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sélectionnés sur base de travaux personnels. Il n’y a ni programme ni thème imposé. Le professeur examine
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avec soin les travaux personnels de chaque étudiant et met en évidence les détails réussis plutôt que les erreurs
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ou insuffisances. Dans cet atelier se sont formés entre autres, [http://www.francisdebolle.be/ Francis de Bolle], [http://www.yvesetedithgilbert.com/ Pedro del’Aguila], [http://www.facebook.com/group.php?gid=41552906900 Camille de Taeye], [http://www.chambrenoire.com/francois-goudier/la-ruche/FG000049.jpg-photo.html Francis Herth], [http://www.centritudes.be/artistes_detail.asp?ID=163 Claude Foubert], Taka Matsuo, [http://www.verviers.be/cube/artistes/mondry.htm Luc Mondry], [http://www.lagalerie.be/rolet/index.htm Christian Rolet], [http://www.cobraneirynck.be/fr/artist/boris-semenoff Boris Semenoff] <ref group="note">Ces neuf peintres figurent dans Art belge au XXe siècle – Serge Goyens de Heusch – [[éditions Racine]] ainsi que dans la Collection La Fondation pour l’art belge contemporain Serge Goyens de Heusch – [http://www.muse.ucl.ac.be/home/index.php Musée de Louvain-la-Neuve], Belgique</ref> et [[Yves Gilbert]].<br />
ou insuffisances. Dans cet atelier se sont formés entre autres, [http://www.francisdebolle.be/ Francis de Bolle], [http://www.yvesetedithgilbert.com/ Pedro del’Aguila], [http://www.facebook.com/group.php?gid=41552906900 Camille de Taeye], [http://www.chambrenoire.com/francois-goudier/la-ruche/FG000049.jpg-photo.html Francis Herth], [http://www.centritudes.be/artistes_detail.asp?ID=163 Claude Foubert], Taka Matsuo, [http://www.verviers.be/cube/artistes/mondry.htm Luc Mondry], [http://www.lagalerie.be/rolet/index.htm Christian Rolet], [http://www.cobraneirynck.be/fr/artist/boris-semenoff Boris Semenoff] <ref group="note">Ces neuf peintres figurent dans ''Art belge au XXe siècle'' – Serge Goyens de Heusch – [[éditions Racine]] ainsi que dans la Collection ''La Fondation pour l’art belge contemporain Serge Goyens de Heusch'' – [http://www.muse.ucl.ac.be/home/index.php Musée de Louvain-la-Neuve], Belgique</ref> et [[Yves Gilbert]].<br />


En 1968, il ouvre à [http://www.st-luc.be/ l’Institut Saint-Luc] (situé à St-Gilles à Bruxelles) le premier atelier de [[bande dessinée]] dans
En 1968, il ouvre à [http://www.st-luc.be/ l’Institut Saint-Luc] (situé à St-Gilles à Bruxelles) le premier atelier de [[bande dessinée]] dans
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Jean Guiraud cherche à vérifier dans le domaine pictural l’expérience du «champ», du phénomène perceptif qu’on peut observer dans une œuvre d’art lorsqu’elle est aboutie. D’une part il interroge les écrits d’artistes <ref group="note"> Jean Bazaine, Paul Cézanne, Robert Delaunay, Paul Gauguin , Albert Gleizes, Juan Gris, Vincent Van Gogh voir références</ref> . D’autre part, il cherche un modèle du phénomène pour pouvoir l’analyser et explore le domaine des illusions d’optique qu’il nomme interactions. Dans la section préparatoire de la même école d’art, l’Institut Saint-Luc <ref group="note">Situé à St-Gilles, commune de Bruxelles</ref> , il développe alors deux ateliers expérimentaux et les confie à deux anciens étudiants, [http://www.erg.be/erg/spip.php?article264 Pierre Lison et Roland Jadinon] <ref group="note">Le premier, Pierre Lison, a suivi la formation d’architecte, le second, Roland Jadinon, la formation de sculpteur dans la section d’arts plastiques</ref> . Jean Guiraud y associe à la recherche les étudiants de 15 à 18 ans qui composent ces ateliers. Ils seront évalués en fonction de leur initiative plutôt qu’en fonction d’un résultat.
Jean Guiraud cherche à vérifier dans le domaine pictural l’expérience du «champ», du phénomène perceptif qu’on peut observer dans une œuvre d’art lorsqu’elle est aboutie. D’une part il interroge les écrits d’artistes <ref group="note"> Jean Bazaine, Paul Cézanne, Robert Delaunay, Paul Gauguin , Albert Gleizes, Juan Gris, Vincent Van Gogh voir références</ref> . D’autre part, il cherche un modèle du phénomène pour pouvoir l’analyser et explore le domaine des illusions d’optique qu’il nomme interactions. Dans la section préparatoire de la même école d’art, l’Institut Saint-Luc <ref group="note">Situé à St-Gilles, commune de Bruxelles</ref> , il développe alors deux ateliers expérimentaux et les confie à deux anciens étudiants, [http://www.erg.be/erg/spip.php?article264 Pierre Lison et Roland Jadinon] <ref group="note">Le premier, Pierre Lison, a suivi la formation d’architecte, le second, Roland Jadinon, la formation de sculpteur dans la section d’arts plastiques</ref> . Jean Guiraud y associe à la recherche les étudiants de 15 à 18 ans qui composent ces ateliers. Ils seront évalués en fonction de leur initiative plutôt qu’en fonction d’un résultat.


