Henricus de Schüttenhofen

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Henricus de Schüttenhofen
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Scriptorium. Ivoire byzantin du IXe siècle conservé au monastère d’Heiligenkreuz, aujourd'hui à Londres.

Henricus de Schüttenhofen (en allemand : Heinrich von Schüttenhofen) est un moine cistercien au monastère d’Heiligenkreuz en Basse-Autriche, natif de Schüttenhofen (actuellement Sušice en République tchèque), ayant vécu dans la deuxième moitié du XIIIe siècle.

On ne connaît qu’un seul ouvrage de lui, un bestiaire latin, le Liber de naturis animalium cum moralitatibus, conservé dans quinze manuscrits. Il consiste en un prologue, qui explique les principes de l'ouvrage, et quatre grands chapitres consacrés respectivement à l'homme « à l'intérieur et à l'extérieur » (c'est-à-dire son âme et son corps), aux hommes monstrueux, aux animaux en général et aux animaux décrits en particulier. Conformément à la tradition des bestiaires médiévaux, chaque description débouche sur une moralité. Henricus s'appuie sur des sources bibliques, patristiques et scientifiques, notamment à travers Isidore de Séville, Barthélemy l’Anglais et Thomas de Cantimpré.

Biographie[modifier | modifier le code]

Henricus de Schüttenhofen est un moine cistercien au monastère d’Heiligenkreuz en Basse-Autriche près de Vienne sous le seizième abbé, Ulrich I (1297-1304)[1]. Cette abbaye est fondée en 1133 à l’âge d’or des cisterciens du douzième au treizième siècle. Comme Henricus n’entre pas dans l’ordre des monastères cisterciens dans les alentours de Schüttenhofen, par exemple à Nepomuk et Plass (tous les deux fondés en 1144) ou à Hohenfurt (monastère frère de Wilhering, fondé en 1259), il peut être arrivé à Heiligenkreuz par l’intermédiaire de Goldenkron, un monastère frère des abbayes cisterciennes en Basse-Autriche, fondé en 1263. De plus, les ravages de 1278 ou du début de 1279 après la mort d’Ottokar II de Bohême, protecteur des cisterciens, pourraient avoir précipité le déplacement vers Heiligenkreuz[2].

On ne connaît qu’un seul ouvrage de Henricus de Schüttenhofen, un bestiaire encyclopédique moralisé latin, le Liber de naturis animalium cum moralitatibus[3]. Cet ouvrage est connu sous plusieurs titres : Liber de naturis animalium cum moralitatibus, Summa naturalium cum moralitatibus, Naturalia per modum alphabeti, Proprietates animalium cum moralitatibus secundum ordinem alphabeti[4]. Jusqu’à maintenant, il est attesté dans quinze manuscrits[5].

Néanmoins, l'attribution de cet ouvrage n’est pas certaine, car Henricus n’est mentionné que dans un seul manuscrit, le plus ancien et le meilleur, celui de Vienne (Wien, Österreichische Nationalbibliothek, 1599, daté 1299, f. 1-155v) : « Qui scripsit, scripsit, quod Heinricus sibi dixit »[6].

Œuvre[modifier | modifier le code]

Principes et plan de l'ouvrage[modifier | modifier le code]

Bibliothèque du monastère d’Heiligenkreuz, v. 1915.

Le Liber de naturis animalium cum moralitatibus appartient au genre des bestiaires encyclopédiques moralisés car il décrit le caractère des hommes, des hommes monstrueux et des animaux (d’où bestiaire) de façon naturaliste (d’où encyclopédie) et ensuite en fait une interprétation (d’où moralisé)[7]. La tradition encyclopédique sert ainsi à la pratique de la prédication[8].

L'ouvrage consiste en quatre parties, précédées d’un prologue : De homine interiori et exteriori (l’homme à l’intérieur et à l’extérieur), De hominibus monstruosis (les hommes monstrueux), De animalibus in generali (les animaux en général) et De animalibus in speciali (les animaux de manière spécifique, en ordre alphabétique). Chaque section se compose d’une « explication naturaliste » suivie d’une interprétation moralisée (moralitas)[9].

