Descripteurs du vin

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Roue des arômes du vin.

L'utilisation de descripteurs du vin permet de décrire les vins à l’aide d’une liste de termes qui peuvent être employés lors de la dégustation du vin afin d'évaluer sa qualité globale.

Histoire[modifier | modifier le code]

Au fil du temps, les modes et les préférences font évoluer la dégustation, ainsi que son vocabulaire[1]. Au XIIIe siècle, ce sont les vins jeunes qui sont préférés (moins d'un an), clairets, et francs (à l'opposé des vins modifiés dans l'Antiquité).

Au XIVe siècle et XVe siècle, la dégustation voit apparaître des termes suivant le courant de l'amour courtois, sur les registres émotionnels et tactiles. Apparaît aussi pour la première fois la notion commerciale de « loyal et marchand »[1], toujours utilisée aujourd'hui pour définir un vin qui respecte les limites législatives fixées.

Bien que la pratique de la dégustation soit aussi ancienne que l'Histoire de la vigne et du vin, le terme « dégustation » n’apparaît qu’en 1519[2]. La méthodologie se formalise lentement à partir du XIVe siècle, reste rare jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, où Linné, Poncelet, et d'autres remettent au goût du jour la compréhension de la dégustation. Dans la culture à cette époque, Rabelais utilise déjà des métaphores pour parler de la dégustation[Note 1],[3], un peu plus tard Molière également[Note 2],[4].

Utilisation[modifier | modifier le code]

Si les descriptions des flaveurs et des arômes du vin effectuées par les experts sont plus précises et conduisent à de meilleures performances d’appariement (reconnaissance des vins à partir de leurs descriptions) que celles effectuées par les novices[5], les travaux des neurophysiologistes montrent que l'analyse de la dégustation d'un vin reste subjective quantitativement et qualitativement car les perceptions sont un continuum de stimuli et de sensibilités et que les descripteurs sémantiques ne peuvent résumer la multiplicité et la complexité des perceptions[6].De plus, un sondage réalisé en 2013 révèle que les consommateurs jugent surannés voire prétentieux les descripteurs utilisés par les dégustateurs professionnels ou sur les contre-étiquettes[7].

Descripteurs visuels[modifier | modifier le code]

  • couleur
  • intensité : pâle, légère, intense, foncée, sombre
  • teinte : selon type de vin blanc ou rouge
  • voilé : vin trouble

Descripteurs aromatiques[modifier | modifier le code]

Ce qui suit est une liste possible de descripteurs du vin, relatifs à l'odorat. Cette liste est dérivée de « la roue des arômes du vin » d'Ann C. Noble[8] :

Généraux[modifier | modifier le code]

  • bouquet[9]
    • bouquet d'oxydation (vin conservé dans des fûts incomplètement pleins, développant des arômes tertiaires de pomme, de coing, puis d'amandes, de noix, de rancio)
    • bouquet de réduction (vin vieilli en bouteille fermée et à l’abri de l’air, développant des arômes tertiaires évoquant des animaux[10] — cuir, venaison, fourrure — ou végétaux — sous-bois, champignon —)
  • bouqueté : vin au profil aromatique riche
  • éventé : vin qui a perdu son bouquet

Boisé[modifier | modifier le code]

  • Phénolique : phénol, vanille
  • Résineux : pin, cèdre
  • Autres : chêne américain, chêne européen, liège

Empyreumatique[modifier | modifier le code]

  • Caramel : confiture de fraise, miel, diacétyle, caramel au beurre, soja
  • Empyreumatique : bois fumé, pain grillé, torréfié (chocolat, café)

Chimique[modifier | modifier le code]

  • Hydrocarbures : goudron, plastique, kérosène, gazole
  • Soufré : caoutchouc, hydrogène sulfureux, mercaptan, oignon, ail, choux, allumette brûlée, laine mouillée, lumière, musc, poisson
  • Papier : filtre (cellulose), carton pâte, papier mâché
  • Piquant: acétate d'éthyle, acide acétique, éthanol, anhydride sulfureux
  • Autres : alcools supérieurs, acide sorbique, savon

Épicés[modifier | modifier le code]

Vanille,poivre, cannelle, réglisse, noix de muscade, clou de girofle, anis.