Dans un atelier sont conduites à partir de 1963, avec Pierre Lison et les étudiants <ref group="note">Section préparatoire à l’architecture 1963</ref> des études sur les illusions d’optique, les figures réversibles à deux ou trois dimensions. Dans l’autre atelier, sont conduites à partir de 1966 avec Roland Jadinon et les étudiants <ref group="note">Section professionnelle d’arts graphiques 1966</ref> des recherches sur l’assimilation et le contraste dans le domaine de la couleur. On y retiendra la découverte en 1970 du double inducteur qui permet d’obtenir les plus forts degrés de contraste de couleur. Il s’agit d’un modèle d’interaction de couleurs fondé sur des termes extrêmes que sont les couleurs complémentaires et qui démontre son efficacité en exaspérant les contrastes de teinte. Exemple de double inducteur : des bandes de couleurs horizontales alternées (5 jaunes et 5 bleues) sont traversées par 2 obliques du même rouge. L’une traverse les bandes jaunes, l’autre les bandes bleues avec pour effet l’altération de la perception du rouge. Les 2 obliques du même rouge paraissent de couleurs différentes, aucune des deux couleurs perçues ne correspond à celle qui a été peinte <ref>Exposé à la Faculté de Psychologie de l’université de Louvain-la-Neuve ( place du Cardinal Mercier 10 - 1348 Louvain-la-Neuve Belgique)</ref>.
Dans un atelier sont conduites à partir de 1963, avec Pierre Lison et les étudiants <ref group="note">Section préparatoire à l’architecture 1963</ref> des études sur les illusions d’optique, les figures réversibles à deux ou trois dimensions. Dans l’autre atelier, sont conduites à partir de 1966 avec Roland Jadinon et les étudiants <ref group="note">Section professionnelle d’arts graphiques 1966</ref> des recherches sur l’assimilation et le contraste dans le domaine de la couleur. On y retiendra la découverte en 1970 du '''''double inducteur''''' qui permet d’obtenir les plus forts degrés de contraste de couleur. Il s’agit d’un modèle d’interaction de couleurs fondé sur des termes extrêmes que sont les couleurs complémentaires et qui démontre son efficacité en exaspérant les contrastes de teinte. Exemple de double inducteur : des bandes de couleurs horizontales alternées (5 jaunes et 5 bleues) sont traversées par 2 obliques du même rouge. L’une traverse les bandes jaunes, l’autre les bandes bleues avec pour effet l’altération de la perception du rouge. Les 2 obliques du même rouge paraissent de couleurs différentes, aucune des deux couleurs perçues ne correspond à celle qui a été peinte <ref>Exposé à la Faculté de Psychologie de l’université de Louvain-la-Neuve ( place du Cardinal Mercier 10 - 1348 Louvain-la-Neuve Belgique)</ref>.


