Zéro artificialisation nette

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L'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) est une trajectoire qui apparaît en 2018 avec le plan biodiversité impulsé par Nicolas Hulot, ministre de la Transition écologique et solidaire à l'époque. Il correspond à un état d'équilibre entre la surface artificialisée et sa compensation par l'homme. L'expression est de nouveau mobilisée en 2021 lors de l'édition de la loi climat et résilience avec laquelle elle va prendre tout son sens. Le ZAN est un objectif en deux temps que s'est fixé le gouvernement français : la première échéance étant d'ici 2030 de diviser par deux le rythme d'artificialisation et la deuxième étant d'ici à 2050 d'arriver à une artificialisation nulle[1]. Si l'objectif pèse sur les collectivités territoriales, il contraint aussi les promoteurs immobiliers et les organismes de logement social dans leur coût et leurs objectifs de construction.

Contexte

Etalement urbain autour du belvédère du Crêt des Bruyères.

La projection démographique de l'Organisation des Nations unies (ONU) prévoit à l'horizon 2050, dans son scénario extrême, environ 9,8 milliards d'hommes sur Terre[2], dont près de 70 % d'entre eux vivront en milieu urbain[3]. Par conséquent, les villes croîtrons non seulement en nombre mais aussi spatialement par extension du tissus bâti : c'est l'étalement urbain. C'est un phénomène que l'on sait aujourd'hui responsable de l'érosion de la biodiversité et du réchauffement climatique.

La France n'échappe évidemment pas à ces grands défis du XXIe siècle. Le pays est devenu en 2015 l'épicentre de la lutte contre le changement climatique avec l'organisation de la COP21, aboutissant à la signature d'un traité international sur le réchauffement climatique entre 195 états du monde, l'accord de Paris. Depuis, d'autres politiques environnementales ont vu le jour ces dernières années en France comme le Plan climat de 2017 avec pour objectif une décarbonation de la France d'ici 2050 ou encore plus récemment la loi climat et résilience de 2021.

Sur l'ensemble des 28 nations, la France est à la 11e place pour sa surface artificialisée par habitant, atteignant 461,6 m2. Cela représente 16,8 % de plus qu'un Espagnol, 41,5 % de plus qu'un Allemand et 94,5 % de plus qu'un Britannique.

Paradoxalement, la France fait peu sur le terrain en matière de lutte contre les enjeux environnementaux. Au niveau de l'artificialisation des sols, elle apparaît comme un mauvais élève à l'échelle de l'Union européenne. En 2014, les terres artificialisées représentent 5,1 millions d'hectares, soit 9,2 % du territoire national. L'habitat couvre 41,9 % des terres artificialisées, les infrastructures de transport 27,8 %, les infrastructures de services et de loisirs 16,2 %, le foncier économique 13,7 % et les autres usages 0,5 %[4]. Ainsi, sur la décennie 2006-2016, c'est en moyenne 20 000 hectares naturels qui sont artificialisés chaque année.

Définition

Schéma de la séquence éviter, réduire et compenser (ERC).

Derrière les objectifs du ZAN, il n'y a non pas l'idée de mettre complètement fin à l'artificialisation mais plutôt de mettre en place une compensation. Autrement dit, pour compenser l'artificialisation de certains espaces il faut déconstruire, dépolluer, désimperméabiliser, construire des technosols indispensables à la végétalisation et reconnecter fonctionnellement les écosystèmes naturels environnants. Le but étant, à chaque parcelle artificialisée, de rendre l'équivalent en termes de superficie et de biodiversité à la nature. Ainsi, la compensation est un processus qui s'inscrit dans une stratégie plus globale, la séquence "Eviter, Réduire, Compenser" ou "ERC", adoptée par la loi française en 1976[5]. Le zéro artificialisation nette va obliger la France d'ici le demi-siècle, à repenser l'urbanisme de son territoire, et peser davantage sur les acteurs de l'habitat.

