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Utilisateur:Thierry LE FUR/Brouillon3D

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STRESS NUMERIQUE

Le stress numérique est la conséquence de l’amplification des mécanismes de stress par un environnement numérique omniprésent. Cette dénomination intègre le nouveau paradigme numérique (1), auquel est associé génère un ‘’caractère addictif’’ (Centre d’Analyse Stratégique – Direction Générale du travail) entre le stress et le numérique.

Cette omniprésence numérique, source de sollicitations ou usages permanents, se caractérise en France par un nombre de cartes mobiles ou cartes SIM actives (80 millions) supérieur au nombre de français (66 millions) et au moins trois réseaux sont simultanément disponibles pour plus de 99% de la population . Un stress initial active la vigilance, le système cardiovasculaire ou la mise en action par exemple. Lorsqu’il devient répété, excessif ou permanent il conduit à la fatigue puis l’épuisement ou à la dépression, au sur-stress voire au burnout (état d’une personne soumise à des facteurs de stress organisationnels permanents et répétitifs qui altèrent son bien-être et épuisent ses ressources) .

Le stress numérique fait l’objet d’observations conséquentes : - au travail, il provient de facteurs-clé telle la permanence des interruptions numériques (ex. réceptions de messages) : il s’agit de la « première préoccupation exprimée par les salariés » devant les « conditions générales de leur situation professionnelle » et sont « mal vécues par 78% des salariés ». Selon la synthèse de l’Observatoire du Stress , « l’accroissement du stress numérique est de 65% en lien avec l’accès à un réseau à distance fourni par l’entreprise, 63% pour l’ordinateur portable ». Une permanence des interruptions peut conduire au multitasking (travail en multitâches), lui-même facteur de fatigue et de stress. - l’Accord National Interprofessionnel du 19 juin 2013 vers une politique d’amélioration de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle, vise en article 17 à « Promouvoir une gestion intelligente des technologies de l’information et de la communication au service de la compétitivité des entreprises, respectueuse de la vie privée des salariés ». Le stress numérique franchit la frontière privée et génère de nouvelles préoccupations tels : . le droit à la déconnexion pour les salariés ‘’connectés’’. Il devient nécessaire de développer la réflexion sur le « droit à la déconnexion » suggéré par Jean-Emmanuel Ray (Ray, 2009 ; Ray et Bouchet, 2010) . . le caractère addictif du numérique pour chaque personne, sources des excès et usages problématiques ou permanents selon les liens biopsychosociaux qui s’établissent entre stress et comportements numériques addictifs. . les rapports aux écrans pour les enfants en fonction de leur âge, impliquent des repères nouveaux tels les 3-6-9-12 proposés par le Dr Serge Tisseron.


Sommaire

1 Numérique : un nouveau paradigme numérique, de nouvelles dimensions 2 Stress et burn-out numérique 2.1 Stress au travail : un risque psychosocial majeur 2.2 Stress numérique 2.3 Stress et numérique : renforcement par une relation à caractère addictif 3 Demain


1 Numérique : un nouveau paradigme numérique, de nouvelles dimensions


« Le numérique fait figure de paradigme technologique majeur pénétrant toutes les activités humaines et incite à repenser aussi bien les systèmes techniques que les systèmes sociaux » indique Jean Frayssinhes Docteur en Sciences de l’Education et chercheur à l’UMR.

« Les réseaux sociaux et plus particulièrement Facebook ont attiré notre attention par l’engouement majeur qu’ils suscitent ainsi que par leur caractère paradigmatique d’une utilisation spécifique de « l’outil » internet » . indique le Dr Etienne Couderc, psychiatre.

Dans notre vie personnelle et professionnelle, nous pouvons être connectés de manière illimitée aux réseaux sociaux (24h/24H, 99% du territoire , forfaits ‘’illimités’’). La porte d’entrée des réseaux sociaux sur notre vie émotionnelle et informationnelle, peut être illustrée par trois acteurs majeurs : - Facebook : un nombre d’amis potentiel d’un 1,23 milliard d’utilisateurs (2014) ; - Twitter : un nombre de messages de 184 milliards (2013)  ; - Google + : un réseau associé au moteur de recherche à 3153 milliards interrogations en 2012 . Chaque nouvel outil génère des comportements nouveaux : Facebook incite aux contacts virtuels, Twitter à l’instantanéité ou Google à l’infobésité par exemple. Se constituer ou activer son « réseau » abolit la frontière entre vie privée et professionnelle : les camarades de promotion ou ex-collègues qui constituent un fondement du carnet d’adresse, peuvent se retrouver sur notre « Copains d’avant » (réseau personnel) et sur notre « Linkedin » (réseau professionnel).

