Voyage au Congo

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Voyage au Congo
Auteur André Gide
Pays Drapeau de la France France
Genre Journal de voyage
Éditeur Éditions Gallimard
Date de parution
Nombre de pages 249

Voyage au Congo est un journal d'André Gide publié en 1927 aux éditions Gallimard. Il relate un voyage effectué par l'écrivain de juillet 1925 à février 1926, en Afrique-Équatoriale française, de l'embouchure du Congo au lac Tchad.

La sincérité du récit en fait, outre un inestimable état des lieux en ce milieu des années vingt, un véritable réquisitoire contre les pratiques des compagnies commerciales — et accessoirement de l'administration — à l'égard des Noirs. Le livre suscite une vive émotion et conduit même par la suite à des réformes[1].

Résumé

Au cours de la lente remontée du fleuve Congo, André Gide se dit assombri par la « monotonie » du ciel équatorial, toujours gris, par la « monotonie » des paysages, où l'œil n'accroche jamais aucune ligne d'horizon, par la monotonie des villages et des gens même. Cette impression dure jusqu'au sortir de la savane arborée, en direction de Fort-Archambault, au sud du Tchad. Lorsqu'il peut descendre de bateau, Gide remarque l'état lamentable des populations.

Il atteint enfin des villages dignes de ce nom à l'approche de Bangui. Mais il découvre en même temps les pratiques indignes (propres à la zone forestière) des compagnies concessionnaires brutalisant et escroquant leurs employés indigènes, souvent recrutés de force. Puis il s'aperçoit — chose qu'il pressentait dès la traversée du Congo, mais qui lui éclate au visage quand il pénètre plus avant dans la grande forêt, entre Bangui et Bouar — que les administrateurs coloniaux placés en dessous des gouverneurs couvrent la plupart du temps ces abus. À plusieurs reprises, il constate le travail forcé, commandité en général par l'administration elle-même. Il s'agit de tâches d'intérêt général, de voirie le plus souvent, mais imposées dans des conditions inhumaines par les agents relais et les gardes. Gide voit souvent les habitants des villages se cacher à l'arrivée de sa troupe, par peur du travail forcé, comme il lui sera confirmé. De façon générale, il est frappé par la condescendance, voire le mépris de la majorité des Blancs pour les Noirs, et plus encore indigné par l'habitude prise par les Européens, suite à la dépréciation du franc pendant la Grande Guerre, de sous-payer systématiquement les produits du cru, donc au détriment des producteurs indigènes.

Il a pourtant quelques heureuses surprises. Il observe la réussite des plantations individuelles de coton, par opposition aux plantations collectives, appelées par les indigènes eux-mêmes les « plantations-je-m'en-fous ». À plusieurs reprises, à partir de Bouar, à nouveau au sud du Tchad, puis à l'approche du lac Tchad, il note que les gens deviennent altiers de par le dépouillement des paysages, mais aussi par influence de l'islam.

Gide est ravi de la descente du Chari, même si Fort-Lamy l'attriste. Le lac Tchad l'enchante et l'étonne, notamment par l'absence de profondeur (jamais supérieure à une hauteur d'homme) et plus encore par les touffes de papyrus qui, mues par un vent changeant et impétueux, migrent sans cesse, libérant une passe ici pour aller en boucher une autre là. Alors qu'en forêt il ne poursuivait que des papillons, Gide se livre enfin dans cette région à la chasse au gros gibier. Par ailleurs, et depuis le départ, il livre de fréquentes descriptions des caractères très différents des peuples et des villages traversés.

Plusieurs fois, l'écrivain mène l'enquête pour éclaircir des cas de mauvais traitements sur des indigènes. Il ne remet pas en cause le principe colonial, mais dénonce le régime des grandes concessions et la complicité des agents locaux de l'administration coloniale. Il saura bientôt que Paris est averti de ces pratiques, mais aussi que les ministères responsables mettent ces informations sous le boisseau.

Leçons à tirer

Gide décrit froidement, sans complaisance, les comportements des uns et des autres, comme la médiocrité ou la beauté des villages et des paysages traversés. La réaction outrée de la droite, à la publication du livre, rappelle que ce qui peut s'apparenter aujourd'hui à une critique tiède du colonialisme constituait à l'époque, dans une certaine mesure, une scandaleuse attaque des intérêts français. Pourtant, à aucun moment Gide ne dénonce en bloc le colonialisme.

Bien au contraire : il s'inquiète du fléchissement de l'autorité des Blancs — au Tchad notamment —, du risque « d'anarchie et d'événements désagréables », car « il faut certes s'intéresser aux indigènes, les aimer, mais s'ils sentent la faiblesse chez celui qui commande (et la bienveillance trop apparente sera toujours considérée par eux comme un manque d'énergie), le Chef cessera vite d'en être un à leurs yeux[2]. » La mission civilisatrice de la France est souvent évoquée. André Gide entend rappeler à chacun ses responsabilités : des sacrifices doivent être consentis par les populations africaines au nom du bien-être à venir de la collectivité ; la France ne doit pas abandonner ses prérogatives aux concessionnaires, souvent très critiqués pour leur dangereuse cupidité ; des administrateurs compétents doivent pouvoir limiter l’action néfaste de quelques aventuriers en quête d’argent. Pour appuyer son propos, Gide prend en exemple le gouverneur de l'Oubangui-Chari, Lamblin, responsable récemment nommé, agissant avec beaucoup d'à-propos ; ainsi que la décision en 1926 de Marcel de Coppet, chef de cabinet du gouverneur du Tchad, d'établir un prix décent pour les productions locales.

Le Voyage au Congo est suivi un an plus tard du Retour du Tchad, qui relate la fin du voyage.

Gide effectue son périple en compagnie de Marc Allégret, qui en rapporte un moyen-métrage, Voyage au Congo.

Notes et références

  1. Laffont, Bompiani, Le Nouveau Dictionnaire des œuvres de tous les temps et de tous les pays, Bompiani, Laffont, 1994, t. VI, p. 7601.
  2. Citation de M. de Poyen Belliste, en appendice au chapitre VII, dernier paragraphe.