Dans le premier atelier, surgit de manière imprévisible, en 1963 le modèle L1 <ref>voir Cézanne de l'inscrit à l'induit - Jean Guiraud – édition Academia Bruylant (Belgique) ISBN2-87209-821-6 – 2006 </ref>. Il s’agit d’une planche graphique, soit un support blanc, plane (sur lequel sont tracés de petits segments de droite noirs) mais qui apparaît convexe.La courbure spatiale perçue n’est pas tracée mais induite par ce qui est tracé. Jean Guiraud y reconnaît le modèle analogue au phénomène perceptif, le «champ» observé sur les dernières œuvres originales de Paul Cézanne (1875 à 1906) <ref> voir Cézanne de l'inscrit à l'induit - Jean Guiraud – édition Academia Bruylant (Belgique) ISBN2-87209-821-6 – 2006 </ref>. Labile dans l’œuvre peinte, le phénomène est rendu permanent dans le modèle et peut donc être analysé. Il présente le modèle L1 au professeur [[Georges Thinès]] et l’interroge sur l’origine de ce phénomène. Mais Georges Thinès l’invite à analyser le modèle L1 au Centre de psychologie expérimentale et comparée qu’il dirige au centre [[Albert Michotte]] (Pellenberg) à l’ [[université de Louvain]], en Belgique.
Dans le premier atelier, surgit de manière imprévisible, en 1963 le '''''modèle L1''''' <ref>voir ''Cézanne de l'inscrit à l'induit'' - Jean Guiraud – édition Academia Bruylant (Belgique) ISBN2-87209-821-6 – 2006 </ref>. Il s’agit d’une planche graphique, soit un support blanc, plane (sur lequel sont tracés de petits segments de droite noirs) mais qui apparaît convexe.La '''''courbure spatiale''''' perçue n’est pas tracée mais '''''induite''''' par ce qui est tracé. Jean Guiraud y reconnaît le modèle analogue au phénomène perceptif, le «champ» observé sur les dernières œuvres originales de Paul Cézanne (1875 à 1906) <ref> voir ''Cézanne de l'inscrit à l'induit'' - Jean Guiraud – édition Academia Bruylant (Belgique) ISBN2-87209-821-6 – 2006 </ref>. Labile dans l’œuvre peinte, le phénomène est rendu permanent dans le modèle et peut donc être analysé. Il présente le modèle L1 au professeur [[Georges Thinès]] et le consulte sur l’origine de ce phénomène. Mais Georges Thinès l’invite à analyser le modèle L1 au ''Centre de psychologie expérimentale et comparée'' qu’il dirige au centre [[Albert Michotte]] (Pellenberg) à l’ [[université de Louvain]], en Belgique.


=== Parcours universitaire ===
=== Parcours universitaire ===
A partir de 1969 Jean Guiraud partage son temps entre l’enseignement artistique et la recherche à l’[[université de Louvain]] où il analyse le modèle L1 <ref>Energétique de l’espace - Jean Guiraud - édition Vander 1970</ref>. En 1971, il rédige dans l’Encyclopaedia Universalis (volume VI) l’article sur l’espace esthétique. En 1972, nommé maître de conférence à l’[[université de Louvain]] , il fonde et anime le Laboratoire d’Esthétique expérimentale sous la direction du professeur [[Georges Thinès]] au Centre de psychologie expérimentale et comparée de l’université de Louvain. <br />
A partir de 1969 Jean Guiraud partage son temps entre l’enseignement artistique et la recherche à l’[[université de Louvain]] où il analyse le modèle L1 <ref>Energétique de l’espace - Jean Guiraud - édition Vander 1970</ref>. En 1971, il rédige dans [http://www.universalis.fr/ l’''Encyclopaedia Universalis''] (volume VI) l’article sur l’espace esthétique. En 1972, nommé maître de conférence à l’[[université de Louvain]] , il fonde et anime le Laboratoire d’Esthétique expérimentale sous la direction du professeur [[Georges Thinès]] au Centre de psychologie expérimentale et comparée de l’université de Louvain. <br />


