L'Avalée des avalés

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L'Avalée des avalés
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Auteur Réjean Ducharme
Pays Drapeau du Canada Canada
Genre Roman
Éditeur éditions Gallimard
Collection Blanche
Date de parution
Nombre de pages 281
ISBN 2070220435

L’Avalée des avalés est un roman de Réjean Ducharme paru en 1966 aux éditions Gallimard, en France. Il s'agit de la première œuvre publiée de Ducharme. Le roman est nommé pour le Prix Goncourt 1966 et reçoit le Prix du Gouverneur général : romans et nouvelles de langue française pour l'année 1966.

Résumé[modifier | modifier le code]

L’action du roman se situe pendant la révolution tranquille des années soixante, à l’île des Sœurs, en banlieue de Montréal. Bérénice Einberg, l’héroïne, et son frère Christian, qui rêve de devenir lanceur de javelot, sont mis dès leur jeune âge au cœur de l’acrimonieux conflit conjugal de leurs parents. Bérénice, enfant précoce encline à la fantaisie et aux jeux langagiers insolites, surprend par sa lucidité. Il sera convenu que Bérénice sera éduquée dans la foi juive et que Christian sera éduqué dans la foi catholique. Mais chaque parent instrumentalise les enfants pour tenter de blesser son conjoint. En guise de riposte, Bérénice portera pour Christian un amour sans limites, comme elle le fera par la suite pour ses amies Constance Chlore et Gloria, et lui écrira les lettres les plus dithyrambiques même si elle est consciente que celles-ci sont interceptées par leur père, Mauritius Einberg. Pour la punir et mettre fin à cet amour rebelle et démesuré, son père envoie Bérénice en pension à New York chez son oncle Zio, autoritaire et juif très orthodoxe, et enfin en Israël, où l’action se termine tragiquement en plein cœur du conflit armé.

Analyse et thèmes[modifier | modifier le code]

La prose de Ducharme est unique en son genre et amène la littérature québécoise au-delà de nouvelles frontières[1]. Permettant à la littérature canadienne-française d'entrer dans la modernité[2], la prose de Ducharme est caractérisée par un vocabulaire extrêmement recherché et des métaphores puissantes qui lui donnent un caractère poétique exceptionnel. La création de Bérénice Einberg, qui incarne l’enfant référentiel et littéraire, fait de cette œuvre un roman culte[3], qui entend « refaire l’univers, à l’échelle du rêve et la fantaisie[4] ».

Le propos du roman est décapant : le fil des réflexions de Bérénice se retrouvant face à la souffrance que ses parents lui ont imposée, à la méchanceté des autres, aux mensonges des adultes et finalement à la violence qu’elle génère elle-même est d’une honnêteté qui ne laisse pas indifférent. Ducharme nous guide à travers ce que la crise de l’adolescence peut avoir de plus extrême et de plus clairvoyant, critiquant au passage des institutions telles que la religion et l’armée. Si l’œuvre se termine sur une note pessimiste, elle invite toutefois le lecteur à entrevoir le monde avec une énergie nouvelle. [Interprétation personnelle ?]

Adaptations et postérité[modifier | modifier le code]

En 1992, le cinéaste Jean-Claude Lauzon s’est partiellement inspiré de cette œuvre pour Léolo, son second long métrage[5].

En 2016, dans le cadre du Festival international de littérature, la comédienne et metteuse en scène Lorraine Pintal présente un spectacle hommage à l'œuvre qui fête alors ses 50 ans[6]. Elle crée ensuite une adaptation théâtrale avec le Théâtre du Petit Louvre qui voit le jour au festival OFF Avignon et sera présentée à plusieurs reprises à Paris en 2018[7]. Puis, en 2020 et en 2021, elle est présentée au Théâtre du Nouveau Monde[8],[9]et en webdiffusion[10].

Le roman est considéré comme un classique de la littérature québécoise moderne et il est souvent choisi parmi les romans les plus importants[2].

Extraits[modifier | modifier le code]

« Tout m'avale. Quand j'ai les yeux fermés, c'est par mon ventre que je suis avalée, c'est dans mon ventre que j'étouffe. Quand j'ai les yeux ouverts, c'est par ce que je vois que je suis avalée, c'est dans le ventre de ce que je vois que je suffoque. Je suis avalée par le fleuve trop grand, par le ciel trop haut, par les fleurs trop fragiles, par les papillons trop craintifs, par le visage trop beau de ma mère. Le visage de ma mère est beau pour rien. S'il était laid, il serait laid pour rien. Les visages, beaux ou laids, ne servent à rien. On regarde un visage, un papillon, une fleur, et ça nous travaille, puis ça nous irrite. Si on se laisse faire, ça nous désespère. Il ne devrait pas y avoir de visages, de papillons, de fleurs. Que j'aie les yeux ouverts ou fermés, je suis englobée: il n'y a plus assez d'air tout à coup, mon cœur se serre, la peur me saisit[11]. »

« La vie ne se passe pas sur la terre, mais dans ma tête. La vie est dans ma tête et ma tête est dans la vie. Je suis englobante et englobée. Je suis l'avalée de l'avalé. »[12]

Prix et distinctions[modifier | modifier le code]

Éditions[modifier | modifier le code]