Prologue[modifier | modifier le code]

L’ouvrage débute par un prologue, précisant, d’après le topique d’humilité, l’occupation contre l’oisiveté (otiositas) comme raison d’être. Puis Henricus informe qu’il s’inspire des sources des pères de l’Église (documenta patrum sanctorum) et qu’il a pour but d’édifier des fidèles (ad aedificationem fidelium). Par rapport aux indications consacrées aux religieux et prélats, un public religieux pourrait être supposé[10].

Les quatre grands chapitres[modifier | modifier le code]

Saint Brendan et ses compagnons faisant escale sur une baleine en la prenant pour une île. Bestiaire d'Hugues de Fouilloy, v.1270.

Après le prologue suivent les quatre grands chapitres de l'ouvrage. Le premier chapitre, De homine (interiori et exteriori), décrit l’homme à l’intérieur et à l’extérieur, c’est-à-dire son âme et son corps. Le deuxième, De hominibus monstruosis, traite des hommes monstrueux, onze variétés au total. Le troisième chapitre, De animalibus in generali, présente les cinq catégories générales du règne animal élaborées dans la Création : aquatilia, bestiae, iumenta, reptilia, uolatilia. Le dernier chapitre, De animalibus in speciali, est aussi le plus vaste : 266 animaux sont introduits de façon alphabétique très stricte de aane à uultur. Tous les chapitres ont la même structure : d’abord les propriétés d’un animal (ou d’un homme monstrueux) sont décrites, en indiquant les sources ; ensuite, la rubrique Moralitas et une tournure de type per que … possunt intelligi (ou synonymes) introduisent l’allégorèse, qui est suivie de quelques citations bibliques ou patristiques. S’il y a plusieurs chapitres sur une même espèce, la rubrique signale la nature de l’interprétation : in malo (négative) ou in bono (positive). À l’exception du chapitre sur les hommes, chaque article contient une moralisation[11].

Sources de l'ouvrage[modifier | modifier le code]

Henricus, selon la pratique des encyclopédistes médiévaux, a rédigé le Liber de naturis animalium cum moralitatibus comme une compilation de sources bibliques et scientifiques. La littérature critique en a donné une liste[12] (en ordre alphabétique) :