Lorsque Jean Guiraud apprend que le poids perceptif des couleurs peut se calculer, il entrevoit aussitôt la possibilité d’une esthétique objective<ref group="note">Esthétique non spéculative, quittant la métaphore pour suivre autant que possible la démarche scientifique</ref> . Avec le concours de Pierre Lison, praticien de l’étude de la forme, l’aide ponctuelle de Roland Jadinon, praticien de l’étude de la couleur et de Jacques Lefèvre, mathématicien, s’ensuit une recherche de quinze ans sur l’œuvre du peintre [[Piet Mondrian]] <ref> Théorie du champ pictural,, Bulletin de la classe des Sciences, Académie Royal de Belgique, 5eme série, tômes LXV, LXVI, LXX</ref> . Dans la perception, les forces se composent comme les forces physiques <ref>Théorie du champ pictural : les Facteurs chromatiques : Jean Guiraud et Pierre Lison, édition bulletin de la Classe des Sciences – Académie Royale de Belgique 5e série tome LXVI, 1980 </ref>. Une analyse quantifiée, mathématique va permettre l’étude du travail perceptif, du travail hors-conscience du peintre. En 1980, au cours d’une conférence à l’université de Lyon III où Jean Guiraud présente les Etudes sur [[Mondrian]] <ref> Théorie du champ pictural,, Bulletin de la classe des Sciences, Académie Royal de Belgique, 5eme série, tômes LXV, LXVI, LXX</ref>, le professeur François Dagognet reconnaît publiquement la Théorie du champ pictural <ref> Théorie du champ pictural,, Bulletin de la classe des Sciences, Académie Royal de Belgique, 5eme série, tômes LXV, LXVI, LXX</ref> , l’analyse objective qui fait parler l’œuvre d’art et fonde l’esthétique. <br />
Lorsque Jean Guiraud apprend que le poids perceptif des couleurs peut se calculer, il entrevoit aussitôt la possibilité d’une esthétique objective<ref group="note">Esthétique non spéculative, quittant la métaphore pour suivre autant que possible la démarche scientifique</ref> . Avec le concours de Pierre Lison, praticien de l’étude de la forme, l’aide ponctuelle de Roland Jadinon, praticien de l’étude de la couleur et de Jacques Lefèvre, mathématicien, s’ensuit une recherche de quinze ans sur l’œuvre du peintre [[Piet Mondrian]] <ref> Théorie du champ pictural,, Bulletin de la classe des Sciences, Académie Royal de Belgique, 5eme série, tômes LXV, LXVI, LXX</ref> . Dans la perception, les forces se composent comme les forces physiques <ref>Théorie du champ pictural : les Facteurs chromatiques : Jean Guiraud et Pierre Lison, édition bulletin de la Classe des Sciences – Académie Royale de Belgique 5e série tome LXVI, 1980 </ref>. Une analyse quantifiée, mathématique va permettre l’étude du travail perceptif, du travail hors-conscience du peintre. En 1980, au cours d’une conférence à l’université de Lyon III où Jean Guiraud présente les Etudes sur [[Mondrian]] <ref> Théorie du champ pictural,, Bulletin de la classe des Sciences, Académie Royal de Belgique, 5eme série, tômes LXV, LXVI, LXX</ref>, le professeur [[François Dagognet]] reconnaît publiquement la Théorie du champ pictural <ref> Théorie du champ pictural,, Bulletin de la classe des Sciences, Académie Royal de Belgique, 5eme série, tômes LXV, LXVI, LXX</ref> , l’analyse objective qui fait parler l’œuvre d’art et fonde l’esthétique. <br />


Loin d’enfermer l’art dans une explication définitive, cette analyse quantifiée ouvre dans différents domaines de recherche, de nouvelles questions. Jean Guiraud meurt le 13 août 2009, deux jours après avoir terminé la rédaction de son travail de recherche et de réflexion esthétique.
Loin d’enfermer l’art dans une explication définitive, cette analyse quantifiée ouvre dans différents domaines de recherche, de nouvelles questions. Jean Guiraud meurt le 13 août 2009, deux jours après avoir terminé la rédaction de son travail de recherche et de réflexion esthétique.
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::''mais de la saisir et de l'énoncer aussi justement que possible'' <br />
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:::::<sub>Jean Guiraud (Correspondance avec [http://www.phenomenologyonline.com/scholars/buytendijk-f-j-j/ JFF Buytendijk]- Nederland 1970</sub>
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== Annexes ==
== Annexes ==
=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Esthétique ou philosophie de l'art]]
{{…}}
* [[Phénoménologie (philosophie)]]
* [[Colorimétrie]]
* [[Vision]]


=== Liens externes ===
=== Liens externes ===
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=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
* Jean Bazaine : ''Notes sur la peinture d’aujourd’hui'' – Seuil (1953)
{{…}}
* Paul Cézanne : ''Cézanne correspondance'' – première édition (1937), édition complète : Grasset et Fasquelle (1978)
* Robert Delaunay : ''Du cubisme à l’abstraction'' Bibliothèque générale S.E.P.E.N. de l’école pratique des hautes études VIe section (1958)
* Albert Gleizes : ''Vers une conscience plastique, la Forme et l’Histoire'' – Jacques Povolosky (1932)
* Juan Gris : ''Ecrits'' – NRF Gallimard (1946)
* Vincent Van Gogh: ''Correspondance complète'' tomes I-II-III – éditions Gallimard Grasset (1960)



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Version du 8 mars 2012 à 12:24

Modèle:Jean Guiraud 1929-2009

Jean Guiraud
[[Fichier:
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Jean Guiraud en 1963
Naissance
Castres - France
Décès (à 79 ans)
Bruxelles - Belgique
Nationalité Français
Auteur
Genres
Esthétique fondamentale, Art, Perception, Colorimétrie, Mathématique, Pédagogie

Compléments

Institut Saint-Luc à Bruxelles (1954 à 1972), Université de Louvain (1972 à 1994)


Jean Guiraud né le 13 décembre 1929 à Castres, en France et décédé le 13 août 2009 à Bruxelles, est un esthéticien, pédagogue, chercheur et théoricien. Il établit les bases de l’esthétique fondamentale qui est l’aboutissement d’une recherche de cinquante ans et qui rejoint le sens premier du mot esthétique (du grec aisthésis : ressenti, faculté de percevoir par les sens). Son enseignement, sa recherche, ses écrits, ouvrent une voie nouvelle dans le domaine des sciences humaines et en particulier de l'esthétique.

