Atelier de la Martinerie (tisserandes)

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Atelier de la Martinerie (tisserandes)

L'Atelier de la Martinerie est une communauté de trois artistes créé en 1956 à l’initiative de Paule Bourron, Paulette Gaillard et Jacqueline Hureau. À leur sortie de l’École des beaux-arts de Paris, elles délaissent la peinture pour s’exprimer ensemble et composer à six mains des ouvrages de tapisserie. Pendant plus de cinquante ans, les dames de la Martinerie « Michele, Pat et Jacqueline », comme elle se font appeler, réalisent des milliers d'ouvrages originaux exposés dans le monde entier.

Histoire[modifier | modifier le code]

C’est en Touraine à côté d’Amboise, dans le village de Luzillé, rue de la Martinerie, que les trois artistes trouvent leur premier espace de travail en 1956. Débutant dans des conditions extrêmement rudimentaires, elles sont soutenues par les paysans du coin qui les aident à s'installer et qui leur fournissent la matière première pour la teinture et le filage de la laine.

En 1959, elles sont invitées à la Maison des beaux-arts de Paris pour y présenter leur travail. Le collectionneur américain Ian Woodner (1903-1990) fait l’acquisition de l’ensemble des tapisseries présentées dans l’exposition.

En 1961, Paule Bourron se voit décerner le « prix de la Vocation de la fondation Bleustein-Blanchet ». Elle reçoit 1 million de francs de la fondation qui lui permettra de faire sa première exposition[1],[2]. Grâce à l’argent récolté, la communauté acquiert pour s'y installer le prieuré Notre-Dame et Saint-Étienne de Villiers près de Villeloin-Coulangé qu'elles commencent à rénover. Elles cultivent les terres et possèdent quelques animaux domestiques de subsistance ; par ailleurs elles y élèvent des moutons pour teindre et tisser la laine[3].

Travaillant la tapisserie en haute lisse, en disposant verticalement la lisse du métier à tapisser, elles expérimentent plusieurs modèles encombrants et ont rapidement le désir d’agrandir leur atelier. Elles découvrent un château dans les environs de Razines et s’y installent en 1966.

Galerie d'Art de la Martinerie vers 2005 à Amboise

En 1968, des Franciscaines du couvent de l'Immaculée Conception de Champfleur, ayant jusque-là travaillé comme exécutantes pour les ateliers de tapisserie d’Aubusson, entendent parler de l'Atelier de la Martinerie dans la presse et leur proposent leurs premiers métiers à tisser. Elles feront vers 1981 l’acquisition d’un métier Jacquard leur permettant de travailler sur de petites séries.

Elles ouvrent des galeries d’exposition permanente pour vendre leurs créations : tout d’abord à la Galerie St-Martin à Tours, 20 rue de Scellerie dans les années 1970, puis à la Galerie d'Art de la Martinerie à Amboise, 7 Rampe du Château, courant 1980.

Paulette Gaillard est nommée Chevalier de la Légion d'honneur sur le rapport du Premier ministre et du ministre de la culture, en qualité de cofondatrice et d'animatrice d’un atelier de tissage. Elles reçoivent ensemble la légion d’honneur des mains de Jacques Chaban-Delmas en 1981 à Bordeaux[4].

Au début de l'année 2000, la production du collectif se réduit mais les expositions tournent toujours en France et dans le monde entier. Elles reçoivent un accueil important à Copenhague, y exposant plusieurs fois jusqu’en 2012, attirant même à elles la Cour du Danemark qui se passionne pour la tapisserie contemporaine.

En 2008, Paulette Gaillard décède ; se rompt alors l'équilibre de plus de cinquante années de collaboration entre ces « sœurs spirituelles » signant l'arrêt de la production de nouveaux modèles.

Fin 2016, la galerie d'exposition permanente d’Amboise ferme ses portes.

De septembre 2022 à janvier 2023, l'Hôtel Gouïn de Tours accueille une grande rétrospective de leur œuvre commune.

Influences[modifier | modifier le code]

Autodidactes, elles apprennent le travail de tisserande par l’essai, les lectures et la collaboration. Elles se font aider par les paysans locaux pour monter leur premier atelier à Luzillé, rue de la Martinerie, d'où elles tireront le nom de leur collectif. Travaillant à six mains sur les ouvrages, elles débutent sans carton de tapisserie (matrice numérotée), innovent également dans la tradition lissière en dessinant directement sur les fils[5], et font évoluer le motif en concertations.