Les principes de ZAN dans la loi climat et Résilience

Quelques principes directeurs sont apportés par la loi Climat et Résilience quant au principe de Zéro Artificialisation Nette. Ils sont notamment concentrés dans la titre IV « Se Loger », au chapitre III « Lutter contre l'artificialisation des sols en adaptant les règles d'urbanisme ».

Dans la section 1, à l'Article 191, il est notamment indiqué : « Afin d'atteindre l'objectif national d'absence de toute artificialisation nette des sols en 2050, le rythme de l'artificialisation des sols dans les dix années suivant la promulgation de la présente loi doit être tel que, sur cette période, la consommation totale d'espace observée à l'échelle nationale soit inférieure à la moitié de celle observée sur les dix années précédant cette date » [6]. C'est le principe directeur qui explique que le respect de la présente loi sera vérifié à l'échelon national et que le rythme net d'artificialisation des sols devra être divisé par deux chaque décennie, pour atteindre la neutralité en 2050.

L'article 207 donne les obligations auxquelles sont soumis les gouvernements en activité, notamment le fait de rendre « public un rapport relatif à l'évaluation de la politique de limitation de l'artificialisation des sols » au moins une fois tous les cinq ans, qui « fait état des moyens financiers mobilisés par l'Etat en faveur du recyclage foncier, de la réhabilitation du bâti en zone urbanisée et des grandes opérations publiques d'aménagement, en identifiant le soutien apporté aux opérations des collectivités territoriales » et qui « contient des préconisations sur la trajectoire de réduction de l'artificialisation des sols envisagée pour atteindre l'absence de toute artificialisation nette en 2050 »[6].

La loi Climat et Résilience modifie également le code de l'urbanisme, notamment en créant l'article L. 101-2-1 qui explicite et défini le principe 6° bis de l'article L101-2 de « lutte contre l'artificialisation des sols, avec un objectif d'absence d'artificialisation nette à terme »[7]. Il précise principalement que l'atteinte de cet objectif résulte de la « maîtrise de l'étalement urbain, le renouvellement urbain, l'optimisation de la densité des espaces urbanisés, la qualité urbaine, la préservation et la restauration de la biodiversité et de la nature en ville, la protection des sols des espaces naturels, agricoles et forestiers et de la renaturation des sols artificialisés. », en définissant chacun de ces termes.

Enfin, la Loi Climat et Résilience modifie le Code Général des Collectivités Territoriales. Premièrement, en rajoutant au deuxième alinéa de l'article 4251-1[8] la trajectoire chronologique dans laquelle devront s'inscrire les objectifs de lutte contre l'artificialisation.

L'article L. 141-8 précise que les objectifs pourront se décliner par secteurs géographiques en fonction des besoins, potentiels fonciers et autres caractéristiques spécifiques des communes ou intercommunalités notamment.

L'article 151-5 explicite l'application du rythme de baisse de l'artificialisation, de décennies en décennies, à compter de la promulgation de la présente loi (le 22 août 2021).

Outils

Outils règlementaires

  • Intégration de la ZAN dans les documents de planification français.
    Le SRADDET (échelle régionale) : définit les priorités de l’aménagement du territoire à un horizon de 20 ans sans déterminer l'occupation des sols[9]. Ils doivent être révisés un an au plus tard après la promulgation de la loi.
  • Le SCOT (échelle de l'aire urbaine ou du bassin d'emplois) : Il peut permettre de décliner par secteurs les besoins en logements et la demande foncière. Ils doivent être révisés cinq ans au plus tard après la promulgation de la loi[9].
  • Le PLU/PLUi/Carte Communale : viennent en appui des documents ci-dessus. Ils ne pourront pas ouvrir des sols naturels à l'urbanisation sans justification de la mobilisation existante de secteurs déjà urbanisés. Ils doivent être révisés six ans au plus tard après la promulgation de la loi[10].

En l'absence de mise en application, les sanctions pourront aller du gel des autorisations d'urbanisme pour le PLU et la carte communale, à la suspension de l'ouverture de zones à urbaniser.

