Hauteur (géométrie algébrique)

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En géométrie algébrique et en théorie des nombres, la notion de hauteur désigne une mesure de la « complexité algébrique » d'un objet, généralement d'une solution d'une équation diophantienne[1],[2]. Leur intérêt vient entre autres de l'observation que des faits géométriques exprimés en termes de diviseurs se traduisent souvent en faits arithmétiques exprimés en termes de hauteurs[3],[4],[5].

Hauteur naïve[modifier | modifier le code]

Définition[modifier | modifier le code]

Une première définition de la hauteur peut être donnée pour un nombre rationnel : si est une fraction irréductible, alors on définit la hauteur de ce nombre par

Cette définition se généralise immédiatement à un point de l'espace projectif en posant

De même on étend la définition à tout corps de nombres. Soit , et soit l'ensemble des places de , on pose pour tout

Dans ce contexte, on introduit également la « hauteur logarithmique absolue » définie par :

Propriétés de finitude[modifier | modifier le code]

Puisque la hauteur sur les nombres rationnels est définie à partir de leur écriture en fraction irréductible, il n'existe qu'un nombre fini de rationnels ayant une hauteur inférieure à une borne donnée. Ce fait s'étend aux définitions plus générales ci-dessus : c'est le théorème de Northcott.

Une estimation du nombre de rationnels de hauteur inférieure à une borne est donnée par la formule suivante :

Le théorème de Schanuel[6],[7] donne une formule analogue pour les points de , qui fait intervenir de nombreux invariants arithmétiques de faisant écho à la formule du nombre de classes, dont la fonction zêta de Dedekind, le régulateur, et les degrés de plongement réels et complexes de .

Si on notre le degré du corps minimal dans lequel un nombre est défini, alors la conjecture de Lehmer[8] prédit qu'il est impossible d'obtenir des nombres algébriques de hauteur arbitrairement petite, spécifiquement qu'il existe une constante positive telle que pour tout qui n'est pas racine de l'unité, on a[9] :

La valeur exacte de est inconnue mais serait approximativement [10]

Hauteur sur une variété projective[modifier | modifier le code]

Si est une variété projective, et que est un plongement projectif alors on peut définir la hauteur d'un point de par .

Une manière a priori plus intrinsèque de définir la hauteur est de s'appuyer sur l'observation suivante : un plongement projectif correspond au choix d'un diviseur très ample ainsi qu'à un choix de sections génératrices de l'espace de Riemann-Roch . On associe ainsi, à un diviseur très ample, le plongement correspondant et la hauteur . Cette définition possède des propriétés remarquables :

  • Choisir un autre diviseur n'affecte la hauteur que par l'ajout d'une fonction bornée :
  • Si sont deux diviseurs linéairement équivalents, alors
  • Si et sont tous deux très amples, alors

En fait Weil a montré qu'il existe un unique homomorphisme du groupe de Picard dans les fonctions (modulo les fonctions bornées) satisfaisant les trois propriétés ci-dessus.

Sur une variété abélienne, dotée d'une application « multiplication par », notée , le théorème du cube montre que

autrement dit, la hauteur croît très rapidement avec les applications successives de cette multiplication.

Il est possible d'introduire d'autres hauteurs, comme l'avait initié Weil dans sa thèse[11], et comme l'a fait Faltings pour sa démonstration de la conjecture de Mordell-Weil[12],[13].

Hauteur canonique sur une variété abélienne[modifier | modifier le code]

Sur une variété abélienne, les fonctions bornées intervenant dans les relations entre hauteurs peut être éliminée. Pour cela, il faut modifier légèrement la définition et considérer la hauteur canonique, ou hauteur de Néron-Tate[14],[15] :

Cette hauteur possède les propriétés remarquables suivantes :

Lorsque est ample, alors si et seulement si est un point de torsion ; de plus, la hauteur permet de définir l'accouplement de Néron-Tate :

Propriétés de finitude[modifier | modifier le code]

Néron a montré que la hauteur canonique satisfait une propriété de finitude analogue à la hauteur naïve. Plus précisément, si est une variété abélienne, alors

est le rang de et est le régulateur, c'est-à-dire le déterminant de la matrice où les forment une base de .

La question de la minoration de la hauteur de Néron-Tate se pose également sur les variétés abéliennes[10].

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Joseph Silverman, « An Introduction to Height Functions », MSRI Workshop on Rational and Integral Points on Higher-Dimensional Varieties,
  2. (en) Enrico Bombieri et Walter Gubler, Heights in Diophantine Geometry, Cambridge, Cambridge University Press, , 652 p. (ISBN 978-0-511-54287-9, 9780521846158 et 9780521712293, DOI 10.1017/cbo9780511542879, lire en ligne)
  3. (en) Serge Lang, Fundamentals of Diophantine Geometry, New York, Springer-Verlag, , XVIII, 370 (ISBN 978-0-387-90837-3, DOI 10.1007/978-1-4757-1810-2, lire en ligne)
  4. (en) Horst Günter Zimmer, « On the difference of the Weil height and the Néron-Tate height », Mathematische Zeitschrift, vol. 147, no 1,‎ , p. 35–51 (ISSN 0025-5874 et 1432-1823, DOI 10.1007/bf01214273, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) Alexey Beshenov, « Heights : Notes du cours de Fabien Pazuki à l'Université de Bordeaux »,
  6. (en) Stephen Hoel Schanuel, « Heights in number fields », Bulletin de la Société mathématique de France, vol. 79,‎ , p. 433–449 (ISSN 0037-9484 et 2102-622X, DOI 10.24033/bsmf.1905, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) S. Schanuel, « On heights in number fields », Bulletin of the American Mathematical Society, vol. 70, no 2,‎ , p. 262–263 (ISSN 0002-9904 et 1936-881X, DOI 10.1090/S0002-9904-1964-11110-1, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) D. H. Lehmer, « Factorization of Certain Cyclotomic Functions », Annals of Mathematics, vol. 34, no 3,‎ , p. 461–479 (DOI 10.2307/1968172, lire en ligne, consulté le )
  9. Francesto Amoroso et David Sinnou, « Le probleme de Lehmer en dimension supérieure », Journal fur die Reine und Angewandte Mathematik, no 513,‎ , p. 145-180 (lire en ligne)
  10. a et b Nicolas Ratazzi, « Minoration de la hauteur de Néron-Tate pour les points et les sous-variétés : variations sur le problème de Lehmer », Thèse de doctorat, Université Pierre et Marie Curie - Paris VI,‎ (lire en ligne, consulté le )
  11. André Weil, Arithmétique des courbes algébriques, (lire en ligne)
  12. (de) Gerd Faltings, « Endlichkeitssätze für abelsche Varietäten über Zahlkörpern », Inventiones Mathematicae, no 73,‎ , p. 349-366 (ISSN 0020-9910, lire en ligne)
  13. (en) Daniele Agostini, « Faltings heights »,
  14. A. Neron, « Quasi-fonctions et Hauteurs sur les Varietes Abeliennes », Annals of Mathematics, vol. 82, no 2,‎ , p. 249–331 (DOI 10.2307/1970644, lire en ligne, consulté le )
  15. Serge Lang, « Les formes bilinéaires de Néron et Tate », Séminaire Bourbaki 8 (1962-1964),‎ , p. 435-445 (lire en ligne)