Floral[modifier | modifier le code]

Chèvrefeuille, aubépine, fleur d’oranger, tilleul, jasmin, acacia, violette, lavande, rose.

Fruité[modifier | modifier le code]

Évolution du fruit : frais > compoté > cuit > confituré > confit > sec.

  • Fruits verts : kiwi, citron vert, melon vert, groseille à maquereau
  • Fruits blancs : pomme, poire, pêche de vigne, coing
  • Fruits rouges : fraise, framboise, groseille, cerise
  • Fruits noirs : mûre, myrtille, cassis
  • Fruits jaunes : pêche, abricot, nectarine, brugnon, prune
  • Fruits exotiques : ananas, mangue, fruits de la passion, figue, datte, litchi
  • Agrumes : citron, orange, pamplemousse, écorce d'orange, zeste, zeste confit
  • Fruits secs : amande, noix, noisette, raisin sec, figue sèche, pistache, pruneau cuit

Minéral[modifier | modifier le code]

Descripteur artificiel car la teneur en minéraux dans les vins est trop faible pour être détectée par le goût. La minéralité du vin ne provient donc pas des nutriments du sol mais probablement de molécules formées au cours de la fermentation alcoolique comme les esters ou les thiols[11].

  • Roches : pierre à fusil, silex, caillou, argile, hydrocarbure
  • Métaux : cuivre, fer, aluminium

Microbiologique[modifier | modifier le code]

Végétal[modifier | modifier le code]

  • Frais : rafle de raisin, herbacé, poivron, eucalyptus, menthe
  • Légumes : haricot vert, asperge, olive, artichaut
  • Sec : foin/paille, tabac, thé

Terreux[modifier | modifier le code]

  • Terreux : géosmine, poussiéreux, ciment/béton, champignon[12]
  • Moisi : bouchon moisi, mildiou, cave[13]

Défauts[modifier | modifier le code]

Descripteurs gustatifs[modifier | modifier le code]

« La verbalisation de l'expérience olfactive est généralement laissée au hasard de l'expérience individuelle », ce qui explique que le vocabulaire du vin est caractérisé par de nombreuses métaphores et métonymes anthropomorphiques (nez, bouche, corps du vin), ainsi que d'importantes variations linguistiques. De plus, selon la théorie de l'interactionnisme, la négociation entre les participants à une dégustation peut conduire à un « effet leader » qui impose son vocabulaire. Ainsi, bien qu'il existe des procédures consensuelles d'évaluation sensorielle, le vocabulaire du vin n'est pas normalisé[14] : vocabulaire populaire voire argotique apparu à la fin du Moyen Âge, style rhétorique au XVIIe siècle (vin aimable, coquin, généreux, etc.), style esthétique à la fin du XIXe siècle (vin étoffé, charpenté, qui fait référence à une œuvre d'art), vocabulaire plus scientifique à la fin du XXe siècle (roue des arômes du vin, intensité, caudalies)[15]. Ce qui suit est une liste incomplète (le glossaire du vin Hachette en recense 1 654[16]) des termes ambigus ou imprécis décrivant sensoriellement le vin[17],[18],[19] :