  • Réjean Ducharme, L'avalée des avalés, Paris, Gallimard, coll. Blanche, 1966[14].
  • Réjean Ducharme, L'avalée des avalés, Montréal, Éditions du Bélier, coll. Ariès, 1967[2].
  • Réjean Ducharme, L'avalée des avalés, Paris, Gallimard, coll. Folio, 1982.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Élisabeth Haghebaert, Réjean Ducharme. Une marginalité paradoxale, Éditions Nota bene, 2009.
  2. a b et c l’équipe de L’actualité, « 25 romans qui ont défini le Québec », sur L’actualité, (consulté le )
  3. Kenneth Meadwell, « Perspectives narratives identitaires et ipséité dans L’avalée des avalés ». Présences de Ducharme. Élisabeth Nardout-Lafarge, Élisabeth Haghebaert et Marie-Andrée Beaudet, dirs. Québec : Éditions Nota bene, 2009. 181-192; « Ludisme et clichés dans L’avalée des avalés de Réjean Ducharme ». Ducharme en revue. Élisabeth Haghebaert et Élisabeth Nardout-Lafarge, dirs. Québec : Presses de l’Université du Québec, 2006. 71-77.
  4. Jean-Cléo Godin, « L'Avalée des avalés », Études françaises,‎ (lire en ligne)
  5. Nathalie Collard, « Livre culte: L'avalée des avalés de Réjean Ducharme », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  6. « Théâtre du Nouveau Monde | TNM », sur tnm.qc.ca (consulté le )
  7. Stéphanie Morin, « L’avalée des avalés : brûlante Bérénice ★★★★ », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « «L’Avalée des avalés» de Réjean Ducharme au TNM », sur Bible urbaine, (consulté le )
  9. Mégane Desrosiers, « L’Avalée des avalés : Un jeu d’enfant », sur JEU, revue de théâtre, (consulté le )
  10. Marie-Josée Roy, « «L’avalée des avalés»: les mots de Ducharme », sur Le Journal de Montréal (consulté le )
  11. Réjean Ducharme, L'avalée des avalés, Éditions Gallimard, Collection Folio, 1990, p. 9.
  12. Réjean Ducharme, L'avalée des avalés, Paris, Galiimard, , p.33
  13. Jean-François Nadeau, « Les avalés », sur Le Devoir, (consulté le )
  14. Culture et communications Québec, « Parution du roman L'avalée des avalés de Réjean Ducharme », sur patrimoine culturel du Québec, (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Maryel Archambault, Une étude de L'avalée des avalés de Réjean Ducharme, Montréal, Boréal, coll. « Les classiques québécois expliqués » (no 2), , 85 p. (ISBN 9782890528352)
  • Madeleine Chapsal, « Un candidat pour le Goncourt », L'Express, no 798,‎ 3-9 octobre 1966, p. 90-91
  • Jean-Cléo Godin, « L’Avalée des avalés », Études françaises, vol. 3, no 1,‎ , p. 94-101 (DOI https://doi.org/10.7202/036257ar)
  • Élisabeth Haghebaert, Réjean Ducharme. Une marginalité paradoxale, Montréal, Éditions Nota bene, , 382 p. (ISBN 978-2-89518-338-9)
  • Frédérique Izaute, L'avalée des avalés, Réjean Ducharme, Montréal, Hurtubise HMH, coll. « Texto HMH » (no 2), , 95 p. (ISBN 9782894281925)
  • Christiane Kègle, « Plaisir et subversion chez Réjean Ducharme », Études littéraires, vol. 28, no 1,‎ , p. 49-60 (DOI https://doi.org/10.7202/501109ar)
  • Martine Emmanuelle Lapointe, Emblèmes d'une littérature : Le Libraire, Prochain Épisode et L'avalée des Avalés, Montréal, Fides, , 357 p. (ISBN 9782762128543)
  • Renée Leduc-Park, Roger Chamberland, Gilles Girard, Diane Pavlovic, Jacques Julien et Aurélien Boivin, « Dossier : Réjean Ducharme », Québec français, no 52,‎ , p. 40-53 (lire en ligne)
  • Kenneth W. Meadwell, « Ludisme et clichés dans l’Avalée des avalés de Réjean Ducharme », Voix et Images, vol. 14, no 2 (41),‎ , p. 294-300 (DOI https://doi.org/10.7202/200776ar)
  • Jacques Michon, « La quête du sens », Voix et Images, vol. 9, no 1,‎ , p. 151-153 (DOI https://doi.org/10.7202/200427ar)
  • Élisabeth Nardout-Lafarge, « Noms et stéréotypes juifs dans L’Avalée des avalés », Voix et Images, vol. 18, no 1 (52),‎ , p. 89-104 (DOI https://doi.org/10.7202/201002ar)
  • Diane Pavlovic, « Du cryptogramme au nom réfléchi. L’onomastique ducharmienne », Études françaises, vol. 23, no 3,‎ , p. 89-98 (DOI https://doi.org/10.7202/035729ar)
  • Gilles Perron, « Les tourments de l’enfance : « L’avalée des avalés » de Réjean Ducharme », Québec français, no 122,‎ , p. 85-87 (lire en ligne)
  • Brigitte Seyfrid, « Rhétorique et argumentation chez Réjean Ducharme. Les polémiques béréniciennes », Voix et Images, vol. 18, no 2 (53),‎ , p. 334-350 (DOI https://doi.org/10.7202/201027ar)
  • André Vanasse, « Analyse de textes — Réjean Ducharme et Victor-Lévy Beaulieu : les mots et les choses », Voix et Images, vol. 3, no 2,‎ , p. 230-243 (DOI https://doi.org/10.7202/200104ar)
  • Arnaldo R. Vianna Neto, « La représentation de l’ethos underground et l’inscription de la pluralité dans l'œuvre de Réjean Ducharme », Globe, vol. 2, no 1,‎ , p. 57-74 (DOI https://doi.org/10.7202/1000091ar)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]