Cache/contre-cache

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Le couple cache/contre-cache est un procédé de trucage de cinéma, de téléfilm, ou de photographie, qui permet - à la prise de vues ou en laboratoire - de créer sur le négatif non développé, au moment de l’impression des images, une ou plusieurs réserves vierges, de formes variables en fonction des effets recherchés, sur laquelle une seconde exposition impressionnera une image secondaire (ou sur lesquelles plusieurs expositions impressionneront plusieurs images secondaires). Une fois l’exposition multiple effectuée, les photogrammes développés présentent deux (ou plusieurs) éléments filmés séparément, imbriqués dorénavant l’un dans l’autre et parfaitement identifiables : on dit que le plan obtenu est un plan composite. Le plan composite par cache/contre-cache se différencie de la surimpression, procédé cousin, où les éléments sont mélangés l’un avec l’autre[1].

Cache et contre-cache

Le cache (mask ou matte en anglais) peut être utilisé en direct, sans la nécessité d’un deuxième passage (dans la caméra ou en laboratoire dans la tireuse optique à trucage). C’est le cas des éléments de décor peints sur vitre en trompe-l’œil (en anglais, matte painting) : on dispose dans la profondeur de champ de la caméra, face au décor naturel principal, une vitre sur laquelle un peintre spécialisé a représenté un complément au décor existant, que l’artiste a pris soin de peindre à la même échelle que le véritable, et selon des tons en harmonie, une maison par exemple, un château, un village, qui n’existent pas dans la réalité et sont cependant nécessaires au récit. La peinture sur vitre peut également servir à masquer un élément anachronique d’un décor naturel (ex. : une station à essence dans un film censé se dérouler au XIXe siècle). Le plan truqué se doit d’être fixe, l’objet représenté en trompe-l’œil ne l’est en réalité qu’en 2-D, il est donc impossible d’effectuer un panoramique ou un travelling dans ce plan. Lors de la mise en place de la vitre peinte devant la caméra, des retouches de peinture sont effectuées sur la marge du trompe-l’œil, afin de mieux fondre l’objet fictif dans le décor naturel véritable.

Le contre-cache (en anglais, counter matte) est le complémentaire géométrique du cache. Il permet, lorsque la première prise de vues a été effectuée, de remonter la pellicule à son point de départ, et d’exécuter un second passage dans la caméra en préservant la partie du négatif déjà impressionnée et en découvrant la partie du négatif que le cache avait précédemment protégée.

Split-screen

Le split screen (en français recommandé, multi-image[2]), qui présente une division de l’écran en deux ou plusieurs zones montrant différents personnages ou objets dont les actions contiguës sont censées se dérouler simultanément, est basé sur le couple cache/contre-cache fixe.

Cache mobile

Le cache mobile (en anglais, travelling matte), qui comprend implicitement son contre-cache mobile, est une amélioration de laboratoire du procédé de base du cache/contre-cache fixe, à l’aide d’une machine à truquer (en France, la Truca de chez André Debrie). Une première prise de vues constitue le plan à truquer, dans lequel doit se déplacer un personnage ou un objet qui ne figure pas au moment du tournage (parce qu’il n’existe que dans l’imagination du cinéaste). Ce personnage ou objet est filmé séparément lors d’une seconde prise de vues, sur fond noir (donc, sans décor apparent). Ce peut être le comédien qui figure dans la première prise de vues, que l'on veut confronter avec son sosie. Ce peut être une figurine de monstre, filmée image par image pour créer le mouvement. Ou un personnage en dessin animé, filmé de même image par image. On procède à un tirage de cette seconde prise de vues sur une pellicule orthochromatique dont la particularité est de ne rendre que deux valeurs, le noir et le blanc. Pas de gris. Il en résulte une réserve noire sur fond transparent, la silhouette du personnage ou de l’objet, qui constitue le cache proprement dit. On procède à un second tirage à partir de ce cache, qui inverse ses valeurs : la silhouette noire devient transparente, le fond devient noir. C’est le contre-cache.

La dernière opération est un passage multiple de tous ces éléments dans la tireuse à trucage : le plan est fabriqué par le tirage pellicule contre pellicule de la première prise de vues et du cache mobile. Puis, un second passage utilise le contre-cache pour protéger la première prise de vues et, toujours pellicule contre pellicule, l’original de la prise de vues du personnage ou de l’objet en mouvement que l’on veut introduire dans la scène. L’image de ce personnage ou de cet objet en mouvement est ainsi impressionnée sur la pellicule où figure déjà la prise de vues principale, grâce à la réserve vierge mobile formée par le cache.