  • acerbe : vin vert, trop âpre, trop acide. Défaut très grave dû à un excès de tanin
  • agressif : vin trop acide
  • aimable : vin agréable, sans caractère prédominant
  • ample : vin qui occupe pleinement et longuement la bouche
  • aqueux : vin qui paraît dilué car peu concentré
  • austère : vin trop riche en tannin et trop jeune
  • bourru : vin jeune, trouble car non encore clarifié
  • capiteux : vin riche en alcool
  • cassé : vin qui a perdu de sa saveur
  • charnu, avoir du corps : vin qui apporte plénitude et densité en bouche par son taux d’alcool, de tanins et son équilibre. Les œnologues ont diverses définitions du corps du vin, qualifié aussi de toucher en bouche, et lui donnant parfois pour synonyme de chair ou charpente[Note 3]
  • charpenté : vin robuste avec prédominance tannique
  • consistance du vin : onctuosité, fluidité
  • corsé : vin charpenté, gras et riche en alcool
  • coulant : vin souple et agréable, se buvant facilement (synonyme de gouleyant)
  • court : un vin qui laisse peu de souvenir en bouche
  • décharné : vin sans chair, sans moelleux
  • degré
    • en sucre : mordant < dur < ferme < fondu < onctueux < mielleux < douceâtre < pâteux
    • d'alcool : plat < maigre < mince < léger < velouté < puissant < généreux < opulent < capiteux
    • d'acidité : lourd < épais < frais < vif < nerveux < acidulé < vert < acide
    • d'amertume et d'astringence : coulant < gouleyant < soyeux < charpenté < tannique < rêche < âpre
  • délicat : vin léger et fin
  • dur : vin trop riche en tanins et en acidité
  • enveloppé : vin riche en alcool avec du moelleux et du gras
  • épanoui : vin dont le bouquet se déploie intégralement
  • enjoué : vin jeune, plaisant, guilleret
  • équilibré : acidité, moelleux et astringence en harmonie, sans prédominance
  • étoffé : vin robuste et vigoureux
  • fatigué : vin aux qualités gustatives provisoirement amoindries à la suite d'un soutirage, d'un filtrage, d'un tirage ou du transport ou vin, jeune ou vieux, qui a dépassé son apogée, sa courbe d’évolution sensorielle ne pouvant plus progresser positivement
  • ferme : vin trop jeune qui n'a pas acquis son bouquet définitif
  • fondu : vin généralement âgé aux saveurs harmonieusement mêlées
  • foxé : vin dont l'arôme rappelle celle du renard
  • frais : vin jeune et léger, légèrement acide qui donne une impression de fraîcheur en bouche
  • franc : vin qui a le goût de son raisin, sans fausse note
  • gouleyant : vin facile à boire, léger, souple et agréable (synonyme de coulant)
  • gras : vin moelleux, souple
  • généreux : vin tonifiant, riche en alcool, mais pas fatigant
  • léger : vin léger en alcool, en coloration, à boire rapidement
  • lourd : vin chargé en alcool, en tanins, manque d’acidité
  • maigre : vin qui manque de corps
  • mordant : vin nerveux et sec
  • mou : vin manquant d’acidité
  • nerveux : vin légèrement acide
  • onctueux : gras en bouche, impression de douceur due à une richesse notamment en glycérol
  • perlant : vin légèrement pétillant
  • pétillant : vin mousseux léger
  • plat : vin sans arôme
  • plein : vin charnu, ferme, ample
  • pointu : vin un peu trop acide
  • puissant : vin plein, chargé d’alcool, de matière et d’arômes
  • racé : vin qui possède toutes les qualités de son cru
  • râpeux : vin rouge aux tanins très présents
  • rêche : vin légèrement râpeux
  • riche : vin généreux et équilibré
  • rond : vin charnu, souple, moelleux, aux tanins non agressifs
  • solide : vin bien charpenté
  • souple : vin de faible acidité lors de l’attaque en bouche
  • suave : vin moelleux, équilibré et parfumé
  • tendre : vin légèrement déficient en tanin
  • tranquille : vin non effervescent
  • vert : vin à l’acidité excessive
  • vif : frais et léger
  • vineux : vin riche en alcool et en tannin
  • velouté : vin fin et moelleux, faible en acidité, fort en glycérol
  • viril : vin bien charpenté, puissant

