Forum sur la biodiversité de 1986

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National Forum on BioDiversity
Type Forum
Pays USA
Localisation Washington
Date d'ouverture 21 septembre 1986
Date de clôture 25 septembre 1986
Fréquentation 14000 visiteurs
Organisateur(s) National Academy of Sciences et Smithsonian Institution.
Site web https://nap.nationalacademies.org/catalog/989/biodiversity

Le Forum sur la biodiversité (National Forum on BioDiversity) est un événement qui se déroule à Washington du 21 au 25 septembre 1986 sous la direction conjointe de l’Académie nationale des sciences (NAS) et de la Smithsonian Institution.

Origine du concept[modifier | modifier le code]

L'idée du Forum émane de Walter G.Rosen, Senior Program Officer dans le comité de biologie fondamentale du Conseil national de la recherche (NRC)[1], à l'époque le bras opérationnel de l’Académie nationale des sciences.

La motivation pour l’organiser venait de l’inquiétude de ce comité présidé par Rosen face à la fréquence accrue des extinctions d’espèces et leur volonté d’informer le public sur le sujet[2].

Organisation[modifier | modifier le code]

La codirection du forum est assurée par Walter G. Rosen et Edward W. Bastian, ce dernier représentant la Smithsonian Institution. Les autres membres du comité sont William Jordan III, Thomas E. Lovejoy III, Harold A. Mooney (en), Stanwyn Shetler, et Michael E. Soulé.

Les différents ateliers sont dirigés par F. William Burley, William Conway, Paul R. Ehrlich, Michael Hanemann, William Jordan III, Thomas E.Lovejoy III, Harold A. Mooney, James D. Nations, Peter H. Raven, Michael H. Robinson (en), Ira Rubinoff (en), et Michael E. Soulé[1].

Un ouvrage collectif intitulé BioDiversity[1]et publié en 1988 avec E.O. Wilson pour rédacteur en chef en est issu. Wilson y déclare que «ce livre documente une nouvelle alliance entre les forces scientifiques, gouvernementales et commerciales pour réformer le mouvement de la conservation international pour les décennies à venir»[1].

Promotion et impact[modifier | modifier le code]

Le forum bénéficie d'une vigoureuse promotion incluant des sessions de briefing avec la presse[2].

Environ 14 000 visiteurs fréquentent le forum, 10000 le suivent en téléconférence[2]. Outre le livre, une vidéo de la conférence entrecoupée d'images du monde naturel est produite[2].

Le forum attira plus de quarante journalistes et suscita de nombreux articles dans la presse quotidienne et les périodiques, notamment le Time magazine, le Washington Post, le NewYork Times et le Boston Globe[3].

Selon le compte rendu du New-York Times: «Les scientifiques et les défenseurs de l’environnement appellent instamment à une action mondiale pour ralentir l’accélération de l’extinction massive des espèces animales et végétales... les orateurs, les uns après les autres, ont déclaré que l’activité humaine, en particulier la destruction rapide des forêts tropicales, réduisait dangereusement la diversité biologique de la terre. Beaucoup d’entre eux ont averti que cette perte menaçait les futures sources de nourriture et de drogues humaines et, selon plusieurs intervenants, pourrait même menacer le niveau actuel de civilisation...»[4]

Selon E .O Wilson, environ 10000 espèces disparaissent chaque année, nombre en augmentation et il soupçonne que tout dépendra d’une décision éthique, de la façon dont nous valorisons le monde naturel dans lequel nous avons évolué et, de plus en plus, de la façon dont nous considérons notre statut en tant qu’individus[4].

Dès 1987, alors qu'il est encore sous presse, le livre issu du forum est déjà référencé dans le rapport[5] de la «Commission Brundtland» de l'ONU. Il devient un best-seller avec 14 éditions imprimées en l'espace de 11 ans. Aujourd'hui largement diffusé sur internet sous format numérique[1] (pdf).

Genèse du mot biodiversity (biodiversité)[modifier | modifier le code]

Wilson attribue à Rosen l'invention du mot biodiversity qui fait ici sa première grande apparition publique[6],[1]. Toutefois le terme apparaît déjà deux fois dans la revue BioScience à l'époque de la préparation du forum, revue à laquelle Rosen collaborait.

D'abords dans le cartouche d'un article de 1985[7] écrit par Laura Tangley[8], qui ne se souvient pas l'avoir généré consciemment[9]. Puis en 1986 Robert L. Peters utilise aussi le terme biodiversity dans une réplique[10] à un commentaire sur un de ses articles, lui aussi sans souvenir conscient du fait[9].

Notons que dans le numéro de décembre[3] de la même revue, Tangley mentionne le forum alternant les deux termes biodiversité et diversité biologique .

Wilson avait tout d'abords rejeté le terme biodiversity, le trouvant trop clinquant et manquant de dignité. Rosen et ses collègues insistent : biodiversité est plus simple et plus distinctif que diversité biologique, le terme défendu par Wilson, le public s’en rappellera plus facilement[6].

Ultérieurement, Wilson reconnu que Rosen avait eu complètement raison, ce côté clinquant ayant contribué à la rapidité de sa diffusion. Dès 1987 c’était un des termes les plus usités dans la littérature de conservation de l'environnement[6].

Thèse de David Takacs[modifier | modifier le code]

Aujourd'hui professeur de droit, David Takacs[11] est surtout connu[12] pour son essai[13] sur la naissance du concept de biodiversité conçu alors qu'il était professeur assistant en écologie à l'université d'État de Californie. Pour cette essai il a interviewé (1992) une vingtaine de biologistes au cœur du développement de la biodiversité. C'est, avec les mémoires[6] de E.O. Wilson et son chapitre de BioDiversity, la référence principale[9] quand à l'origine du mot biodiversity (biodiversité), tant Wilson que Rosen lui ayant confirmé la thèse dans leurs interview de 1992.

