorpha constituent un ensemble reconnu comme monophylétique. Ye et al. ont résumé l'histoire de la classification de l'infra-ordre jusqu'à 2019 avec de nouvelles analyses. Cet infra-ordre se serait différencié des autres entre le Permien et le début du Trias, entre - 280 et -250 millions d'années[7]. Il serait ainsi le groupe basal des Hétéroptères, le premier infra-ordre à s'être différencié, alors qu'on avait longtemps placé les Enicocephalomorpha et les Dipsocoromorpha comme groupes les plus anciennement séparés. C'est le groupe qui comporte le plus de caractères hérités des Scytinopteroidea, des Cicadomorpha qui seraient les ancêtres présumés des Hétéroptères[8]. Les Hétéroptères archaïques auraient colonisé les milieux aquatiques lentiques à cette époque[7], qui correspond à la transition Permien-Trias avec notamment sa grande extinction, alors que la biomasse de végétaux aurait été insuffisante pour des herbivores[8].

Fossiles[modifier | modifier le code]

De nombreux fossiles ont été trouvés, dont les plus anciens attribués avec certitude aux Hétéroptères, †Arlecoris louisi (†Triassocoridae), remontent au Trias moyen, (Anisien, −247 à −242 millions d'années)[9], juste avant l'apparition des premiers dinosaures[10]. Ces fossiles appartiennent à plusieurs familles disparues (†Triassocoridae au sein des Naucoroidea, †Shurabellidae au sein des Corixoidea, etc.), mais également à des familles existantes (Apheilocheridae, Belostomatidae, Corixidae, Gelastocoridae, Naucoridae, Nepidae, Notonectidae, Ochteridae, Potamocoridae)[11].

Familles et genres fossiles[modifier | modifier le code]

Les familles et genres fossiles sont les suivantes selon BioLib (5 avril 2022)[12] :

Classification interne[modifier | modifier le code]

Histoire de la classification[modifier | modifier le code]

Au début de la classification scientifique (1758 à 1790), seuls deux genres comprenaient les espèces de Nepomorpha identifiées alors : Nepa (regroupant des actuels Belostomatidae, Naucoridae et Nepidae), et Notonecta (regroupant des Corixidae et Notonectidae)[13]. A titre de comparaison, on compte aujourd'hui plus de 130 genres différents dans onze familles. Des auteurs commencent alors un travail de différenciation générique, avec Geoffroy en 1762, (Naucoris et Corixa[14]), Fabricius en 1775 (avec Sigara) et en 1790 avec Ranatra pour séparer les Ranâtres (futurs Ranatrinae) des Nèpes (futurs Nepinae); et enfin Latreille, en 1807[15], avec Belostoma et Ochterus. Les descriptions de genres se poursuivront au XIXe par Spinola (Anisops et Enithares en 1837, Hydrocyrius 1850), Mayr (Lethocerus et Limnogeton en 1853) et surtout Carl Stål entre 1858 et 1876, avec notamment Abedus, Ambrysus, Benacus, Curicta, Heleocoris, Helotrephes, Ilyocoris, Laccocoris, Laccotrephes, Limnocoris, Nychia, etc. Au XXe siècle, on peut mentionner, entre autres, Montandon, Kirkaldy, Esaki, China, Hungerford, Raymond Poisson, John T. Polhemus, Sites.

Les premières familles sont établies au tout début du XIXe siècle, avec d'abord Latreille en 1802[16] (les « Nepariae » et les « Notonectariae », correspondant aux deux genres initiaux de Linneaus, qui deviendront les Nepidae et les Notonectidae), puis Leach en 1815, qui établit les Belostomatidae, les Naucoridae et les Corixidae, formant le classement de pratiquement tous les genres connus alors[13]. Plus tard viendront Fieber en 1851, avec les Aphelocheiridae et les Pleidae, Kirkaldy avec les Gelastocoridae et les Ochteridae en 1897 et 1906 respectivement, Esaki et China, qui distinguent les Helotrephidae des Pleidae en 1927, et Usinger qui définit les Potamocoridae en 1941.

Familles et phylogénie[modifier | modifier le code]

Le nombre de familles varie de onze (Štys & Jansson, 1988 et Schuh & Slater, 1995), à treize à partir de Mahner (1993), Nieser (1999, 2002) et Chen et al. (2005), qui ont élevé deux sous-familles de Corixidae au rang de famille: les Micronectidae et les Diaprepocoridae. Celles-ci ne font pas encore consensus dans la communauté scientifique[4] et n'apparaissent pas dans la plupart des classifications en ligne.

L'organisation des familles au sein de l'ordre est également l'objet de discussions non encore stabilisées, à la fois quant au nombre de super-familles (5, 6, ou 7), à leur contenu, et à leur positionnement phylogénétique[4].