L’œuvre d’art authentique révèle un phénomène perceptif rare que Jean Guiraud nomme «champ». Il s’engage à vérifier cette expérience esthétique dans le domaine pictural. Ce qui fait l’originalité de sa recherche, c’est qu’il suit autant que possible la démarche scientifique pour vérifier l’expérience. Il cherche et trouve par hasard un modèle qui isole le phénomène et permet de l’analyser. C’est le modèle L1.

Mais Jean Guiraud observe aussi la constance de la présence du «champ» d’une œuvre à l’autre [1] , dans les œuvres abouties d’un même artiste, au sommet de son art. C’est ce que vérifie la théorie du champ pictural, méthode d'analyse qui traite par les mathématiques à la fois la couleur et l’espace et qui redouble le travail perceptif du peintre Piet Mondrian.

L’esthétique fondamentale situe le point source de toute forme d'art dans le domaine de la perception et fait de l'esthétique le lieu des liens. L’œuvre de Jean Guiraud nous incite à dépasser la vision ordinaire. Elle éclaire la transformation que suscite en nous la rencontre avec l'œuvre d'art et donne sens à toute démarche artistique authentique.

« Une toute grande œuvre éveille en moi l'expérience de ma propre densité, implique l'intégration de toutes mes facultés. » Jean Guiraud (Archives)



Biographie

Enfance et éducation

Jean Guiraud est né à Castres, en France en 1929. A l'origine de son parcours, il y a la joie à 9 ans, de découvrir, de pratiquer l'aquarelle. Deux ans plus tard, il fait le vœu d'enseigner. Ce choix le fait bénéficier dès 12 ans et malgré la guerre, d'un enseignement d'exception au pensionnat de Rodez, dirigé par les Frères des écoles chrétiennes. L'enseignement destiné à former de futurs enseignants, y est donné à des classes de sept élèves par des professeurs de cultures différentes. Le premier cours de philosophie lui fait découvrir la pensée autonome. Mais le cours d’histoire de l’art, s’il est bien enseigné, ne rencontre pas son adhésion, le laisse perplexe. Une conviction très forte lui fait dire que l’art n’est pas du tout ce qu’on lui enseigne, mais à 15 ans, il ne peut en dire plus. Lors d’un séjour de trois ans en Italie (de 1948 à 1951) il passe de très longues heures, seul, dans les musées de peinture. C’est en 1954 qu’il quitte définitivement la France et part étudier les arts plastiques en Belgique à l’Institut Saint-Luc de Tournai. Il y suit entre autres les cours du sculpteur Eugène Dodeigne[2].

Pédagogie artistique

Cours d’esthétique et dessin

De 1956 à 1972, Jean Guiraud enseigne en Belgique dans une école d’architecture et arts plastiques, l’Institut Saint-Luc à Bruxelles. Il y enseigne l’esthétique au sens premier[note 1] , ressenti, faculté de percevoir par les sens. Le cours est une initiation au dépassement de la vision ordinaire qui permet la rencontre de l’œuvre d’art authentique. Il tente de communiquer son expérience esthétique à travers des œuvres aussi diverses que les fresques et bas-reliefs de Égypte antique, la Peinture chinoise, Rembrandt, da Vinci, Clouet, Ingres, Goya, Poussin et les œuvres des peintres, sculpteurs et architectes du vingtième siècle.

Parallèlement au cours d’esthétique, il dirige un atelier de dessin en rupture avec la tradition académique. Il insiste sur l’importance du choix des outils, sur le rôle du corps, (la respiration, le geste) dans l’acte du dessinateur. Il propose entre autres un exercice qui prive les étudiants du contrôle visuel de leur dessin. Cet exercice permet de révéler à chacun d’entre eux le type de geste qui lui correspond naturellement. Mais surtout, il considère la pratique artistique comme une voie qui requiert l’implication totale de l’artiste, un engagement qu’il exprime par cette équation : « la forme est à l’espace comme l’homme est à son destin.[note 2]»