Dans la vie professionnelle, nous recevons via l’ordinateur des messages multiples : courriels, base d’informations interne, messages inter-collaborateurs on-line, réseaux sociaux d’entreprises. Le mobile de fonction et la capacité d’être connecté à son domicile peuvent générer une « astreinte numérique permanente ». L’attractivité du numérique invite à un usage privé au bureau (messagerie personnelle, média, jeux…) d’une heure et demi à trois heures par jour  : il rend confus le rapport avec notre outil de travail, le discernement entre usage professionnel et privé.


Dans la vie personnelle, le temps libre et social en semaine d’une personne active ou étudiante varie de 3 à 5 heures par jour selon l’INSEE. En 2014 nous passons en moyenne 4h 20 par jour devant notre écran (selon une étude de Millward Brown menée dans 30 pays, le temps quotidien et moyen passé devant un smartphone est de 2h 27 par jour contre 1h 53 pour la télévision). Ainsi en le temps libre moyen et social équivaut au temps d’usage numérique privé moyen ; les utilisateurs excessifs de numérique dépassent leur temps libre et social possible, au détriment de leur santé (sommeil, activité), obligations professionnelles ou personnelles.

  2 Stress numérique

2.1 Stress au travail : un risque psychosocial majeur

. Stress chronique et burnout

« Il est d’usage de dire, dans la communauté scientifique, que le burnout ne compte pas moins de cinquante définitions » indiquent Franck Guaranieri et Philippe Zawejia Directeur de recherche et chercheur associé au Centre de recherches sur les risques et les crises de Mines ParisTech.

Face à cette multiplicité des définitions, une compréhension des phénomènes de stress et épuisements (surstress, stress chronique, burn-out) peut s’effectuer par des modèles et symptomatologies, ici suggérés par leur pertinence avec l’omniprésence numérique, par exemple :

- Modèle de Maslach et Leiter : « le burnout est un syndrome tridimensionnel, et résulte d’un stress cumulatif et associant constamment (Maslach et Leiter, 1997 ; Maslach et Leiter, 2008) : l’épuisement émotionnel, la déshumanisation de la relation, la perte du sentiment d’accomplissement personnel  ». Ce modèle offre également un outil de mesure le Maslach Burnout Inventory (MBI). - Modèle de Shirom-Melamed Burnout Measure (SMBM) : il intègre une dimension de lassitude cognitive (ex. difficulté de concentration). - Modèle de Freudenberger : il fait d’un engagement excessif, répondant à une demande trop intense, la cause du burnout, désigné comme la « maladie du battant ».

La symptomatologie du burnout (Burisch – Dr en Psychologie) propose une grille de lecture et compréhension de la progression d’une phase d’alerte initiatrice de stress au burnout : 1. Symptômes d’alerte de la phase initiale 2. Réduction de l’engagement 3. Réactions émotionnelles – Rejet de la faute 4. Démobilisation 5. Superficialité 6. Réactions psychosomatiques 7. Désespoir

Les intrications entre stress et numérique selon l’exemple - 1. Symptômes d’alerte de la phase initiale – a) consommation énergétique excessive - permettent l’illustration de liens avec le numérique : - hyperactivité : interactions multiples et non-limitées possibles par le numérique - heures supplémentaires volontaires et non payées : mobile de ‘’fonction’’ ouvert 24/24H - sentiment d’être indispensable : je suis ‘’toujours joignable’’, réellement grâce au smartphone - sentiment de ne pas avoir le temps : surcharge de travail ou informationnelle - déni des échecs et des déceptions : distanciation par la ‘’virtualisation’’ des réalités - limitation des relations sociales aux seuls clients ou usagers : isolement numérique (Digirefuge )

. Enjeux

La prise de conscience sociétale du stress chronique ou burnout progresse. La question du burnout à reconnaitre comme maladie professionnelle, est formalisée par la question écrite au gouvernement du 16 décembre 2014 (de M. Jacques Cresta au Ministère du Travail - Question N° 71477). Il est indiqué « que plus de trois millions d'actifs ont un risque élevé d'épuisement professionnel, le « burnout » » (France). Le stress professionnel (qui ne recouvre pas exactement le même concept que le burnout mais lui est apparenté) coûterait environ 200 milliards de dollars par an aux seuls Etats-Unis, selon une estimation déjà ancienne (Schaufeli et Enzmann, 1998, p. 11).