Henricus (ou l'auteur du Liber de naturis animalium cum moralitatibus) puise dans plusieurs sources secondaires à travers les compilations de Barthélemy l’Anglais et de Thomas de Cantimpré[13] qui, avec les Etymologies d’Isidore de Séville, constituent ses sources essentielles. L’auteur signale les emprunts du Liber de proprietatibus rerum de Barthélemy l’Anglais par « ut dicit in libro de proprietatibus rerum » et ceux du Liber de naturis rerum de Thomas de Cantimpré par « Liber de naturis animalium ». Ce dernier indique plutôt la troisième rédaction anonyme, Thomas III[14].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Florian Watzl, Die Cistercienser von Heiligenkreuz. In Chronologischer Reihenfolge nach den Quellen dargestellt, Graz: Styria, 1898, p. 20 ; Walter Zechmeister, « Heinrich von Schüttenhofen ». In F.W. Bautz et T. Bautz, éd. Biographisch-bibliographisches Kirchenlexikon, Herzberg : Hamm Traugott Bautz, vol. 19, suppl. 6, 2001, p. 649 ; Fritz Peter Knapp, « Zisterziensisches Schrifttum in den österreichischen Ländern des Mittelalters ». In Anton Schwob et alii, éd., Zisterziensisches Schreiben im Mittelalter. Das Skriptorium der Reiner Mönche. Beiträge der Internationalen Tagung im Zisterzienserstift Rein, Mai 2003, Berne/Berlin/ Bruxelles/Francfort am Main/New York/Oxford/Vienne : Peter Lang, 2001, p. 120.
  2. Walter Zechmeister, « Heinrich von Schüttenhofen ». In F.W. Bautz et T. Bautz, éd. Biographisch-bibliographisches Kirchenlexikon, Herzberg : Hamm Traugott Bautz, vol. 19, suppl. 6, 2001, p. 649-651.
  3. Walter Zechmeister, op.cit., 2001, p. 649.
  4. Baudouin Van den Abeele, « Bestiaires encyclopédiques moralisés. Quelques succédanés de Thomas de Cantimpré et de Barthélemy l’Anglais ». In Reinardus. Yearbook of the International Reynard Society, no 7, 1994, p. 215.
  5. Walter Zechmeister, op.cit., p. 649-651.
  6. Baudouin Van den Abeele, « Bestiaires encyclopédiques moralisés. Quelques succédanés de Thomas de Cantimpré et de Barthélemy l’Anglais ». In Reinardus. Yearbook of the International Reynard Society, no 7, 1994, p. 214 ; Walter Zechmeister, op.cit., 2001, p. 649.
  7. Sur les caractéristiques des bestiaires encyclopédiques moralisés, cf. Baudouin Van den Abeele, « Bestiaires encyclopédiques moralisés. Quelques succédanés de Thomas de Cantimpré et de Barthélemy l’Anglais ». In Reinardus. Yearbook of the International Reynard Society, no 7, 1994, p. 209-228.
  8. Baudouin Van den Abeele, « L'allégorie animale dans les encyclopédies latines du Moyen Âge ». In J. Berlioz et alii, éd. L'animal exemplaire au Moyen Âge (Ve – XVe siècle), Rennes : Presses universitaires de Rennes, 1999, p. 130 (Histoire).
  9. Christian Hünemörder, « Des Zisterziensers Heinrich von Schüttenhofen Moralitates de naturis animalium, Beobachtungen zu seiner Quellenbenutzung und zur frühen Rezeptionsgeschichte von Bartholomaeus Anglicus und Thomas III ». In Gundolf Keil et alii, éd. Licht der Natur. Medizin in Fachliteratur und Dichtung. Festschrift für Gundolf Keil zum 60. Geburtstag, Göppingen : Kümmerle, 1999, p. 199-200 (Göppinger Arbeiten zur Germanistik, 585).
  10. Walter Zechmeister, « Heinrich von Schüttenhofen ». In F.W. Bautz et T. Bautz, éd. Biographisch-bibliographisches Kirchenlexikon, Herzberg : Hamm Traugott Bautz, vol. 19, suppl. 6, 2001, p. 650.
  11. Christian Hünemörder, « Des Zisterziensers Heinrich von Schüttenhofen Moralitates de naturis animalium, Beobachtungen zu seiner Quellenbenutzung und zur frühen Rezeptionsgeschichte von Bartholomaeus Anglicus und Thomas III ». In Gundolf Keil et alii, éd., Licht der Natur. Medizin in Fachliteratur und Dichtung. Festschrift für Gundolf Keil zum 60. Geburtstag, Göppingen : Kümmerle, 1994, p. 198-199 (Göppinger Arbeiten zur Germanistik, 585) ; Heinz Meyer, Die Enzyklopädie des Bartholomäus Anglicus. Untersuchungen zur Überlieferungs- und Rezeptionsgeschichte von De proprietatibus rerum. München : Wilhelm Fink, 2000, p. 322 ; Baudouin Van den Abeele, « Bestiaires encyclopédiques moralisés. Quelques succédanés de Thomas de Cantimpré et de Barthélemy l’Anglais ». In Reinardus. Yearbook of the International Reynard Society, no 7, 1994, p. 214-216 ; Walter Zechmeister, « Heinrich von Schüttenhofen ». In F.W. Bautz et T. Bautz, éd., Biographisch-bibliographisches Kirchenlexikon, Herzberg : Hamm Traugott Bautz, vol. 19, suppl. 6, 2001, p. 650.
  12. Walter Zechmeister, « Heinrich von Schüttenhofen », op.cit, 2001, p. 650-651.
  13. Pour une liste, voir Hünemörder (1994 : 201-202).
  14. Baudouin Van den Abeele, « Bestiaires encyclopédiques moralisés. Quelques succédanés de Thomas de Cantimpré et de Barthélemy l’Anglais ». In Reinardus. Yearbook of the International Reynard Society, no 7, 1994, p. 215-216.

Liens externes[modifier | modifier le code]