Innovations dans l'enseignement des arts plastiques

Jusqu’en 1956, à Insitut Saint Luc (Belgique), les cours supérieurs d’arts plastiques sont nommés à l’époque arts décoratifs. Tous dispensés dans un seul atelier, ils sont toujours sous la direction d’un même professeur, la sculpture exceptée, que des raisons pratiques [note 3] maintiennent à l’écart. Deux ans après son arrivée en Belgique, en 1956 Jean Guiraud obtient la création d’ateliers d’arts plastiques distincts, tous confiés à des spécialistes. Il invite le peintre belge Gaston Bertrand, alors dans la plus haute période de son œuvre, à diriger l’atelier de peinture. L’atelier accueille deux ou trois étudiants par année, sélectionnés sur base de travaux personnels. Il n’y a ni programme ni thème imposé. Le professeur examine avec soin les travaux personnels de chaque étudiant et met en évidence les détails réussis plutôt que les erreurs ou insuffisances. Dans cet atelier se sont formés entre autres, Francis de Bolle, Pedro del’Aguila, Camille de Taeye, Francis Herth, Claude Foubert, Taka Matsuo, Luc Mondry, Christian Rolet, Boris Semenoff [note 4] et Yves Gilbert.

En 1968, il ouvre à l’Institut Saint-Luc (situé à St-Gilles à Bruxelles) le premier atelier de bande dessinée dans l’enseignement artistique belge. En 1971, Jean Guiraud met au point le concept d’un nouveau type d’enseignement artistique qui deviendra l’école de recherche graphique (ERG) à Bruxelles. En février 1976, le ministère (belge) de l’éducation nationale et de la culture française l’invite à participer à l’élaboration d’une loi-cadre sur l’enseignement artistique.


Ateliers expérimentaux

Jean Guiraud cherche à vérifier dans le domaine pictural l’expérience du «champ», du phénomène perceptif qu’on peut observer dans une œuvre d’art lorsqu’elle est aboutie. D’une part il interroge les écrits d’artistes [note 5] . D’autre part, il cherche un modèle du phénomène pour pouvoir l’analyser et explore le domaine des illusions d’optique qu’il nomme interactions. Dans la section préparatoire de la même école d’art, l’Institut Saint-Luc [note 6] , il développe alors deux ateliers expérimentaux et les confie à deux anciens étudiants, Pierre Lison et Roland Jadinon [note 7] . Jean Guiraud y associe à la recherche les étudiants de 15 à 18 ans qui composent ces ateliers. Ils seront évalués en fonction de leur initiative plutôt qu’en fonction d’un résultat.

Dans un atelier sont conduites à partir de 1963, avec Pierre Lison et les étudiants [note 8] des études sur les illusions d’optique, les figures réversibles à deux ou trois dimensions. Dans l’autre atelier, sont conduites à partir de 1966 avec Roland Jadinon et les étudiants [note 9] des recherches sur l’assimilation et le contraste dans le domaine de la couleur. On y retiendra la découverte en 1970 du double inducteur qui permet d’obtenir les plus forts degrés de contraste de couleur. Il s’agit d’un modèle d’interaction de couleurs fondé sur des termes extrêmes que sont les couleurs complémentaires et qui démontre son efficacité en exaspérant les contrastes de teinte. Exemple de double inducteur : des bandes de couleurs horizontales alternées (5 jaunes et 5 bleues) sont traversées par 2 obliques du même rouge. L’une traverse les bandes jaunes, l’autre les bandes bleues avec pour effet l’altération de la perception du rouge. Les 2 obliques du même rouge paraissent de couleurs différentes, aucune des deux couleurs perçues ne correspond à celle qui a été peinte [3].

Dans le premier atelier, surgit de manière imprévisible, en 1963 le modèle L1 [4]. Il s’agit d’une planche graphique, soit un support blanc, plane (sur lequel sont tracés de petits segments de droite noirs) mais qui apparaît convexe.La courbure spatiale perçue n’est pas tracée mais induite par ce qui est tracé. Jean Guiraud y reconnaît le modèle analogue au phénomène perceptif, le «champ» observé sur les dernières œuvres originales de Paul Cézanne (1875 à 1906) [5]. Labile dans l’œuvre peinte, le phénomène est rendu permanent dans le modèle et peut donc être analysé. Il présente le modèle L1 au professeur Georges Thinès et le consulte sur l’origine de ce phénomène. Mais Georges Thinès l’invite à analyser le modèle L1 au Centre de psychologie expérimentale et comparée qu’il dirige au centre Albert Michotte (Pellenberg) à l’ université de Louvain, en Belgique.


Parcours universitaire

A partir de 1969 Jean Guiraud partage son temps entre l’enseignement artistique et la recherche à l’université de Louvain où il analyse le modèle L1 [6]. En 1971, il rédige dans l’Encyclopaedia Universalis (volume VI) l’article sur l’espace esthétique. En 1972, nommé maître de conférence à l’université de Louvain , il fonde et anime le Laboratoire d’Esthétique expérimentale sous la direction du professeur Georges Thinès au Centre de psychologie expérimentale et comparée de l’université de Louvain.