Outils contractuels et incitatifs

Différents programmes sont à disposition des acteurs du logement, des EPCI, aux communes, aux propriétaires afin de réhabiliter et mettre au norme le bâti existant et éviter d'artificialiser en périphéries[11] :

  • OPAH : Opération programmée d'amélioration de l'habitat
  • ORT : Opération de Revitalisation de Territoires
  • PIG : Projet d'intérêt Général
  • Programmes de rénovation énergétique : Habiter Mieux ; Ma Prime Rénov ...
  • Programmes de rénovation de centres bourgs : l'action Cœur de Villes et le Plan Petites Villes de demain
  • Programmes de densification : BIMBY (Build in my backyard). Les opérations de densification peuvent se heurter à l'acceptabilité locale[12].

Ces programmes peuvent s'appuyer sur différents outils tels des bases des données liées à la vacance locative : l'INSEE, fichier 1767 Biscom, Fichier Filocom et Majic qui permettent la recherche de propriétaires qui ignorent potentiellement les aides possibles et mobilisables pour remettre leur logement sur le marché.

Outils fiscaux

L'État cherche à mobiliser des taxes pour s'appuyer sur un cadre plus coercitif :

  • La modulation de la Taxe d'aménagement [13]
  • Loi Finance : elle prévoit également que la part départementale de la taxe d’aménagement puisse être employée pour des opérations de renaturation et donc servir le concept de compensation. De même, elle exonère les parkings verticaux du versement de la taxe d’aménagement et recherche un assouplissement de la mise en œuvre de la majoration de la part de la taxe d’aménagement au niveau communal[14].
  • Majoration de la taxe d'habitation pour les résidences secondaires meublées en zones tendues (ALUR)[15]
  • Taxation des logements vacants.

Autres :

Taxes des Friches Commerciales qui permettrait de lutter contre la vacance des friches. Aussi, les Les taxes sur les cessions à titre onéreux de terrains nus devenus constructibles, La taxe pour création de locaux à usage de bureaux, de locaux commerciaux et de locaux de stockage (TCBCS) et la taxe sur les surfaces commerciales[11].

Ailleurs en Europe

En principe, la mesure de l'artificialisation est une mesure qui dépend des contextes nationaux, malgré la Directive Sols de l'Union Européenne en 2006 retirée après le veto de plusieurs Etat, définition qui aurait pu donc unifier la mesure[16]. En France, l'outil utilisé est Terutti-Lucas. De même, les contextes climatiques peuvent expliquer des disparités en termes d'urbanisation selon les données statistiques produites jusqu'ici. La France figure parmi les pays présentant un taux d'urbanisation des plus élevés en Europe facilitée par une faible valeur de l'hectare agricole. Par ailleurs, la Commission européenne a officialisé en 2011 un objectif européen d'arrêt de « toute augmentation nette de la surface de terre occupée » d'ici 2050, repris par le plan biodiversité (2018)[17].

Aucun pays n'a pris de mesure équivalente que la France de même que des objectifs ambitieux sur une aussi longue échéance [18]. Quelques mesures notables et plus locales ont été prises, parmi elles :

  • Mesures en Suisse : Au niveau cantonal, les cantons ne peuvent plus urbaniser sans compenser, si les plans directeurs ouverts à la construction ne sont pas approuvés par le Conseil Fédéral[19].
  • Mesures en Bade-Wurtemberg : Mise en place d'un marché de compensation sous forme d'éco-points dans les années 1990 [20]
  • Mesures à Hambourg: la municipalité de Hambourg a inscrit dans leur plan d'urbanisme l'interdiction d'accepter des projets d'habitat individuel neuf sur des terrains constructibles. [21]

