Oignon (Arendt)

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Différentes variétés d'oignons.

La métaphore de l'oignon est une métaphore utilisée par la philosophe Hannah Arendt dans Les Origines du totalitarisme (1951). Elle sert à donner un exemple sur la structure qui sous-tend l'organisation des régimes totalitaires.

Contexte[modifier | modifier le code]

Hannah Arendt est une philosophe habituée des métaphores, entre autres, elle défend leur usage au sein de la réflexion philosophique dans son 'Journal de pensées'[1]. Dans Les Origines du totalitarisme, Arendt s'intéresse à la question du totalitarisme, la manière dont ce type de régimes se constituent, évoluent, vivent, meurent[2]. Elle s'intéresse aussi aux différences entre le totalitarisme et d'autres formes de systèmes politiques, comme les régimes autocratiques[2],[3],[4].

Métaphore[modifier | modifier le code]

Dans ce contexte, Arendt utilise la métaphore de l'oignon pour représenter la structure des systèmes totalitaires[2],[5],[6]. Il s'agit de représenter une structure organisée autour d'un point central, le dirigeant du système totalitaire[2]. Elle oppose cette structure à d'autres types de structures, comme celles, pyramidales, de l'autocratie ou de la tyrannie[7],[8]. Cela montre que le totalitarisme évolue par « vagues », en se propageant à travers différentes couches de la société[9], plus on est proche du centre, plus on est radicalisé, au contraire, plus on est proche de l'extérieur, et moins on est radicalisé[7]. Ce que Arendt révèle aussi avec cet exemple, c'est le caractère double des organisations totalitaires, qui possèdent deux faces, une, qu'elles présentent vers le monde extérieur en faisant apparence de normalité, une autre tournée vers l'intérieur de l'organisation, radicalisée[7].

La métaphore est décrite de la sorte par des chercheurs comme Sophie Schulze[10] :

« Pour Arendt, la structure en oignon désigne deux choses distinctes : l’une, que le pouvoir se diffuse du centre vers la périphérie (mouvement centrifuge) ; l’autre, que chaque cercle se maintient par l’équilibre entre deux forces contraires. »

Cette structure permet aussi aux régimes totalitaires d'absorber les chocs venant de la réalité extérieure au système[11], chaque couche de l'oignon absorbe un peu de l'onde de choc pour finalement rendre inoffensif le contact avec la réalité extérieure, qui vient pourtant en contradiction avec les mensonges pratiques et scientifiques des régimes totalitaires[11],[12].

Postérité[modifier | modifier le code]

L'utilisation de la métaphore est jugée pertinente pour parler entre autres de l'URSS sous Staline, de l'Allemagne nazie et de l'Empire du Japon[13]. L'idée selon laquelle cette structure permet d'éviter les chocs extérieurs aux régimes totalitaires est aussi considérée comme étant un concept important en psychologie[11].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Martin Blumenthal-Barby, « "The Odium of Doubtfulness"; or, The Vicissitudes of Metaphorical Thinking », New German Critique, no 106,‎ , p. 61–81 (ISSN 0094-033X, lire en ligne, consulté le )
  2. a b c et d Joseph Betz, « An Introduction to the Thought of Hannah Arendt », Transactions of the Charles S. Peirce Society, vol. 28, no 3,‎ , p. 379–422 (ISSN 0009-1774, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Social Research An Int'l Quarterly, « HANNAH ARENDT'S THE ORIGINS OF TOTALITARIANISM: Fifty Years Later / Vo », sur socres, (consulté le )
  4. (en) Nicholas Devlin, « Hannah Arendt and Marxist Theories of Totalitarianism », Modern Intellectual History, vol. 20, no 1,‎ , p. 247–269 (ISSN 1479-2443 et 1479-2451, DOI 10.1017/S1479244321000603, lire en ligne, consulté le )
  5. Sylvie Chaput, « Hannah Arendt : la nécessité historique est une superstition », Nuit blanche, no 7,‎ , p. 36–37 (ISSN 0823-2490 et 1923-3191, lire en ligne, consulté le )
  6. Étienne Tassin, « Hannah Arendt Et La Spécificité Du Totalitarisme », Revue Française d'Histoire des Idées Politiques, no 6,‎ , p. 367–388 (ISSN 1266-7862, lire en ligne, consulté le )
  7. a b et c « La structure de l'organisation totalitaire est celle d'un oignon, dont chaque couche a une face radicale tournée vers le centre et une face normale tournée vers l'extérieur », sur www.idixa.net (consulté le )
  8. Thierry Ménissier, « / », dans Comment assumer l'inconsistance du réel ? Penser avec Arendt la crise de l'autorité politique moderne, Presses Universitaires de France, , p. 161 (lire en ligne)
  9. Mark Featherstone, « Towards a Bureaucracy of the Body », new formations: a journal of culture/theory/politics, vol. 100, no 100,‎ , p. 97–113 (ISSN 1741-0789, lire en ligne, consulté le )
  10. Hannah Arendt, les juristes et le concept de totalitarisme:, Éditions Kimé, (ISBN 978-2-84174-989-8, DOI 10.3917/kime.schul.2020.01, lire en ligne)
  11. a b et c Steven E. Aschheim, « Nazism, Culture and The Origins of Totalitarianism: Hannah Arendt and the Discourse of Evil », New German Critique, no 70,‎ , p. 117–139 (ISSN 0094-033X, DOI 10.2307/488501, lire en ligne, consulté le )
  12. (en) N. K. O'sullivan, « Politics, Totalitarianism and Freedom: The Political Thought of Hannah Arendt », Political Studies, vol. 21, no 2,‎ , p. 183–198 (ISSN 0032-3217 et 1467-9248, DOI 10.1111/j.1467-9248.1973.tb01427.x, lire en ligne, consulté le )
  13. Livia Monnet, Approches critiques de la pensée japonaise du xxe siècle, Presses de l’Université de Montréal, (ISBN 978-2-7606-1784-1 et 979-10-365-0468-6, DOI 10.4000/books.pum.19848., lire en ligne)