Lorsque Jean Guiraud apprend que le poids perceptif des couleurs peut se calculer, il entrevoit aussitôt la possibilité d’une esthétique objective[note 10] . Avec le concours de Pierre Lison, praticien de l’étude de la forme, l’aide ponctuelle de Roland Jadinon, praticien de l’étude de la couleur et de Jacques Lefèvre, mathématicien, s’ensuit une recherche de quinze ans sur l’œuvre du peintre Piet Mondrian [7] . Dans la perception, les forces se composent comme les forces physiques [8]. Une analyse quantifiée, mathématique va permettre l’étude du travail perceptif, du travail hors-conscience du peintre. En 1980, au cours d’une conférence à l’université de Lyon III où Jean Guiraud présente les Etudes sur Mondrian [9], le professeur François Dagognet reconnaît publiquement la Théorie du champ pictural [10] , l’analyse objective qui fait parler l’œuvre d’art et fonde l’esthétique.

Loin d’enfermer l’art dans une explication définitive, cette analyse quantifiée ouvre dans différents domaines de recherche, de nouvelles questions. Jean Guiraud meurt le 13 août 2009, deux jours après avoir terminé la rédaction de son travail de recherche et de réflexion esthétique.


« Mon but n'était en rien de résoudre la question
mais de la saisir et de l'énoncer aussi justement que possible
comme étant celle qui nous est adressée dans le silence des œuvres. »
Jean Guiraud (Correspondance avec JFF Buytendijk- Nederland 1970)


Publications de Jean Guiraud

  • Énergétique de l'espace édition Vander-Louvain (Belgique), 1970
  • Définition de "Espace (esthétique)" Encyclopaedia Universalis : volume VI, 1971
  • Structure d'un champ pictural - Carrade 07 édition "Centre de Psychologie expérimentale et comparée" Université de Louvain (Belgique) , 1973
  • Modèles graphiques pour l'étude de la couleur , édition JWT Art Gallery - Bruxelles (Belgique), 1973
  • Systématique des figures réversibles Jean Guiraud et Pierre Lison, édition Gestetner – Belgique, 1976
  • Théorie du champ pictural : les facteurs spatiaux, Jean Guiraud et Pierre Lison - Centre Albert Michotte Université de Louvain, Bulletin de la classe des Sciences - Académie Royale de Belgique 5e série-tome LXV, 1979
  • Théorie du champ pictural : les facteurs chromatiques, Jean Guiraud et Pierre Lison - Centre Albert Michotte Université de Louvain, édition Bulletin de la classe des Sciences - Académie Royale de Belgique 5e série-tome LXVI, 1980
  • Théorie du champ pictural : les facteurs lumineux, Jean Guiraud - Centre Albert Michotte Université de Louvain, Bulletin de la classe des Sciences - Académie Royale de Belgique 5e série-tome LXVI, 1980
  • Théorie du champ pictural : les facteurs spatiaux - L'ensemble du champ, Jean Guiraud et Pierre Lison - Centre Albert Michotte Université de Louvain, Bulletin de la classe des Sciences - Académie Royale de Belgique 5e série-tome LXX, 1984
  • Théorie du champ pictural : l'analyse d'une œuvre, Jean Guiraud et Pierre Lison - Centre Albert Michotte Université de Louvain, Bulletin de la classe des Sciences - Académie Royale de Belgique 5e série-tome LXX, 1984
  • Etudes sur Mondrian Jean Guiraud et Pierre Lison, revue : La Part de l'œil n°2 - Bruxelles (Belgique), 1986
  • Les dessins de Francis Herth édition La Part de l'œil : Dossier : le dessin , 1990
  • Art et connaissance édition Georges Thinès et Denise Osson -presses univ. du Septentrion, 1991
  • Le champ figural édition Didier Devillez - Bruxelles (Belgique), 1994
  • Sur l'arête de la courbure Tal Coat, édition Centre d'art Nicolas de Stael – Belgique, 1995
  • Cézanne de l'inscrit à l'induit édition Academia Bruylant (Belgique) ISBN 2-87209-821-6, 2006
  • Michel Carrade Avant-Propos, La structure chromatique de l'œuvre, édition Didier Devillez Bruxelles (Belgique) ISBN 978-2-87396-121-3, 2009


En voie de publication

Les trois ouvrages fondamentaux de Jean Guiraud qui traitent des sujets suivants:

  • Perception esthétique: Modèle L1
  • Théorie du champ pictural : études sur Mondrian
  • Le lieu de l'esthétique


Hommages

Les anciens étudiants de l'atelier de peinture de l' Institut St Luc rendent hommage à Jean Guiraud en octobre-novembre 2004 à Bruxelles dans trois expositions collectives de leurs œuvres : à la Maison du Peuple à St-Gilles (Bruxelles), à la Cité Fontainas à St-Gilles (Bruxelles) , au Centre culturel de Woluwé-St-Pierre (Bruxelles). En 2009, l’école de recherche graphique, l'ERG, ouvre à Bruxelles une médiathèque artistique à son nom, la Médiathèque Jean Guiraud.