  2.2 Stress numérique

Le stress numérique est lié aux usages excessifs des outils numériques (smartphones, tablettes et micro-ordinateurs mobiles ou non), professionnels (messagerie, bureautique, réseaux sociaux d’entreprises…) et personnels (messagerie, réseaux sociaux, moteurs de recherches, sites, jeux…) dont l’accessibilité est permanente, voire incontournable (depuis 2011 le réseau de télévision est 100% numérique). Il diffère de dénominations connexes (stress des NTIC ou stress technologique ou technostress (ou Ergostressie)) par la dimension addictive qu’il

Le numérique génère de nouvelles formes et dénominations de stress qui induisent une notion de dépendance numérique modérée, problématique ou préoccupante : . Nomophobie : angoisses, anxiétés, peurs voire paniques des utilisateurs de téléphones mobiles lors de son indisponibilité (manque de réseaux, batterie déchargée) ou pertes réelle ou non (portables égarés, abîmé, volé). . Ringxiety (ou Hypovibrochondria) - vibrations fantômes : sensation erronée de sentir son mobile vibrer dans un sac ou une poche alors qu’il n’en est rien. 89 % des participants de l’étude du Phd Michelle Drouin de l’IUPU de Fort Wayne aux Etats-Unis, constatent avoir vécu ce phénomène de vibrations fantômes, et certains même au quotidien. . Stress de l’E-mail : besoin compulsif de consulter sa messagerie professionnelle. 34% des salariés connecté sont concernés, certains consultant jusqu’à 40 fois par heures selon l’Etude Universités Glasgow et de Paisley – Dr Karen Renaud ; Phd Judith Ramsay ; Statisticien : Mario Hair (2007). « Un cadre reçoit en moyenne 150 messages par jour. Il est donc interrompu toutes les quatre minutes » note Yves Lasfargue, sociologue. Si certains ont compris que 60 % des e-mails relevaient du spam, d'autres vivent dans la crainte de rater une information importante et consultent frénétiquement leur boite de réception durant toute la journée » . . Stress du Smartphone (professionnel) : stress lié aux sollicitations permanentes ou inappropriées du Smartphone. 33% des collaborateurs perçoivent un risque de stress selon une étude dans une entreprise de plus de mille salariés (Thierry Le Fur, expert en comportements numériques (2012) ). . Fear of missing out (FOMO, acronyme de l'anglais) - peur de manquer quelque chose est une sorte d'anxiété sociale caractérisée par la peur constante de manquer une nouvelle importante ou un autre événement quelconque donnant une occasion d'interagir socialement. . ‘’Google Glass addiction : « Un Américain de 31 ans a été décrit comme le premier cas d’addiction aux Google Glass dans la revue américaine Addictive Behaviors. L’homme en question avait l’autorisation de porter ses Google Glass dans le cadre de son emploi pour la Marine américaine. Elles lui permettaient de travailler plus vite lorsqu’il listait les véhicules des convois. » . Dépendance à Internet (également nommée cyberdépendance, cyberaddiction, usage problématique d'Internet (UPI) ou trouble de dépendance à Internet (TDI)) génère le stress du « silence numérique », plus insupportable que la privation d’activités humaines essentielles : « Une étude menée par TeleNav en 2011 auprès de 600 utilisateurs américains de smartphones montre que 33 % d’entre eux sont prêts à abandonner les relations sexuelles plutôt que leur smartphone pendant une semaine . »


2.3 Stress et numérique : renforcement par une relation à caractère addictif

En 2012 le rapport du CAS (Centre d’Analyse Stratégique) de l’impact des TIC sur les conditions de travail, indique pour le multitâche engendré par le numérique, que « ce phénomène de temps haché du travail du cadre mérite d’être considéré comme un puissant facteur de stress au travail et peut même présenter un caractère addictif dans certains cas ». (p. 228).