Elles sont repérées assez tôt par l’entourage d'André Malraux ; en témoignent la préface et l'introduction d’expositions de Louise de Vilmorin en 1962[6]. L'année suivante l'écrivain et académicien André Maurois dira des productions de l’Atelier qu’elles sont où « L'art le plus neuf rejoint le plus ancien[7]» et affirme que « L'Atelier de la Martinerie aura sa place dans l'Histoire de l'art[8]».

Apprenant sans maître ni « voyage initiatique » à l’étranger, elles composent dans la méditation et la communion leur message singulier.

Grandes lectrices, elles se passionnent pour les écrits mystiques, les essais philosophiques mais aussi la science-fiction. Gilbert Buron, homme politique, se souviendra dans son autobiographie de ces « trois jeunes administrées, à peine arrivées de l’École des Beaux-Arts, qui donnaient libre cours à leur inspiration[4]... ».

Leur inspiration empruntent à différents symboles, mythologies et confessions pour produire des modèles originaux nourris par la lecture et le rêve. Dans les années 1960, elles croisent les cercles de théosophie et vont écouter Jiddu Krishnamurti en conférence à Paris. Elles y feront la découverte de Kabîr, tisserand indien, poète et philosophe du XVe siècle qui marque un tournant majeur dans leur art. Elles lui consacreront plusieurs livres illustrés[9] et proposeront de nombreuses interprétations et illustrations de ses poèmes[10].

Livres illustrés et publiés[modifier | modifier le code]

L'Atelier de la Martinerie a illustré et publié deux livres poétiques sur leur Œuvre et fait éditer pas moins de quatre catalogues.

  • Atelier de la Martinerie, L'Atelier de la Martinerie, Editions Eremiten-Presse, Allemagne, 1974, 70p.
  • Atelier de la Martinerie, Chants d'amour de Kabîr, [traduit par Henriette Mirabeau Thorens de la version anglaise] ; illustré [et publié] par l'Atelier de la Martinerie, Tours Graphic, Tours, 1980.
  • Atelier de la Martinerie, L'Atelier de la Martinerie, catalogue illustré [et publié] par l'Atelier de la Martinerie, Tours, Luc Gervais, 1980, LIX p. ; in-fol[9].
  • Atelier de la Martinerie, Tapisseries de l'Atelier de la Martinerie, catalogue illustré [et publié] par l'Atelier de la Martinerie, Tours, 1984, 64p.

Expositions et performances[modifier | modifier le code]

L'ATMA (ATelier MArtinerie) expose régulièrement en France et à travers le monde durant près de soixante-dix ans, présentant son travail près d'une centaine de fois au public.

Chronologie partielle[modifier | modifier le code]

