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Bombe carbone

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L'expression bombe à carbone (aussi dénommée bombe climatique, ou encore bombe carbone[1]) désigne toute nouvelle extraction d'hydrocarbures du sous-sol terrestre. Elle désigne également tout phénomène physique déclenché ou accéléré par le réchauffement climatique et contribuant lui-même à augmenter ce réchauffement via une boucle de rétroaction.

De telles « bombes » libèrent des quantités énormes de gaz à effet de serre, qui renforce la capacité de l'atmosphère à retenir la chaleur[2].

En 2022, une étude montre qu'il existe 425 projets d'extraction de combustibles fossiles (charbon, pétrole et gaz) dont les émissions potentielles de CO2 sont supérieures à 1 milliard de tonnes au niveau mondial. Les émissions potentielles de ces projets dépassent de deux fois le budget carbone de 1,5 °C de l'Accord de Paris. Selon ces chercheurs, le désamorçage des bombes à carbone devrait être une priorité de la politique d'atténuation du changement climatique[3].

Selon cette même étude ainsi que les associations « Global Energy Monitor » et « Banking on Climate Chaos », entre 2016 et 2022, les principaux financeurs de ces bombes climatiques sont les banques américaines JPMorgan Chase, Citibank et Bank of America[4].

Une carte interactive permet de découvrir ces 425 bombes carbone et les entreprises concernées.

Entre 2020 et 2022, au moins vingt nouvelles « bombes climatiques » ont été mises en exploitation, révèle une enquête journalistique internationale[5],[6],[4]. Dans cette enquête, le Français Total Energies est cité comme le deuxième groupe le plus responsable des mégagisements fossiles avec une présence au sein de 23 grands sites d'extraction d'hydrocarbures[7]. En novembre 2023, le Chinois China Energy tient la tête de ce classement et le Saoudien Saudi Aramco complète le podium[8].

L'accélération du réchauffement climatique augmente les risques d'incendies de forêts, libèrant ainsi du dioxyde de carbone supplémentaire, et accélère également la fonte du pergélisol qui contient de grandes quantité de méthane, ce qui accélère encore le réchauffement.

Exemple

  • exploitation de gisements de charbon en Australie ;
  • exploitation des sables bitumineux canadiens (les gisements d'Alberta représentent 200 milliards de barils de pétrole ;
  • exploitation du gaz de schiste[9] ;
  • augmentation de la méthanisation dans les sols due au réchauffement, au mauvais usage des sols[10],[11] ou à l’inondation des régions côtières sous l’effet de l’élévation du niveau de la mer ;
  • fonte du pergélisol (sol gelé) et/ou de clathrates marins entraînant la libération des hydrates de méthane (cristaux d'eau et de méthane formés à basse température) dans les régions arctiques habituellement gelées en permanence (en Russie, au Canada, en Alaska) ;
  • fonte de la banquise ou des calottes glaciaires/polaires et des surfaces enneigées réduisant le pouvoir réfléchissant de la Terre ;
  • ralentissement, voire arrêt, de la circulation thermohaline, ensemble de courants verticaux qui entraînent une partie du carbone dans le fond de l'océan mondial ;
  • mégafeux de forêt, qui sont à la fois sont sources de dioxyde de carbone et de méthane, et qui détruisent des puits de carbone.

Le cas des pergélisols

Des scientifiques comme Sergueï Zimov et Chapin ont alerté la communauté scientifique, le GIEC, les décideurs et le grand public (via le médias) sur le fait que le pergélisol constitue l'une des pires bombes à retardement climatiques. Dans un article de 2006 dans la revue Science, ils ont montré que les estimations de la teneur en carbone des sols arctiques avaient jusqu'alors été largement sous-estimées : dans leur pire scénario, environ 500 milliards de tonnes de carbone pourraient être libérées du yedoma (pergélisol le plus riche en carbone) en un siècle[12],[13]. Cette libération nécessite des conditions qui semblaient « extrêmes » et peu probables dans les années 1990 [13], mais qui s'avèrent de plus en plus plausibles au vu des six évaluations successives du climat par le GIEC qui ont montré depuis 30 ans, que le pire scénario a toujours été celui qui s'est avéré le plus prédictif.

De plus, depuis 2006, l'estimation consensuelle du carbone arctique s'est affinée, et elle a encore augmenté (de 50 %) ; ce qui signifie qu'au taux de réchauffement global actuel, le dioxyde de carbone et le méthane issus de la fonte du pergélisol devraient réchauffer la planète de 0,3 °C supplémentaire d'ici 2100 [13].

Le « réservoir de carbone vulnérable » identifié par Sergueï Zimov et ses collègues était approximativement égal à « la totalité du réservoir des plantes et des sols non gelés » précise l'écologue Chris Field (de la Carnegie Institution for Science à Palo Alto, en Californie)[13].

Références

  1. « « Bombes carbone » : TotalEnergies, numéro deux mondial des mégagisements fossiles », Le Monde, (consulté le )
  2. Michel Weber, « Le changement climatique est politique », Kairos, no 11, janvier-février 2014, p. 12-13.
  3. Kjell Kühne, Nils Bartsch, Ryan Driskell Tate et Julia Higson, « “Carbon Bombs” - Mapping key fossil fuel projects », Energy Policy, vol. 166,‎ , p. 112950 (ISSN 0301-4215, DOI 10.1016/j.enpol.2022.112950, lire en ligne, consulté le )
  4. a et b (en-GB) Ajit Niranjan, « Banks pumped more than $150bn in to companies running ‘carbon bomb’ projects in 2022 », The Guardian,‎ (ISSN 0261-3077, lire en ligne, consulté le )
  5. « Emissions de CO2 : vingt nouvelles « bombes climatiques » exploitées depuis 2020 », sur Le Soir, (consulté le )
  6. « « Bombes carbone » : ces projets fossiles qui ruinent les efforts pour le climat », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. « « Bombes carbone » : TotalEnergies, numéro deux mondial des mégagisements fossiles », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « Les « bombes carbone » qui empirent le dérèglement climatique, une responsabilité partagée entre Etats, entreprises et banques », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. Les Amis de la Terre - France et Reclaim Finance, « La Place financière de Paris au fond du puits : le pari perdant des banques et investisseurs français sur les pétrole et gaz de schiste » [PDF] (rapport), sur amisdelaterre.org, , p. 13-28.
  10. (en) E. Detlef Schulze et Annette Freibauer, « Environmental science: Carbon unlocked from soils », Nature, no 437, 8 septembre 2005, p. 205-206.
  11. (en) Pat H. Bellamy, Peter J. Loveland, R. Ian Bradley, R. Murray Lark et Guy J. D. Kirk, « Carbon losses from all soils across England and Wales 1978–2003 », Nature, no 437, 8 septembre 2005, p. 245-248.
  12. (en) Sergey A. Zimov, Edward A. G. Schuur et F. Stuart Chapin, « Permafrost and the Global Carbon Budget », Science, vol. 312, no 5780,‎ , p. 1612–1613 (ISSN 0036-8075 et 1095-9203, PMID 16778046, DOI 10.1126/science.1128908, lire en ligne, consulté le )
  13. a b c et d (en) Eli Kintisch (photogr. Chris Linder), « Born to Rewild », Science, vol. 350, no 6265,‎ , p. 1148-1151 (ISSN 0036-8075, e-ISSN 1095-9203, DOI 10.1126/science.350.6265.1148, JSTOR 24740972, lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes