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Vache à hublot

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Un hublot sur le flanc d'une vache.

Une vache à hublot ou vache fistulée est une vache équipée d’une canule fermée par un clapet (fistule), qui permet d’intervenir dans la panse. Cet équipement vise à servir la recherche vétérinaire et agronomique. Les scientifiques placent sur le flanc de l'animal un hublot en plastique d'environ 15 cm pour leur permettre d'avoir accès au rumen qui est un des quatre compartiments gastriques de la vache. Ils peuvent ainsi accéder au contenu de l'estomac de la vache en introduisant leur bras dans le corps de l'animal.

Historique

La pratique de la fistulation (ou canulation) ruminale est attestée en 1831 dans le cadre des expériences de Pierre Flourens sur les mécanismes de la rumination. Dans un mémoire de l'Académie des sciences, Flourens décrit la manière dont il a pratiqué des ouvertures dans chacun des quatre compartiments gastriques de plusieurs moutons en établissant ce qu'il appelle des « anus contre nature »[1].

Par la suite, cette opération est pratiquée sur d'autres animaux, principalement des ruminants. Son objet principal est en effet de fournir un accès aisé au rumen pour permettre l'étude de sa physiologie et le prélèvement d'échantillons sans sacrifice de l'animal[2]. La première attestation de l'utilisation de cette technique sur des bovins date de 1854[3].

La technique connaît plusieurs évolutions au cours de la première moitié du XXe siècle. En particulier, le choix des matériaux pour la conception de la canule (aluminium, chrome, ébonite, lucite, etc.) a fait l'objet de plusieurs travaux scientifiques[2].

Il semble qu'aucun dispositif mécanique n'ait été prévu pour l'obturation de la canule avant les travaux d'A. F. Schalk et R. S. Amadon en 1928[4]. Les systèmes d'obturation doivent permettre de limiter la perte de fluides et de gaz, et donc de réduire au minimum les interférences dans le fonctionnement normal du rumen.

Utilisation

La pratique de la fistulation ruminale est répandue dans le monde entier. Le procédé de fistulation reste un acte invasif dans le corps de l'animal, même si les scientifiques le considèrent comme étant indolore. Il peut cependant engendrer pour l'animal un risque d'infection.

La pose d'une canule permet, entre autres :

  • l'étude du transit et des flux digestifs via l'infusion de marqueurs indigestibles ;
  • l'analyse des produits terminaux de la digestion ;
  • l'isolement et la quantification des populations bactériennes du rumen.

Cette technique est notamment utilisée en Allemagne, au Canada, en France, aux Pays-Bas et en Suisse[5].

En France

En 2013, en France, les vaches à hublot sont notamment utilisées par l'INRA. On en trouve notamment à l'Unité de recherche sur les herbivores de Theix, sur la commune de Saint-Genès-Champanelle[6]. On trouve également des vaches fistulées à la ferme de la Bouzule[7], propriété de l'ENSAIA[8] sur la commune de Laneuvelotte près de Nancy.

Dans les années 2000, ces recherches ont permis de mener des expériences visant à diminuer la production de gaz à effet de serre en réduisant la méthanogenèse bovine[9].

Controverses

Des associations se mobilisent pour faire cesser le recours à cette méthode qu’elles considèrent comme de la maltraitance animale. L’association L214 publie en une vidéo illustrant cette pratique dans un centre de recherche de la Sarthe, contre lequel elle annonce porter plainte pour « expérimentations illégales et pour sévices graves sur les animaux », précisant que « d’après la réglementation, les expérimentations sur les animaux ne peuvent être menées que s’il y a « stricte nécessité » »[10].

Analogue humain

Au XIXe siècle, le trappeur canadien Alexis Saint Martin garda une fistule à la suite d'une blessure par balle donnant accès à son estomac, ce qui permit au médecin américain William Beaumont d'expérimenter sur lui in vivo les processus de la digestion.

Notes et références

  1. Flourens 1833.
  2. a et b Stoddard et al. 1951.
  3. G. Colin, Traité de physiologie comparée des animaux, Paris, J. B. Baillière et Fils, 1854
  4. A. F. Schalk et R. S. Amadon, Physiology of the ruminant stomach (bovine) : study of the dynamic factor, 1928
  5. Jacques Deveaux, « Des vaches à hublot pour lutter contre l’effet de serre », sur geopolis.francetvinfo.fr, (consulté le ).
  6. Pierre Vandeginste, « Des "vaches à hublot" pour regarder passer les chercheurs », sur Rue89, (consulté le ).
  7. « Ferme de la Bouzule » (consulté le )
  8. Mention des vaches fistulées du Domaine expérimental de la Bouzule dans un article de 2003 : Priscille Lemasson, Michel Schiavon, Guido Rychen, Corinne Perrin-Ganier et Cyril Feidt, « Étude in vitro de l’extractibilité de deux Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques du sol par le jus de rumen », (consulté le ).
  9. C. Martin, D. P. Morgavi, M. Doreau et J. P. Jouany, « Comment réduire la production de méthane chez les ruminants », Fourrages, no 187 (2006), pp. 283-300 [lire en ligne]
  10. Anne-Sophie Tassart, « Sarthe : L214 filme des vaches à hublot dans un centre expérimental », Sciences et Avenir, .

Bibliographie

  • G. E. Stoddard, N. N. Allen, W. H. Hale, A. L. Pope, D. K. Sorensen et W. R. Winchester, « A Permanent Rumen Fistula Cannula for Cows and Sheep », Journal of Animal Science (en), vol. 10, no 2,‎ , p. 417-423 (PMID 14832146, DOI 10.2527/jas1951.102417x)
  • Pierre Flourens, « Expériences sur le mécanisme de la rumination », Mémoires de l'Académie royale des sciences de l'Institut de France, vol. 12,‎ , p. 483 (lire en ligne)
  • Michel Doreau, « Apports et limites des techniques alternatives à la chirurgie expérimentale du tractus digestif des herbivores », Bulletin de l'Académie vétérinaire de France, vol. 161, no 5,‎ , p. 425-433 (lire en ligne)

Liens externes