La technique du cache mobile à partir de pellicules photo-sensibles a l’inconvénient de révéler le trucage par les cernes qui entourent les découpes bien que la tireuse soit conçue pour immobiliser parfaitement chaque photogramme lors de l’opération de recopie. Mais le décalage microscopique entre chaque prise de vues et les différents caches est suffisamment important pour qu’il soit perceptible à l’œil.

Volets

Le volet est une transition entre deux séquences ou deux scènes, obtenue avec l’indispensable contre-volet selon une déclinaison du cache/contre-cache. Il consiste à faire disparaître un plan par son recouvrement sous un autre plan, ou un glissement qui donne l’illusion qu’il est poussé hors de l’écran par le plan suivant[3].

Histoire

Comme le fondu et la surimpression, la technique du cache/contre-cache existait avant les premiers films de cinéma, aussi bien en photographie (plaques de verre ou papier) qu’en dessin sur plaques de verre destinées à être vues individuellement ou projetées grâce à une lanterne magique. Les saynètes comportant une animation primitive en deux phases étaient monnaie courante sur le marché du pré-cinéma. C’est ainsi que dès le XVIIIe siècle, des plaques peintes à la main donnaient l’illusion d’un mouvement grâce à la présence sur un ou deux verres mobiles d’un élément dessiné, supprimé de la peinture principale comme si un contre-cache le dissimulait, et qui se superposait quand on actionnait ce verre mobile avec une tirette. Par exemple, on a conservé un verre dessiné où un pêcheur attend que « ça morde », il relève sa canne, un poisson est au bout de la ligne. La peinture ne comporte pas le bras de l’homme, le bras est représenté sur le verre mobile dans les deux positions : en attente, puis tenant la prise. Le bras peint figure seul, tel un cache, comme s’il avait été isolé du corps par le contre-cache[4].

Chez le photographe humoriste, un personnage dessiné grandeur nature sur un panneau de bois, dont le visage est absent, remplacé par un trou (l’équivalent du cache) par lequel le client passe la tête, est basé sur le procédé du cache/contre-cache. Le panneau dessiné sert de contre-cache, le résultat est le corps d’un personnage avec la tête du client venu se faire photographier en cow-boy ou en ballerine, boxeur, etc. Procédé assez grossier mais efficace dans l'effet recherché.

De même que la surimpression et les fondus, ce fut Georges Méliès qui adapta cet artifice au cinéma. Par exemple, en 1898 dans Un homme de têtes , ou, plus habilement en 1902 dans Le Voyage de Gulliver à Lilliput et chez les géants , il montre dans le premier sa propre tête posée sur une table, en quatre exemplaires, tandis que son corps décapité jongle avec les têtes dupliquées (ce trucage est combiné avec un autre : l’arrêt de caméra), et dans le second, Gulliver et les Lilliputiens dix fois plus petits que lui, grâce à plusieurs prises de vues séparées et des caches et contre-caches qui permettent de faire figurer les diverses prises de vues sur le même plan. Méliès utilise des caches en velours noir, disposés dans le décor, ou entre le décor et la caméra, et des contre-caches qu’il dispose méticuleusement selon la géométrie complémentaire des caches. Il lui suffit de filmer Gulliver en se rapprochant de lui, et les Lilliputiens en s’éloignant d’eux, pour donner l’illusion que l’un est un géant et les autres des homoncules.

Cache/contre-cache et films d’aujourd’hui

Grâce à la vidéo, la télévision a permis de mettre au point des techniques similaires – décelables elles aussi par le halo entourant les découpes (chroma keys) – mais la perfection est arrivée avec les trucages numériques, et le couple cache/contre-cache est à la base de l’essentiel des prises de vues truquées au cinéma, à la télévision et dans l'audiovisuel actuels.

Notes et références

  1. Vincent Pinel, Dictionnaire technique du cinéma, vol. 1, Armand Colin, , 369 p. (ISBN 978-2-200-35130-4), p. 34
  2. Vincent Pinel, Dictionnaire technique du cinéma, vol. 1, Paris, Armand Colin, , 369 p. (ISBN 978-2-200-35130-4), p. 278
  3. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, vol. 1, Paris, Nouveau Monde, , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 55-58 et 409-414
  4. Laurent Mannoni et Donata Pesenti Campagnoni, Lanterne magique et film peint, vol. 1, La Martinière, , 334 p. (ISBN 978-2-7324-3993-8), p. 59

Liens internes

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