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. « Ô le gentil vin blanc ! Et, par mon âme, ce n’est que vin de taffetas ! Hen ! hen ! il est à une oreille, bien drapé de bonne laine. »
  2. « d’un vin à sève veloutée »
  3. Le descripteur ambigu de corps, proche de charnu ou de corsé, a 70 vocables différents. Cf Martine Coutier, « Tropes et termes : le vocabulaire de la dégustation du vin », Meta : journal des traducteurs, vol. 39, no 4,‎ , p. 96. Pour certains œnologues, c'est l'intensité conjuguée aux tanins et à l'alcool qui fait le corps ; pour d'autres, le corps est formé par l'équilibre de l'alcool, du tanin et du moelleux ; enfin pour d'autres encore « le corps serait l'impression de consistance donnée par la richesse en extrait sec. Cette définition a l'intérêt de correspondre à celle du mot que donnait la chimie ancienne ou l'alchimie, qui appelait "esprit" les substances volatiles, et "corps" le dépôt qui restait après l'évaporation de ces dernières : c'est très exactement l'extrait sec ». Cf Martine Courtois, Les mots du vin et de l'ivresse, Belin, , p. 99-100

Références[modifier | modifier le code]

  1. a et b Marie-Christine Clément, « Compte-rendu de lecture : Dictionnaire de la Langue du vin », CNRS Éditions,‎ (lire en ligne [PDF])
  2. « Dégustation : Définition et étymologie », sur cnrtl.fr (consulté le )
  3. Rabelais, François, (1494?-1553)., Gargantua, Paris, Flammarion, dl 2016, cop. 2016, 472 p. (ISBN 978-2-08-125709-2 et 2-08-125709-2, OCLC 960193385, lire en ligne)
  4. Molière, 1622-1673., Le Tartuffe et Le Bourgeois gentilhomme, Dover Publications, (ISBN 0-486-40438-2 et 978-0-486-40438-7, OCLC 39170046, lire en ligne)
  5. Dominique Valentin, Sylvie Chollet et Hervé Abdi, « Les mots du vin : experts et novices diffèrent-ils quand ils décrivent des vins ? » », Corpus, vol. 2,‎ , http://corpus.revues.org/36
  6. Mario Borillo et Anne Sauvageot, Les cinq sens de la création : art, technologie et sensorialité, Éditions Champ Vallon, , p. 48-50
  7. (en) Jasper Copping, « Baffled by wine buffs ? You're not alone », sur The Telegraph,
  8. (en) Wine Aroma Wheel Copyright ©1990, A.C. Noble
  9. Terme qui a deux définitions : arômes tertiaires ou odeurs (perçues par l'olfaction) et flaveurs (perçues par la rétro-olfaction).
  10. Cette catégorie d'arômes qui se rapprochent du règne animal était autrefois recherchée dans certains vins rouges mais est parfois perçu aujourd’hui comme un défaut. Cf « Glossaire : Lettre A », sur agroparistech.fr (consulté le ).
  11. (en) Patrick Schmitt, « Nutrients not the cause of minerality », sur The drinks business,
  12. Les molécules correspondant à ces descripteurs sont la géosmine pour le terreux ; l'1-octène-3-ol pour le champignon frais.
  13. La molécule correspondant au moisi est le 2-Méthylisobornéol (en).
  14. Catherine Rouby & Gilles Sicard, 1997. « Des catégories d’odeurs ? », in Dubois D. (éds.) : Catégorisation et cognition : de la perception au discours, Paris, Kimé, 1997, p. 62
  15. Gilbert Garrier, Les Mots de la vigne et du vin, Larousse, (ISBN 978-2-03-508396-8), p. 140
  16. Glossaire du vin Hachette
  17. [PDF]Lexique du vin
  18. Glossaire du vin
  19. Dégustation (Analyse organoleptique des vins)

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Didier Lobre, Université Populaire, Cours de dégustation, Ostwald, 2004
  • Jean Arbogast et Anne-Marie Medrano, Cours de dégustation, Strasbourg, 2004
  • Peynaud Émile, Le Goût du vin, Paris, Dunod, 1980
  • Guide pratique de la dégustation du vin, B. Paumard & J.G. Millet, Éditions Eyrolles, 2000

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]