Fuliginochronologie

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La fuliginochronologie (du latin fuligo, « suie ») est une méthode de datation relative récemment développée en archéologie. Sur un principe analogue à la dendrochronologie, elle est basée sur l'analyse des films de suie déposés sur les concrétions calcaires dans certaines grottes.

Histoire[modifier | modifier le code]

En archéologie, la présence de suie dans les concrétions a d'abord été utilisée comme marqueur de la présence humaine, initialement sans idée de datation.

Avant d'être baptisée « fuliginochronologie », la datation par la suie a été utilisée vers 1997 par Jacques Élie Brochier dans l'abri sous-roche de la Balma de la Margineda en Andorre[1]. Il mentionne en particulier une résolution subannuelle dans l'apparition régulière de films de suie dans les doublets sparite / micrite des parois de calcite. La méthode a également été utilisée par le paléoclimatologue Dominique Genty autour de 1998 dans la grotte de Postojna en Slovénie, puis dans la grotte de Han-sur-Lesse en Belgique et dans la grotte de Villars (Dordogne)[2],[3].

La fuliginochronologie a été formalisée à partir de 2017 par Ségolène Vandevelde pour l'étude de la grotte Mandrin à Malataverne dans la Drôme, occupée au paléolithique moyen et supérieur[4]. L'étude a porté sur de nombreux échantillons de parois calcaires, tombées sous l'usure des éléments et trouvées dans plusieurs couches stratigraphiques[5],[6]. Elle a ensuite appliqué cette méthode à d'autres sites comme les grottes d’Arcy-sur-Cure en France et la grotte de Nerja en Andalousie[7].

Méthode[modifier | modifier le code]

Ainsi, la fuliginochronologie est l'étude de la succession de ces films de suie, cette méthode permettant de dater la succession des occupations humaines en grotte[8].

En présence de feu, les films de suie successifs sont progressivement recouverts par les concrétions et amalgamés au calcaire. Dans certains cas, l'usure mécanique des parois par la circulation d'eau, le vent et le gel peut provoquer la chute de fragments, qui se retrouvent intégrés dans les couches archéologiques du site. L'analyse peut donc se faire soit en place soit sur des fragments épars.

C'est une méthode de datation relative, comme la dendrochronologie avec les cernes d'arbres. Elle permet une résolution temporelle inégalée pour la période paléolithique, allant jusqu'à la précision subannuelle. La résolution des films de suie nécessite une analyse microscopique complétée par une numérisation manuelle des échantillons en une sorte de code-barres.

Dans les cas compliqués comme la grotte Mandrin, il faut ensuite mettre en correspondance les échantillons analysés et les couches. Cela nécessite de recaler de nombreux échantillons pour établir une continuité chronologique cohérente sur tous les échantillons de la couche.

Approche expérimentale[modifier | modifier le code]

Pour calibrer les mesures des dépôts de suie, plusieurs équipes ont expérimenté des feux en différentes conditions, notamment les projets CarMoThaP (Caractérisation et Modélisation des Thermo-altérations et

des résidus de combustion sur les Parois), motivé par l'étude de la grotte Chauvet[9],[10], et ExTraS (Experiments on Traces of Soot), mené en parallèle de la datation de la grotte Mandrin[11].

ExTraS s'est attaché à vérifier l'impact de différents facteurs sur la formation et la préservation des dépôts : la nature du combustible (bois, ossements, graisse animale), orientation de la surface, état de surface de la roche, conditions météorologiques et saisons. Le dispositif expérimental consistait en un poêle portatif, couplé à une cheminée flexible permettant de cibler un point spécifique de la paroi et a été installé sur un site sans fouille de la grotte Mandrin. Les analyses ont porté sur des observations macroscopiques, des vues microscopiques des coupes, des analyses en microspectrométrie Raman des échantillons et des mesures colorimétriques des dépôts sur les parois. Elles ont toutes confirmé la similitude des productions expérimentales avec les échantillons préhistoriques récoltés.[réf. nécessaire]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jacques Élie Brochier, « Couches archéologiques ou "sols d'habitat" ? Quelques observations micro-chronologiques dans un abri-sous-roche pyrénéen », International Workshop on Archaeological Soil Micromorphology.,‎ (lire en ligne Accès libre)
  2. Ségolène Vandevelde, Dominique Genty, Jacques É Brochier et Christophe Petit, « Des concrétions fuligineuses en contextes archéologiques : quel potentiel informatif ? », Géomorphologie : relief, processus, environnement, vol. 26, no 4,‎ , p. 241–254 (ISSN 1266-5304, DOI 10.4000/geomorphologie.14981, lire en ligne, consulté le )
  3. « Spéléothèmes, Archives du climat », sur h'artpon (consulté le )
  4. « Une nouvelle méthode pour dater la succession des occupations humaines en grotte : application à la question de la contemporanéité entre Néandertal et Homo sapiens sapiens | INEE », sur inee.cnrs.fr (consulté le )
  5. Ségolène Vandevelde, Jacques Brochier et Ludovic Slimak, « Couche archéologique, sol archéologique et films de suie pariétaux : une approche micro-chronologique de l’occupation des cavités », Archéologie, société et environnement, vol. 19, no 1,‎ , p. 1 (DOI 10.21494/ISTE.OP.2021.0611, lire en ligne, consulté le )
  6. Ségolène Vandevelde et Claire Dupuis, « Voyage au bout de la suie : Chroniques des occupations humaines à la Grotte Mandrin (vidéo) », HAL,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Mª Ángeles Medina-Alcaide, Ségolène Vandevelde, Anita Quiles et Edwige Pons-Branchu, « 35,000 years of recurrent visits inside Nerja cave (Andalusia, Spain) based on charcoals and soot micro-layers analyses », Scientific Reports, vol. 13, no 1,‎ , p. 5901 (ISSN 2045-2322, DOI 10.1038/s41598-023-32544-1, lire en ligne, consulté le )
  8. (en) Vandevelde, S., Brochier, J.E., Petit, C., Slimak, L., « Establishment of occupation chronicles in Grotte Mandrin using sooted concretions: Rethinking the Middle to Upper Paleolithic transition », Journal of Human Evolution, vol. 112,‎ , p. 70-78 (DOI 10.1016/j.jhevol.2017.07.016).
  9. « CarMoThap : Caractérisation et Modélisation des Thermo-altérations et des résidus de combustion sur les Parois », sur carmothap.wixsite.com/ (consulté le )
  10. Catherine Ferrier, Évelyne Debard, Bertrand Kervazo et Aurélie Brodard, « Les parois chauffées de la grotte Chauvet-Pont d’Arc (Ardèche, France) : caractérisation et chronologie », Paléo, no 25,‎ , p. 59–78 (ISSN 1145-3370 et 2101-0420, DOI 10.4000/paleo.2730, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Ségolène Vandevelde, Toomaï Boucherat, Adelphine Bonneau et Damien Deldicque, « ExTraS program: documenting the processes of fixation, recording, and preservation of combustion products in speleothems », Archaeological and Anthropological Sciences, vol. 15, no 11,‎ (ISSN 1866-9557 et 1866-9565, DOI 10.1007/s12520-023-01869-3, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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