Décolonisation des musées

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Statue Moai au British Museum.

La décolonisation des musées est un processus qui consiste, pour les musées situés dans les pays occidentaux, à revoir leur muséographie pour intégrer le point de vue des peuples colonisées, à faire l'inventaire de leur collections afin de connaître la provenance exacte (de) des objets acquis à la suite de pillages ou de transactions douteuses durant la période coloniale, et parfois à effectuer des restitutions d'œuvres d'art (de).

Histoire[modifier | modifier le code]

Au début du XXIe siècle, un mouvement s'est dessiné au niveau international en faveur de la décolonisation des musées[1]. Selon ses partisans, les musées tels qu'ils ont été conçus historiquement proposent des récits biaisés dans lesquels les histoires de certaines régions sont intentionnellement ignorées[2].

Le Rapport Sarr-Savoy sur la restitution du patrimoine culturel africain de 2018[3] est un exemple frappant du projet de décolonisation des musées en France et des revendications des pays africains qui tentent de récupérer des artefacts illégalement prélevés, extraits de leur cadre culturel d'origine.

Depuis 1868, plusieurs statues humaines monolithiques connues sous le nom de Moaï ont été retirées de l'île de Pâques et exposées dans les grands musées occidentaux comme le Muséum national d'histoire naturelle, le British Museum, le Louvre et les Musées royaux d'art et d'histoire. Plusieurs demandes ont été faites par les habitants de l'île de Pâques pour le retour des Moai. Les personnages sculptés sont considérés comme des ancêtres par les Rapa Nui et ont une valeur culturelle profonde pour leur peuple[4].

Parmi d'autres exemples célèbres, on compte le bouclier de Gweagal, considéré comme un bouclier très important pris à Botany Bay en avril 1770[5] ou les sculptures en marbre du Parthénon, prises de Grèce par Lord Elgin en 1805. Les gouvernements grecs successifs ont demandé en vain le retour des marbres du Parthénon[6]. Un autre exemple est la dite coiffe de Moctezuma au Musée d'ethnologie de Vienne, qui est une source de différend entre l'Autriche et le Mexique[7].

Laura Van Broekhoven, directrice du Pitt Rivers Museum à Oxford, au Royaume-Uni, a déclaré en 2020 que « les musées ethnographiques devraient rompre avec leur caractère colonial. Ils devraient être un exemple de pluriversalité, montrer la diversité des façons d'être et de savoir, et non accorder à la blancheur une position centrale comme si elle était l'unique manière d'être. Les musées doivent permettre aux individus de mieux se comprendre »[8].

Musée de l'Armée (Paris)[modifier | modifier le code]

La couronne décorative de la reine Ranavalona III, restituée en 2020 à la République de Madagascar.

Dans l'objectif d’« apaiser les mémoires » divergentes des anciens colonisateurs et des colonisés, de refermer les blessures encore ouvertes et « de raconter le passé sans glorification ni repentir », le musée a entamé depuis 2017 un inventaire de ses collections afin de connaître la provenance exacte des objets arrivés en France à la suite de pillages ou de transactions douteuses durant la période coloniale[9].

Après inventaire de ces 2 200 artéfacts estimés, un parcours intitulé Colonisation, décolonisation : une histoire en partage, et élaboré avec des historiens et des spécialistes des pays qui ont été colonisés, retracera le passé commun de la France et ses colonies en prenant en compte tous les points de vue[9].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Bridget Brennan, « The battle at the British Museum for a 'stolen' shield that could tell the story of Captain Cook's landing » [archive du ], sur ABC News (Australian Broadcasting Corporation), (consulté le )
  2. Alice Procter, The whole Picture: the colonial story of the art in our museums and why we need to talk about it, England, Cassel, (ISBN 978-1-78840-221-7)
  3. Felwine Sarr, Bénédicte Savoy: "Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle". Paris 2018; "The Restitution of African Cultural Heritage. Toward a New Relational Ethics" (Download French original and English version, pdf, http://restitutionreport2018.com/ « https://web.archive.org/web/20210815041636/http://restitutionreport2018.com/ »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?),
  4. (en-GB) John Bartlett, « 'Moai are family': Easter Island people to head to London to request statue back », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne [archive du ], consulté le )
  5. Nicholas Thomas, « A Case of Identity: The Artefacts of the 1770 Kamay (Botany Bay) Encounter », Australian Historical Studies, vol. 49:1,‎ , p. 4–27 (DOI 10.1080/1031461X.2017.1414862, S2CID 149069484, lire en ligne [archive du ], consulté le )
  6. (en) « How the Parthenon Lost Its Marbles » [archive du ], sur History Magazine, (consulté le )
  7. « Mexico and Austria in dispute over Aztec headdress » [archive du ], prehist.org, (consulté le )
  8. (en) Settler Colonialism, Slavery, and the Problem of Decolonizing Museums, « Keynote Speaker » [archive du ], sur decolonizingmuseums.com, (consulté le )
  9. a et b Marc Bassets, « Biens culturels : au musée de l’Armée à Paris, un inventaire pour “apaiser les mémoires” » Accès payant, sur Courrier international.com, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]