Critiques

  • La binarité de l'approche : certains urbanistes reprochent l'approche dualiste et dichotomique entre le monde urbain et rural, dont la périurbanisation illustre pourtant l'incursion de l'urbain dans le monde rural[22]. Opposer les deux limite donc le débat et ne permet pas une lutte efficace[23].
  • La définition d'urbanisation et de compensation : aucune unité dans les mesures de calcul. Des définitions qui sont hétérogènes.[24]
  • Une baisse de l'offre foncière et une hausse de la demande de logements prévue : une hausse des prix. Le foncier pèse en moyenne pour 20% du coût d'une opération neuve, et jusqu'à 25 % en Île-de-France. L'Union Nationale des aménageurs souligne cet argument qui s'opposerait donc à la construction d'une offre de logements abordable[25].
  • La difficulté d'atteindre les objectifs de mixité sociale fixés par la loi SRU. [26]
  • Une approche trop centralisatrice : la prise en compte nécessaire des différences morphologiques et géographiques des territoires. Une approche relative serait nécessaire en fonction des besoins territoriaux et de l'état local des marchés du logement[27].
  • Les territoires ayant des résultats en termes d'artificialisation déjà faible bénéficient d'une marge de main d'œuvre moindre que ceux qui ont déjà artificialisé davantage auparavant: l'objectif ZAN se fonde sur les hectares déjà artificialisés précédemment. Donc une commune qui n'avait peu artificialisé, ne pourra pas s'étendre davantage, contrairement à d'autres communes plus consommatrice.

Notes et références

  1. « ZAN ou Zéro Artificialisation Nette », sur www.espacite.com (consulté le )
  2. « La population mondiale devrait atteindre 9,8 milliards en 2050 et 11,2 milliards en 2100, selon l'ONU », Organisation des Nations unies, Département des affaires économiques et sociales (consulté le )
  3. « Plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans des villes », Organisation des Nations unies, Département des affaires économiques et sociales, 10 juillet 2014, (consulté le )
  4. Commissaire général de France Stratégie, « Objectif "Zéro artificialisation nette": quels leviers pour protéger les sols ? » [PDF], sur France Stratégie, (consulté le )
  5. « Éviter, réduire et compenser les impacts sur l'environnement », sur Ministère de la Transition écologique (consulté le )
  6. a et b « LOI n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (1) », sur Légifrance (consulté le ).
  7. « Code de l'urbanisme », sur www.legifrance.gouv.fr (consulté le )
  8. « Code général des collectivités territoriales », sur Légifrance (consulté le )
  9. a et b « Zéro artificialisation nette (ZAN) du territoire français : exit l’objectif indéfini, place à la codification et à la programmation »
  10. « Jeantet - Documents d’urbanisme : Les objectifs ZAN contraints par des délais serrés - Le Moniteur, 12/11/2021 », sur Jeantet, (consulté le )
  11. a et b « Guide Pratique pour limiter l'artificialisation des sols »
  12. « Zéro artificialisation nette : la Fédération nationale des Scot et l'Unam proposent un simulateur aux élus », sur Banque des Territoires, (consulté le )
  13. « L'Institut Paris Region », sur institutparisregion.fr (consulté le )
  14. « L'Institut Paris Region », sur www.institutparisregion.fr (consulté le )
  15. « Zéro artificialisation nette » : quels leviers pour protéger les sols ?.
  16. « Objectif Zéro Artificialisation Nette », sur Le blog de Bouygues Construction - Shared innovation (consulté le )
  17. « Bouygues Télécom, Notes de Tendances ZAN »
  18. « Rapport France Stratégie 2018 »
  19. « Document Développement Durable »
  20. Science Eaux & Territoires : Approches anticipées et planifiées de la compensation écologique en Allemagne: vers un retour d'expérience pour la France ?,
  21. Le Point.fr, « Allemagne : les pavillons neufs interdits pour lutter contre l'étalement urbain », sur Le Point, (consulté le )
  22. « Zéro artificialisation nette : il faut sortir d’une vision binaire bâti contre non-bâti », sur La Gazette des Communes (consulté le )
  23. Eric Charmes, La fin de La Lutte Foncière
  24. Jean Cavailhès, « Artificialisation des sols : de quoi parle-t-on ? », Constructif,‎ , p. 21-24
  25. Par News Tank Cities, « ZAN : Démontrer que nos interventions d'aménageurs apportent des solutions », sur UNAM, (consulté le )
  26. « Objectif zéro artificialisation nette : le Sénat défend ses contre-propositions dans un rapport », sur Banque des Territoires, (consulté le )
  27. Jean Cavailhès, Conversion urbaine de terres et métropolisation du territoire