Ballade en vieil langage françoys

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François Villon - La ballade en viel langage françois - Premier huitain extrait du manuscrit de Stockholm.

La Ballade en vieil langage Françoys est un poème de François Villon. Faisant suite à la Ballade des dames du temps jadis et à la Ballade des seigneurs du temps jadis, elle clôt le triptyque des ballades qui occupe le début de son Testament.

Elle est rédigée en « vieil langage françoys », c'est-à-dire en ancien français. Or Villon s'exprime en moyen français. Il utilise donc un parler que ses contemporains ne pratiquaient plus, et que lui-même ne connaissait que médiocrement (Voyez "François Villon, Oeuvres", par Louis THUASNE, Tome II : Commentaire et notes, Éditeur : Auguste PICARD, 1923, p. 164, section "Autre ballade").

Titre

Plusieurs éditions indiquent Autre ballade à ce propos en vieil langage françois, ce qui laisse entendre qu'elle se rattache aux deux précédentes. L'auteur lui-même n'indique pas de titre.

Thème

Comme dans la Ballade des dames du temps jadis et dans la Ballade des seigneurs du temps jadis, François Villon parle du thème traditionnel, en poésie, du tempus fugit, c'est-à-dire du temps qui fuit, ainsi que de l'ubi sunt, c'est-à-dire de la question : "Où sont-ils ?", en évoquant les défunts d'un passé lointain.

Le refrain Autant en emporte ly vens n'est en rien original (Voyez THUASNE, op. cit., p. 167).

Forme

Il s'agit d'une ballade, forme fréquente dans l’œuvre de Villon. Utilisant l'octosyllabe, elle obéit aux règles de composition suivantes :

  • trois huitains suivis d'un quatrain nommé envoi ;
  • trois rimes en A, B et C ;
  • les rimes sont disposées en ABABBCBC dans les huitains et en BCBC dans l'envoi.

Texte et transcription

Voici le texte[1] et sa transcription en français moderne :





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Car, ou soit ly sains apostolles,
D'aubes vestuz, d'amys coeffez,
Qui ne saint fors saintes estolles
Dont par le col prent ly mauffez,
De mal talent tout eschauffez,
Aussi bien meurt que cilz servans,
De ceste vie cy bouffez :
Autant en emporte ly vens.

Voire, ou soit de Constantinobles
L'emperieres au poing dorez,
Ou de France ly roy tres nobles
Sur tous autres roys decorez,
Qui, pour ly grans Dieux aourez,
Bastit eglises et couvens,
S'en son temps il fut honnourez,
Autant en emporte ly vens.

Ou soit de Vienne et de Grenobles
Ly Dauphins, ly preux, ly senez,
Ou de Dijon, Salins et Doles,
Ly sires et ly filz ainsnez,
Ou autant de leurs gens privez,
Heraulx, trompetes, poursuivans,
Ont ils bien bouté soubz le nez ?
Autant en emporte ly vens.

ENVOI
Princes à mort sont destinez,
Et tous autres qui sont vivans :
Si sont courciez ou attinez,
Autant en emporte ly vens.

Car, de même, le Saint Apôtre,
De l'aube revêtu, de l'amict coiffé,
Qui ne ceint que la sainte étole,
Avec laquelle, par le col, il prend le Mauvais,
De colère tout échauffé,
Au bien meurt que fils, servants,
Hors de cette vie-ci soufflé.
Autant en emporte le vent.

Et même, à Constantinople
L'empereur orné d'un bracelet d'or,
Ou le très noble roi de France,
Plus glorieux que tous les autres rois,
Qui, pour honorer la grandeur divine,
A fait bâtir églises et couvents,
S'il fut honoré à son époque,
Autant en emporte le vent.

Ou, à Vienne et Grenoble
Le Dauphin, le vaillant, le sage,
Ou, à Dijon, Salins-les Bains et Dole,
Le seigneur et le fils aîné,
Aussi bien que leurs amis,
Hérauts, trompettes, poursuivants,
Ont-ils bien rempli leur bouche ?
Autant en emporte le vent.

ENVOI
Les princes sont destinés à la mort,
Et aussi tous ceux qui vivent :
Qu'ils s'en affligent ou s'en irritent,
Autant en emporte le vent.

Notes et références

Notes

Les traductions proviennent du Lexique de l'Ancien français de Frédéric Godefroy (Librairie Honoré Champion, éditeur). Pour la première strophe, sont aussi utlisés : 1) "François VILLON, Oeuvres complètes", par Claude PINGANAUD pour la transcription en français moderne, éditions Arléa, 2010, pp. 81-82 ; 2) THUASNE, op. cit. ; 3) DMF, Dictionnaire du Moyen Français en ligne.

Vers 1 : ly sains apostolles : le Saint Apôtre, c'est-à-dire le pape.

Vers 2 : amys : amict

coiffé : qui orne, qui pare la tête (Voyez le Littré en ligne, à l'article Coiffer).

Vers 4 : ly mauffez : le Mauvais, c'est-à-dire le Diable.

Vers 5 : mal talent : mauvaise intention, haine, colère.

Vers 6 : cils : (doit être corrigé par "fils" ; voyez THUASNE, op. cit., p. 166, section V. 390).

Vers 7 : bouffez : soufflé.


Vers 10 : l’empereur aux poignets ceints de bracelets en or rappelle les souverains byzantins. La référence renvoie peut-être au Grand schisme d'Orient de 1054, par relation (ou opposition) avec le huitain précédent et le pape Calixte III, cité dans la Ballade des seigneurs du temps jadis.

Vers 18 : un dauphin est cité au vers 25 de la Ballade des seigneurs du temps jadis. Il s'agiprobablement de Robert II, dauphin d'Auvergne et comte de Clermont.

Vers 21 : Dijon, Salins et Doles : villes de Bourgogne (Dijon) et de la Franche-Comté voisine (Salins-les-Bains et Dole). On notera l'imperfection de la rime avec Grenobles.

Vers 21 : privez : familiers, intimes.

Vers 22 : poursuivans : poursuivants d'armes.

Vers 27 : courciez : affligés.

Vers 27 : attinez : irrités.

Références

  1. d'après les éditions de Thuasne (1923) et Longnon-Foulet (1932)

Articles connexes