Les relations entre stress et comportements addictifs potentialisent leurs effets et risques respectifs selon des mécanismes biopsychosociaux (neurobiologiques, psychologiques et sociaux) : cette approche biopsychosociale permet de comprendre tant la dépendance à une substance que réciproquement les mécanismes du stress . Citons trois exemples : . Lien bio-neurologique stress et comportements addictifs : le lien cortisol-noradrénaline appartenant au mécanisme du stress et le couplage noradrénaline-sérotonine appartenant au mécanisme addictif. Le même neuromédiateur (la noradrénaline) est impliqué. Cette intrication s’exprime à travers la question du Dr Légeron « Drogué à l’adrénaline ? » : « certains ne travaillent qu’avec un niveau de stress élevé. […] En psychiatrie, on a aujourd’hui tendance à considérer que ces individus deviennent progressivement des ‘’dépendants à l’adrénaline’’  ». . Lien psychologie stress et comportements addictifs : le stress induit une recherche de plaisir (pour compenser des tensions) ou de soulagement. Si le stress devient répétitif voire permanent, il encourage un « […] comportement de recherche de plaisir ou de soulagement […] » propre à l’initialisation d’une addiction, selon la définition de l’addiction du Dr Goodman. Réciproquement un comportement addictif génère de multiples situations de stress : excès conduisant à des situations inhabituelles, déstabilisantes ou à risques, changements ou situations précaires, chute de l’effet apaisant d’un produit, peur du manque… . Lien sociologique ou dimension environnement lié au stress et comportements addictifs : le stress est une « transaction entre la personne et l’environnement » selon Lazarus et Folkman (1984) l’addiction « la rencontre d’une personne avec un produit dans un environnement (contexte socioculturel). » selon le Dr Olievenstein. Le stress est une « mobilisation de l’organisme tout entier pour apporter une réponse à des agressions environnementales » selon Crespy (1984) qui qualifie le stress de « générateur de pathologies » physiologiques - telles les maladies cardiovasculaires - et psychologiques - tels les comportements addictifs-. « La société devient addictogène parce qu'elle met en avant plutôt la notion d'individu que la notion de groupe » indique Jean-Pierre Couteron Président de la Fédération Addiction qui précise que « C'est aussi une société qui valorise très fort l'intensité et la rapidité ». Le développement de la société numérique a répondu à ces dessins (individualisme, besoins d’instantanéité) en l’espace d’un septennat : le premier IPhone est apparu en 2007, en octobre 2014 « le marché mondial des smartphones "se rapproche de son point de saturation"».

N.B. L’utilisation dans le rapport du Centre d’Analyse Stratégique de l’adjectif ‘’addictif’’ et non du mot ‘’addiction’’ pour qualifier le lien entre stress et numérique, correspond à la nécessité d’une approche non-clivante. Si utiliser une dénomination de caractère addictif (ou facteur, terrain…) fait sens, car un usage addictif correspond à un ou plusieurs critères des critères de Goodman inscrit dans le DSM IV et 5 (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux), l’acceptation de la terminologie d’ « addiction numérique » reste controversée. A la conclusion de la thèse doctorale sur les réseaux sociaux du Dr Couderc précise qu’« il n’y a pas UNE addiction à internet mais DES addictions à internet, chaque application spécifique pouvant éventuellement faire l’objet d’un usage addictif.  ».

4 Demain

La notion de stress numérique est récente : elle est fondée sur un environnement numérique omniprésent, devenu seulement possible à partir de 2012 (France), si l’on se réfère au ratio nombre de mobiles actifs/nombre de français devenu supérieur à 100% par exemple . Faute de prévention, le risque « stress numérique » accélère sa croissance tant par le développement de l’instantanéité numérique que la multiplicité des offres et outils. A usage personnel, la marge de progression de l’instantanéité est conséquente (45 % des ménages seulement peuvent accéder au très haut débit fixe et 80% à la 4G). A usage professionnel pour les salariés ‘’connectés’’, l’usage des outils numériques telle la messagerie est devenu illimité (horaires et lieux de consultation ; nombre, formats et tailles des documents joints). L’accélération de l’instantanéité des messages se conjugue trop souvent avec la multiplicité des outils (messagerie, messagerie instantanée, messagerie interne, microblogages, réseaux sociaux d’entreprise), générant des risques psychosociaux liés au numérique, qu’une éducation préventive saurait pour sa part réduire.