Concernant l'invention du mot biodiversity Rosen lui affirme que «ce n'était pas difficile, Il n'y avait qu'à retirer le mot logical de l'expression biological diversity. Enlever la logique de quelque chose supposé scientifique est contradictoire, non? Et pourtant c’est pourquoi je me suis montré impatient face à l’Académie Nationale des Sciences. Parce qu’ils sont toujours si logiques qu’ils semblent ne plus laisser d’espace pour l’émotion et l’esprit»[2].

Selon Takacs, la NAS est une institution à la réputation très conservatrice, attachée à l'idée d'objectivité scientifique et soucieuse de se maintenir au-dessus de la mêlée politique et de ses querelles. Elle avait donc hésité à soutenir l’idée du forum car elle avait peur qu'il se transforme en plaidoyer mettant en cause sa réputation d'objectivité[2]. Pour Tackac c'est pourtant bien ce qui s'est produit. À l'appui de sa thèse il mentionne la constitution par un groupe de biologistes éminents d'un «club de la terre»[3],[2] qui tient une conférence de presse pendant le forum pour défendre l'importance de la biodiversité. S'y retrouvaient E.O Wilson, Jared Diamond, Paul Ehrlich, Thomas Eisner, G. Evelyn Hutchinson, Ernst Mayr, Charles D. Michener, Harold A. Mooney, et Peter Raven.

Daniel Janzen (en) mentionne à Takacs que le forum était un événement explicitement politique, explicitement conçu pour sensibiliser le Congrès à cette complexité des espèces que nous perdons. Beaucoup des participants y allèrent en mission politique.

À Laura Tangley[8], Rosen affirme que le forum était un «exercice en éveil des consciences[3],[2]» ajoutant que «les organisateurs avaient le sentiment que si le problème de la diversité biologique avait pénétré la conscience des scientifiques, il n'y avait pas encore beaucoup d'attention du public à son sujet[3]

Pour Takacs, «les biologistes de la conservation ont généré et disséminé le terme biodiversity pour changer notre carte mentale, pensant que si vous concevez la nature différemment, vous la voyez et valorisez différemment. En conséquence d'une campagne vigoureuse et déterminée menée par un groupe d'écologues et de biologistes...la biodiversité est devenue un point focal pour le mouvement écologiste[14]». «Beaucoup de biologistes ont toujours aimé la Terre mais ont réprimés le passage à l'acte. Rosen a fourni un forum et ouvert une voie pour les forces qui grondaient sous la surface, et un étendard qui a depuis été levé d’innombrables foi en défense de la Terre...et la façon dont nous concevons le monde naturel ne sera plus jamais la même[2].

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f (en) E.O. Wilson, BioDiversity, Washington, USA, National Academy of Sciences/Smithsonian Institution, , 521 p. (ISBN 0-309-03783-2, lire en ligne)
  2. a b c d e f g h et i (en) David Takacs, The Idea of Biodiversity - Philosophies of Paradise, Baltimore, USA, The John Hopkins University Press, , 393 p. (ISBN 0-8018-5400-8), p. 36-40
  3. a b c d et e (en) Laura Tangley, « Biological diversity goes public: A recent conference signaled growing public awareness of the problem, greater activism among scientists, and progress toward solutions », BioScience, volume 36-11,Oxford Academic,‎ , p. 708-715 (lire en ligne Accès limité [PDF])
  4. a et b (en) Philip Shabecoff, « ACTION IS URGED TO SAVE SPECIES », The New York Times, no 28 septembre 1986,‎ , p. 28 (lire en ligne Accès payant [html])
  5. Gro Harlem Brundtland, Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU, présidée par, New-York, ONU, , 300 p., Chapitre 6, références numéro 2
  6. a b c et d (en) E.O. Wilson, Naturalist, Washington,USA, Island Press - Shearwater Book, 2006 (1994), 394 p. (ISBN 1-55963-288-7), p359-360
  7. (en) Laura Tangley, « A new plan to conserve the earth’s biota. », BioScience, Oxford Academic,‎ , volume 35-6, pages 334–341 (lire en ligne Accès limité [PDF])
  8. a et b Biologiste et journaliste américaine ayant collaboré à de nombreuses organisations et revues, dont BioSciences et le National Wildlife magazine.
  9. a b et c (en) SAHOTRA SARKAR, « Origin of the Term Biodiversity » [PDF], sur Oxford Academic, (consulté le )
  10. (en) Robert J. Peters, « Can we slow global warming? », BioSciences,‎ , volume 36-3 page 40 (lire en ligne Accès limité [PDF])
  11. (en) UC Hastings is now UC College of the Law, San Francisco, « David Takacs, Professor of Law », sur UC Hastings is now UC College of the Law, San Francisco (consulté le )
  12. (en) David Bourget (Western Ontario) David Chalmers (ANU, NYU), « The Idea of Biodiversity: Philosophies of Paradise », sur PhilPapers (consulté le )
  13. (en) David Takacs, The Idea of Biodiversity - Philosophies of Paradise, Baltimore, USA, The John Hopkins University Press, , 393 p. (ISBN 0-8018-5400-8)
  14. (en) David Takacs, The Idea of Biodiversity - Philosophies of Paradise, Baltimore, USA,, The John Hopkins University Press,, , 393 p. (ISBN 0-8018-5400-8), pages 1