Aller au contenu

Carpocrate

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 10 février 2022 à 08:39 et modifiée en dernier par Vlaam (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Carpocrate
Biographie
Naissance
Décès
Activité

Carpocrate est un philosophe gnostique du IIe siècle natif d'Alexandrie, réputé antinomiste (contre les lois) et « libertin ».

Biographie

Carpocrate est né à Alexandrie. Il y enseigna. Il était chrétien. Il était marié et eut un fils, Épiphane, mort à dix-sept ans et auteur d'un traité Sur la justice ; son père lui édifia un temple[1]. On peut dater Carpocrate de la première moitié du IIe siècle. Un groupe favorable à Carpocrate alla à Rome avant 185, date où Irénée de Lyon composa sa notice sur Carpocrate.

Conception

Sa conception dualiste l'amenait à considérer que la matière est le mal et l'esprit le bien. « Carpocrate enseigne que le monde, avec ce qu'il renferme, est l'œuvre d'anges inférieurs de beaucoup au Père, qui n'a pas de commencement. D'après lui, Jésus a été engendré par Joseph. Né semblable aux autres hommes, il devint plus juste qu'eux tous. »[2]

C'était un défenseur de la réincarnation[3].

Gnosticisme

Hérésie

Irénée de Lyon et Clément d'Alexandrie ont accusé Carpocrate et ses adeptes, les carpocratiens, de révérer Jésus non comme le sauveur, mais comme un homme ordinaire, « qui n'avait pas oublié que l'origine de son âme provenait de la sphère du Dieu parfait inconnu ». Toutefois, cette assertion paraît peu fondée dans la mesure où les carpocratiens ont, les premiers, élevé des temples à Jésus et fabriqué des icônes, des statues et des portraits de lui, qu'ils ornaient de fleurs et vénéraient comme des « images divines »[4]. Il n'est pas invraisemblable de penser que les carpocratiens ont eu une influence déterminante sur la piété populaire, dans la mesure où ils impulsèrent un culte des images de Jésus (aujourd'hui largement répandu au sein des églises catholiques et orthodoxes), à une époque où toute représentation picturale du Christ était bannie et considérée comme « idolâtre » par les autorités ecclésiastiques, point de vue qui ne changera qu'à l'avènement de Constantin[5]. Les carpocratiens croyaient probablement en la métempsycose, ou réincarnation, une croyance probablement inspirée par les Hindous ou les croyances pythagoriciennes. « Nul ne s'affranchit du pouvoir des Anges qui ont fait le monde, mais chacun passe sans cesse d'un corps dans un autre, et cela aussi longtemps qu'il n'a pas accompli toutes les actions qui se font en ce monde. »[6]

Gnostiques libertins

Les carpocratiens ont parfois été appelés, avec les borborites (en) et nicolaïtes, les « gnostiques libertins » dans le sens où leur morale leur dictait d'avoir toutes les expériences possibles, fussent-elles considérées comme des péchés par leurs contemporains. Cette qualification remonte surtout à Irénée de Lyon :

« Ces gens, qui vivent dans la débauche et professent des doctrines impies, se servent du Nom comme d'un voile dont ils couvrent leur malice… Ils en sont venus à un tel degré d'aberration qu'ils affirment pouvoir commettre librement toutes les impiétés, tous les sacrilèges. Le bien et le mal, disent-ils, ne relèvent que d'opinions humaines. Et les âmes devront de toute façon, moyennant leur passage dans des corps successifs, expérimenter toutes les manières possibles de vivre et d'agir… Donc, d'après leurs propres écrits, il faut que leurs âmes expérimentent toutes les manières possibles de vivre, en sorte que, à leur sortie du corps, elles ne soient en reste de rien[7]. »

Un document controversé

La Lettre de Mar Saba, que Morton Smith affirme avoir découverte en 1958 et dont l'authenticité est controversée, est un document apocryphe attribué par Morton Smith à Clément d'Alexandrie. Le texte dénonce les carpocratiens pour avoir détourné l'enseignement contenu dans ce qui serait un « Évangile secret de Marc » dont aucune autre source ne fait état. La lettre suggère que Jésus aurait eu des relations homosexuelles, alors que Clément d'Alexandrie et Irénée de Lyon ne font aucune allusion à cela. Cette lettre, qui n'a jamais été expertisée, a disparu depuis 1990, du vivant de Smith. Celui-ci est soupçonné d'en être le véritable auteur.

Références

  1. Clément d'Alexandrie, Stromates, II, 5.
  2. Hippolyte de Rome, Réfutation de toutes les hérésies, I, 4.
  3. Paul-Hubert Poirier, « Basilide, Carpocrate, Valentin, et la première gnose », dans Florence Quentin (dir.), Le livre des Egyptes, Robert Laffont (lire en ligne), p. 456
  4. Irénée de Lyon, Contre les hérésies, V, 2.
  5. Liber Pontificalis, XXXIV.
  6. Irénée de Lyon, Contre les hérésies, I, 25, 4.
  7. Irénée de Lyon, Contre les hérésies, I, 25.

Bibliographie

Témoignages

Comme pour la plupart des gnostiques du début du christianisme, cette école n'est connue qu'à travers les écrits des Pères de l'Église, dans ce cas Irénée de Lyon et Clément d'Alexandrie. Dans la mesure où ces auteurs s'opposaient vigoureusement à la philosophie gnostique, il est très probable que leurs descriptions soient biaisées.

  • Irénée de Lyon, Contre les hérésies (vers 185), I, 25, 1-2 ; I, 25, 3-6. Traduction Adelin Rousseau (1965-1982), Paris, Cerf, 1991.
  • Clément d'Alexandrie, Stromates (vers 190), I, 5-9 ; III. Traduction, Paris, Cerf.
  • Hippolyte de Rome, Philosophumena, ou Réfutation de toutes les hérésies (230), VII, 4. Traduction A. Siouville (1928), Milan, Archè, 1988.
  • Épiphane, Panarion (374-378), XXVII.

Études

  • (en) Article « Carpocratian », dans Encyclopædia Britannica, 2007. Accédé le .
  • Hans Leisegang, La Gnose, Paris, Payot, « Petite Bibliothèque Payot, no 176 », 1971 (éd. or. 1924), chap. 7 : « Les carpocratiens ».
  • Michel Onfray, Contre-histoire de la philosophie, vol. 2 : Le Christianisme hédoniste, Grasset, [détail de l’édition], p. 63-66.
  • (en) Morton Smith, Clement of Alexandria and a Secret Gospel of Mark, Harvard University Press, 1973.
  • (en) Michael Allen Williams, Rethinking "Gnosticism". An Argument for Dismantling a Dubious Category, Princeton, Princeton University Press, 1996, p. 167-169, 185-187.

Liens externes