Lunfardo

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Mi noche triste (es).

Le lunfardo est un argot né dans la ville de Buenos Aires, où il s'est développé durant la seconde moitié du XIXe siècle, avec les arrivées massives d'immigrants européens. D'autres villes, telles que Rosario, La Plata et Montevideo (Uruguay) ont également contribué au développement du lunfardo, dont certains mots sont entrés dans le vocabulaire populaire argentin et uruguayen. Ces quatre villes ont connu des situations socioculturelles similaires, caractérisées par des activités portuaires et une arrivée importante d'immigrés européens, principalement italiens et espagnols, entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Les immigrants trouvaient au Rio de la Plata des meilleurs conditions. Entre 1870 et 1900 les salaires en Espagne étaient 25% inférieurs à ceux d'Argentine, avec une brèche qui avait tendance à grandir, tandis que ceux de l'Italie étaient 52% plus bas[1].

Le lunfardo est également la langue du tango.

Histoire[modifier | modifier le code]

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le mot « lunfardo » s'apparente à « lumbardo » (« lombard » en italien) qui fait référence à la langue régionale et aux habitants de Lombardie, province du nord de l'Italie. Or, jusqu'au début du XXe siècle, il est courant que les émigrés italiens désignent les délinquants par le vocable de lombardi.

Les explications avancées pour la dérive sémantique de ce mot et son cheminement jusqu'en Argentine et Uruguay varient légèrement selon les spécialistes.

Une première hypothèse fait remonter la connotation péjorative aux invasions lombardes du début du Moyen Âge dans le nord de l'Italie[réf. nécessaire].

Selon d'autres spécialistes[Lesquels ?], le mot « lunfardo » ne proviendrait pas directement d'Italie mais plutôt d'Occitanie, car la mafia marseillaise était très active sur le Río de la Plata à la fin du XIXe siècle.

Enfin, selon Otilia da Veiga, vice-présidente en 2011 de la Academia Porteña del Lunfardo (es), les Italiens de milieu social modeste considéraient les usuriers, prêteurs sur gage et banquiers, souvent d'origine lombarde, comme des voleurs[2].

Origine[modifier | modifier le code]

Le lunfardo est apparu à Buenos Aires et dans ses alentours durant la seconde moitié du XIXe siècle, avec les apports linguistiques et culturels des diverses immigrations européennes, notamment génois (par exemple le mot bacán, qui signifie "personne élegante") ; piémontais (linyera, "vagabond") ; caló (c'est-à-dire la culture tzigane d'Espagne, par exemple le mot choro, "voleur", ou gil, "idiot") ; parisienne (l'argot morfiler devienne le lunfardo morfar), etc. D’autres mots viennent de la culture argentine déjà présente avant l'immigration, c'est le vocabulaire du gaucho (comme pilcha, "linge", ou china, "femme de la campagne")[3].

Les premiers chercheurs du vocabulaire issue de l'immigration du XIXe siècle furent des avocats, des agents de police et des agents pénitenciers. Ils avaient besoin de connaître le vocabulaire en raison de leur travail. Les plus importants furent Benigno Lugones, Luis María Drago, José Sixto Álvarez et Antonio Dellepiene. Pourtant, le vocabulaire du lunfardo inclut des mots du monde du travail, comme chata (charrette plate), corralón (entrepôt de matériaux de construction). Ou des mots de la vie quotidienne, comme pebete (enfant), ou conventillo (maison avec des chambres à louer). En fait, le lunfardo fut le vocabulaire qui permettait aux immigrants de communiquer entre eux. Si les premières poésies en lunfardo incluaient des références sexuelles, eschatologiques ou faisaient des récits des arnaques (cas homologue de l'argot parisien), toute de suite des poètes comme Celedonio Flores écrivirent sur les sujets les plus divers[4].

Une partie des mots et expressions de cet argot est passée dans la langue populaire et s'est diffusée dans le castillan parlé en Argentine et en Uruguay. D'abord utilisé par les délinquants et travailleurs, immigrants et créoles mélangés, dès les débuts du XXe siècle, le lunfardo commence à pénétrer toutes les couches de la société, que ce soit pour son usage fréquent ou pour sa présence dans les paroles de chansons du tango, ou pour ces deux motifs. Cet argot fut "correctement utilisé même par les personnes les plus cultivées"[5].

Morphologie et linguistique[modifier | modifier le code]

Le lunfardo es un vocabulaire. La syntaxe, la accidents des mots, les conjugaisons, restent ceux de l'espagnol.

La prononciation est celle de l'espagnol du Río de la Plata.

Par exemple, le "g" français, comme le premier "g" dans "gigoló", devienne fricative palato-alvéolaire sourde /ʃ/. Il faudra donc prononcer, en lunfardo, "chigolo", pour ainsi dire.

Locutions[modifier | modifier le code]

Interjections[modifier | modifier le code]

Le lunfardo au XXIe siècle[modifier | modifier le code]

José Gobello affirme que le lunfardo était arrivé à sa forme définitive au début de la Grande Guerre (1914)[6]. Héctor Benedetti signale son importance jusqu'à l'âge d'or du tango[7]. Oscar Conde élargit son importance jusqu'à nos jours, Ana Sebastian pense que le concept même de lunfardo est une erreur. Selon notre position théorique par rapport à la définition du lunfardo, nous pouvons considérer qu'il s'agit d'un cycle fermé ou que tout mot de la rue de Buenos Aires est encore lunfardo.

L'existence ou non du lunfardo au XXIe siècle dépend du point de vue.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. (es) Nicolás Arceo, « El mercado de trabajo en el modelo agroexportador en Argentina : el papel de la inmigración » (consulté le )
  2. (es) Nora Sánchez, « El porteñísimo lunfardo se renueva con palabras del rock y de la cumbia », sur Clarin, (consulté le )
  3. (es) Real Academia Española, « Lunfardo (DRAE) », sur Diccionario de la lengua española (consulté le )
  4. (es) Celedonio Flores, Chapaleando Barro, Buenos Aires, Raúl Gómez Editor,
  5. Diaz Salazar, Diego., Vocabulario argentino; neologismos, refranes, frases familiares, etc., usados en al Argentina., Editorial Hispano-Argentina, (OCLC 461559405, lire en ligne)
  6. (es) José Gobello, Nuevo diccionario lunfardo, Buenos Aires, Corregidor, , p. 9
  7. (es) Héctor Benedetti, Nueva historia del tango, Buenos Aires, Siglo XXI, (ISBN 978-987-629-611-3)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Pedro Ochoa et Cécile Boucris, Dictionnaire du tango et du lunfardo : Cours de poésie du tango, Éditions Cap de l’Étang, (ISBN 978-2-37613-187-8)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]