Année Pays Ville Lieu
1956 Tours (37) Galerie Étienne Monnier
1959 Paris Maison des beaux-arts
1961 Paris Maison des beaux arts
- Paris Fondation Bleustein-Blanchet (Prix Vocation)
1962 Paris Galerie Paul Ambroise (Introduction par Louise de Vilmorin)
1965 Paris Galerie Paul Ambroise (Introduction par André Maurois)
1968 Paris Galerie Porte Ouverte
1969 Belgique Bruxelles Galerie l’Angle Aigu
- Lyon (69) Galerie le Nombre d’or
- Tours (37) Galerie la Navette
1970 Toulouse Galerie le Biblion
- Poitiers (86) Galerie les Colonnes
1971 Paris Galerie Katia Granoff
1972 Tours (37) Galerie la Navette
- Reims Exposition de tapisserie contemporaine à Maison de la Culture
- Lyon (69) Galerie le Nombre d’or
1973 Braux Centre culturel Franco-Allemand
- Vaison la Romaine Galerie du Vieux Marché
- Toulouse Galerie le Biblion
1975 Toulouse Galerie le Biblion
1978 Lyon (69) Galerie le Nombre d’or
1980 Vaison la Romaine Galerie du Vieux Marché
1981 Paris Galerie Drouant-David
- Montbrison (42) Centre culturel des Pénitents
- Bordeaux Galerie Georges Nakache
- Aurillac Galerie Artco
- Afrique du Sud Le Cap Galerie internationale (Prix régional des métiers d’art)
1982 Belgique Bruxelles Galerie l’Angle Aigu
- Joué-lès-Tours (37) Fresque de 250 m2 au collège de La Vallée Violette
1984 Tours (37) Galerie la Passerelle
- Paris Galerie du Puits de l’Orme
- Nice Galerie Anne-Marie Rey
- Aurillac Galerie Artco
- Vaison la Romaine Galerie du Vieux Marché
1985 Avignon Galerie L'Échappée Belle
- Lyon (69) Galerie Le Carré Saint Jean
- Saint-Malo Palais du Grand Large
- Issoudun (36) Musée Saint Roch
- Tours (37) Galerie Saint-Martin
- Amboise (37) Galerie d'Art de la Martinerie
1986 Audierne Église St Raymond
- Marseille Maison des Arts
- Australie Sydney ?
- Australie Adelaide ?
- Paris Galerie Katia Granoff
- Blois (37) Galerie de La Marge
- Allemagne Munster Galerie Gripekoven
1987 Japon Kyoto ?
- Allemagne Munich Galerie Gripekoven
1988 Hongrie Budapest Galerie Nationale du Vigado
- Pays-Bas Amsterdam Galerie Rosa Spier
1989 Issoudun (36) Musée Saint Roch
1990 Canada Montréal Salon des Métiers d’Art
1991 États-Unis New York Art Expo
- États-Unis Los Angeles Art Expo
1992 Suisse Genève Europ ART
- Suisse Genève Galerie du Théâtre
- Suisse Thalwil ?
- Saintes Abbaye des Dames
1993 Villandry (37) Château de Villandry
- Orly Galerie de l'Aéroport
1994 Allemagne Schwerte ?
- Allemagne Cologne ?
- Allemagne Nuremberg ?
1997 Issoudun (36) Musée Saint Roch
1998 Audierne Église St Raymond
1999 Autriche Vienne Cathédrale Saint-Étienne
2000 Danemark Copenhague Galerie Soli Madsen
2001 Montbron (16) Château de Montbron
2007 Montmorillon (86) ?
2008 Danemark Copenhague Galerie Soli Madsen
- Fondettes (37) La Grange des Dîmes
2010 Danemark Copenhague Galerie Soli Madsen
- Tours (37) Librairie La Boîte à Livre
2011 Danemark Copenhague Galerie Soli Madsen
- Joué-lès-Tours (37) La Médiathèque
- Morlaix Festival Armor India, Alliance Armor Dupleix Inde (AADI)
2014 Tours (37) Librairie Ghimel[11]
2016 Saint-Silvain-Bellegarde Culture Creuse Horizon
2018 Saint Pierre des Corps (37) Galerie Emmanuel Chabrier
2022 Tours (37) Hôtel Gouïn

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Les lauréats | Fondation de la Vocation », sur fondationdelavocation.org (consulté le ).
  2. « La fondation de la Vocation décerne ses 25 bourses » Accès payant, sur Le Monde, 16 novembre 1962 à 00h00 (consulté le ).
  3. « Lisette n°42-2 14 jan 1962 - Page 16 - 17 - Lisette n°42-2 14 jan 1962 - Lisette - éducatif 5-12 ans - enfant - Jeunes - 1001mags - Magazines en PDF à 1 € et GRATUITS ! », sur fr.1001mags.com (consulté le ).
  4. a et b Gilbert Buron, Une vie à tire d'aile : un paysan de Touraine au service de la liberté, FeniXX réédition numérique, (ISBN 978-2-402-13536-8, lire en ligne)
  5. TV Tours-Val de Loire, « Vidéo "Amboise: la tapisserie à l'honneur" », sur youtube.com, (consulté le ).
  6. P.-M. GRAND., « L'atelier de la Martinerie », Le Monde.fr,‎ 06 avril 1962 à 00h00, (lire en ligne Accès payant, consulté le )
  7. Michèle Decoust, Orbs, l'autre planète N° 1 : Un fil d’or, Nazelle Négron, Le Capital Humain Editions SARL, , 192 p. (ISBN 9782954400815, lire en ligne), p. 108-131
  8. Atelier de la Martinerie, L'Atelier de la Martinerie, Allemagne, Editions Eremiten-Presse, , 70 p., p. 59
  9. a et b « Atelier de la Martinerie. Ports, Indre-et-Loire », sur data.bnf.fr (consulté le ).
  10. Alliance Armor Dupleix Inde (AADI), Dialogue avec Kabir, Tapisseries de la Martinerie, Exposition de Tapisseries de l'Atelier de la Martinerie, dans le cadre du Festival Armor India à Morlaix, 27 avril - 15 mai 2011, Morlaix, Imprimerie de Bretagne, , 56 p.
  11. « EXPOSITION DE L’ATELIER DE LA MARTINERIE À LA LIBRAIRIE GHIMEL, À TOURS, JUSQU’AU 28 février 2014 », sur orbs.fr, (consulté le ).