Notes et références

Notes

  1. Du grec aisthésis
  2. « Il n'y a d'œuvre, autrement dit, que si elle instaure un espace, comme il n'y a d'homme (au sens plein) que s'il accède (ou s'ouvre) à sa dimension propre ». Jean Guiraud : Le lieu de l’esthétique, en voie de publication. (Ici le mot espace équivaut à «champ». Pour Jean Guiraud, c’est la forme qui induit l’espace). « Car l'œuvre n'est œuvre que si elle redouble l'artiste et se confond avec lui, que si le destin de l'artiste se joue dans celui de l'œuvre.» Jean Guiraud Cézanne de l'inscrit à l'induit (texte de conférence sur) revue : Psychoanalytische perspectieven 26/1-2 Gent (Belgique) – 2008-3
  3. volume du matériel, projections de résidus de matière, nuisance de bruit causée par les outils
  4. Ces neuf peintres figurent dans Art belge au XXe siècle – Serge Goyens de Heusch – éditions Racine ainsi que dans la Collection La Fondation pour l’art belge contemporain Serge Goyens de HeuschMusée de Louvain-la-Neuve, Belgique
  5. Jean Bazaine, Paul Cézanne, Robert Delaunay, Paul Gauguin , Albert Gleizes, Juan Gris, Vincent Van Gogh voir références
  6. Situé à St-Gilles, commune de Bruxelles
  7. Le premier, Pierre Lison, a suivi la formation d’architecte, le second, Roland Jadinon, la formation de sculpteur dans la section d’arts plastiques
  8. Section préparatoire à l’architecture 1963
  9. Section professionnelle d’arts graphiques 1966
  10. Esthétique non spéculative, quittant la métaphore pour suivre autant que possible la démarche scientifique

Références

  1. Énergétique de l'espace Jean Guiraud édition Vander-Louvain (Belgique) 1970
  2. http://www.moreeuw.com/histoire-art/eugene-dodeigne-sculpteur.htm
  3. Exposé à la Faculté de Psychologie de l’université de Louvain-la-Neuve ( place du Cardinal Mercier 10 - 1348 Louvain-la-Neuve Belgique)
  4. voir Cézanne de l'inscrit à l'induit - Jean Guiraud – édition Academia Bruylant (Belgique) ISBN2-87209-821-6 – 2006
  5. voir Cézanne de l'inscrit à l'induit - Jean Guiraud – édition Academia Bruylant (Belgique) ISBN2-87209-821-6 – 2006
  6. Energétique de l’espace - Jean Guiraud - édition Vander 1970
  7. Théorie du champ pictural,, Bulletin de la classe des Sciences, Académie Royal de Belgique, 5eme série, tômes LXV, LXVI, LXX
  8. Théorie du champ pictural : les Facteurs chromatiques : Jean Guiraud et Pierre Lison, édition bulletin de la Classe des Sciences – Académie Royale de Belgique 5e série tome LXVI, 1980
  9. Théorie du champ pictural,, Bulletin de la classe des Sciences, Académie Royal de Belgique, 5eme série, tômes LXV, LXVI, LXX
  10. Théorie du champ pictural,, Bulletin de la classe des Sciences, Académie Royal de Belgique, 5eme série, tômes LXV, LXVI, LXX

Annexes

Articles connexes

Liens externes


Bibliographie

  • Jean Bazaine : Notes sur la peinture d’aujourd’hui – Seuil (1953)
  • Paul Cézanne : Cézanne correspondance – première édition (1937), édition complète : Grasset et Fasquelle (1978)
  • Robert Delaunay : Du cubisme à l’abstraction Bibliothèque générale S.E.P.E.N. de l’école pratique des hautes études VIe section (1958)
  • Albert Gleizes : Vers une conscience plastique, la Forme et l’Histoire – Jacques Povolosky (1932)
  • Juan Gris : Ecrits – NRF Gallimard (1946)
  • Vincent Van Gogh: Correspondance complète tomes I-II-III – éditions Gallimard Grasset (1960)