Ye et al. proposent les regroupements suivants: le groupe Belostomatidae+Nepidae forment le groupe basal de l'infra-ordre et le groupe frère de tous les autres, constituant la super-famille des Nepoidea. Cette séparation aurait eu lieu vers la fin du Permien ou le début du Trias, entre -275 et - 245 millions d'années. Au sein du reste de l'infra-ordre (Corixoidea+Tripartita), la super-famille des Corixoidea (Diaprepocoridae+(Micronectidae+Corixidae)) est le groupe-frère des autres Nepomorpha (à l'exception des Nepoidea) formant un groupe appelé Tripartita par Mahner en 1993. Les Tripartita sont à leur tour partagés en deux groupes frères, les Ochteroidea (contenant les Gelastocoridae et les Ochteridae) et les Cibariopectinata (apparus vers -220 millions d'années, au cours du Trias supérieur). Ces derniers comprennent deux clades: le premier avec les Notonectoidea (Notonectidae) et les Pleoidea (Pleidae et Helotrephidae), et le second avec les Naucoroidea ((Aphelocheiridae+Potamocoridae) + Naucoridae), dont les premiers ancêtres communs se seraient différenciés vers -215 à -210 millions d'années (Norien, au Trias supérieur)[7].

Arbre phylogénétique des Nepomorpha[modifier | modifier le code]

Selon Ye et al., 2020[7]:

Liste des familles et super-familles[modifier | modifier le code]

Selon BioLib (26 mai 2019)[1], les super-familles sont au nombre de sept :

Selon ITIS (5 avril 2022)[17], les super-familles seraient au nombre de cinq :

Utilisation par l'homme[modifier | modifier le code]

Dans certaines régions du monde, les humains consomment des Belostomatidae (Thaïlande, Vietnam, soit pour leurs parties musculeuses et grasses, soit sous forme d'assaisonnement sous forme de sauces ou de pâtes) et des Corixidae (Mexique)[4].

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c BioLib, consulté le 26 mai 2019
  2. Raymond Poisson, Faune de France. Hétéroptères aquatiques, vol. 61, Paul Lechevalier, , p. 2
  3. Henri-Pierre Aberlenc (coordination), Les insectes du monde : biodiversité, classification, clés de détermination des familles, Plaissan & Versailles, Museo Éditions & Éditions Quae, (ISBN 978-2-37375-101-7 et 2-37375-101-1, OCLC 1250021162, lire en ligne), tome 1, p. 507, tome 2 pp. 210 et 239-240
  4. a b c d e f g h i et j (en) Randall T. Schuh et Christiane Weirauch, True bugs of the world (Hemiptera, Heteroptera) : classification and natural history., Manchester, Siri Scientific Press, , 800 p. (ISBN 978-0-9957496-9-6 et 0-9957496-9-8, OCLC 1125224106, lire en ligne), p. 138-139, 201-245
  5. (en) Pond Informer (Beckie), « Water Boatman Facts & Information 2022 (Corixidae) », sur Pond Informer, (consulté le )
  6. (en) Eric B. Jang et Richard E. Tullis, « Hydromineral regulation in the saline water corixid Trichocorixa reticulata (Hemiptera: Corixidae) », Journal of Insect Physiology, vol. 26, no 4,‎ , p. 241–244 (DOI 10.1016/0022-1910(80)90069-4, lire en ligne, consulté le )
  7. a b c et d (en) Zhen Ye, Jakob Damgaard, Huanhuan Yang et Martin B. Hebsgaard, « Phylogeny and diversification of the true water bugs (Insecta: Hemiptera: Heteroptera: Nepomorpha) », Cladistics, vol. 36, no 1,‎ , p. 72–87 (ISSN 0748-3007 et 1096-0031, DOI 10.1111/cla.12383, lire en ligne, consulté le )
  8. a et b (en) Min Li, Ying Tian, Ying Zhao et Wenjun Bu, « Higher Level Phylogeny and the First Divergence Time Estimation of Heteroptera (Insecta: Hemiptera) Based on Multiple Genes », PLoS ONE, vol. 7, no 2,‎ , e32152 (ISSN 1932-6203, PMID 22384163, PMCID PMC3288068, DOI 10.1371/journal.pone.0032152, lire en ligne, consulté le )
  9. « Heteroptera », sur paleobiodb.org (consulté le )
  10. « Origine et Apparition des Dinosaures . Dinosoria », sur www.dinosoria.com (consulté le )
  11. « Nepomorpha », sur paleobiodb.org (consulté le )
  12. BioLib, consulté le 5 avril 2022
  13. a et b (en) John T. Polhemus, « The Identity and Synonymy of the Belostomatidae (Heteroptera) of Johann Christian Fabricius 1775-1803 », Proceedings of the Entomological Society of Washington, vol. 96, no 4,‎ , p. 687-695 (lire en ligne [PDF])
  14. Etienne-Louis Geoffroy, Histoire abregée des insectes : qui se trouvent aux environs de Paris : dans laquelle ces animaux sont rangés suivant un ordre méthodique .., Paris, Durand, (lire en ligne), pp. 473-478
  15. (la) P. A. Latreille, Genera crustaceorum et insectorum secundum ordinem naturalem in familias disposita, iconibus exemplisque plurimis explicata, vol. III, A. Koenig, , 259 p. (DOI 10.5962/bhl.title.65741, lire en ligne [PDF]), pp. 142 ss
  16. P. A. Latreille, Histoire naturelle, générale et particulière des crustacés et des insectes, t. III, Paris, F. Dufart, (lire en ligne), pp. 252 ss
  17. Integrated Taxonomic Information System (ITIS), www.itis.gov, CC0 https://doi.org/10.5066/F7KH0KBK, consulté le 5 avril 2022