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Jan Pincemaille, Forêt, 2018: métal rouillé - peinture - traitement numérique

Le Rust Art, ou art de la rouille, est un est un mouvement d'art contemporain, prenant pour médium les ressources plastiques offertes par la rouille, utilisée comme matériau principal ou sujet central de la création.[1]


Issus de l'art conceptuel[2], les artistes du Rust Art ont inversé la perception négative associée au métal en dégradation, en valorisant la rouille comme une texture vivante et dynamique de leurs oeuvres. Ils exploitent les nuances de rouge, d'orange et de brun que la rouille apporte, créant des œuvres qui capturent le passage du temps et la transformation naturelle des matériaux [3][4].

L'acier, principal matériau sujet à la rouille, a longtemps été utilisé dans l'industrie et l'architecture pour sa robustesse et sa durabilité. Cependant, lorsqu'il est exposé aux éléments, il développe une patine de rouille qui, traditionnellement, était associée à la négligence et à l'abandon. Certains artistes vont à partir de la seconde moitié du XXième siècle jouer sur l'inversion de cette perception, en recherchant l'esthétique associée à l'oxydation.

Les origines du Rust Art commencent avec l'usage de plus en plus répandu de l'acier sans protection contre la corrosion pour la sculpture contemporaine. A partir des années 60 dans de nombreux mouvements d'art contemporain issus de l'art conceptuel, en particulier dans le minimalisme et l'arte povera, l'usage de l'acier brut qui évolue au cours du temps comme matèriau, inspire les artistes qui incorporent cette évolution dans l'oeuvre[1]. Plusieurs artistes de l'arte povera, comme Giovanni Anselmo ou Gilberto Zorio, utilisent alors des matériaux soumis à l'oxydation comme éléments centraux de leurs œuvres. Le critique d'art Robert Pincus-Witten est un des premiers à regrouper les artistes qui ont inclus des matériaux soumis à des processus d'oxydation sous le nom de Rust Art. Il présente l'évolution du minimalisme vers des formes d'art où les matériaux et les processus naturels jouent un rôle clé sous le nom de postminimalisme.[5]

L'introduction de l'acier Corten dans les années 1960 a démultiplié cet usage de surfaces rouillées en sculpture, en architecture et dans le mobilier urbain.

En sculpture, ce mouvement a évolué à la fin du XXième siècle vers la monumentalité grace à plusieurs artistes et architectes, notamment Richard Serra[6], célèbre pour ses sculptures monumentales en acier oxydé dont la masse et la corrosion permettent la perception du passage du temps[3].

L'analyste du marché de l'art contemporain Nicholas Forrest considère qu'un véritable mouvement vers l'usage de la rouille dans le design se développe au tournant des années 2000.[2]

En architecture l'usage d'aciers auto-patinable, dont la couche d'oxydation est stabilisée, a permis d'utiliser des matèriaux d'aspect rouillé dans les surfaces architecturales visibles, dés la conception des batiments[7]. Le duo d'architectes Jacques Herzog et Pierre de Meuron[8] ont par exemple intégré la rouille dans certains de leurs projets architecturaux pour ajouter une dimension historique et contextuelle à leurs constructions.

De plus, les photographes et plasticiens ont complété ce mouvement en s'inspirant de l'esthétique et des textures des matériaux rouillés pour produire des oeuvres originales[4]. Les précurseurs Bernd et Hilla Becher[9] ont documenté l'esthétique des structures industrielles en proie à la rouille, dévoilant la beauté inhérente de ces matériaux en décomposition. Leur travail a mis en lumière l'esthétique de l'usure et a influencé de nombreux artistes et architectes à repenser leur approche de la matérialité et du vieillissement des structures.

L'utilisation de la rouille dans l'art et l'architecture ne se limite pas à un simple choix esthétique; elle porte également une signification poétique[10], symbolique et philosophique[11]. La rouille est souvent interprétée comme une métaphore de la temporalité, de la fragilité de l'existence humaine et du cycle naturel de la vie et de la mort. Elle rappelle la capacité des matériaux à évoluer et à se transformer au fil du temps, tout en évoquant la relation entre nature et industrie[12]. En ce sens, le Rust Art invite à une réflexion profonde sur la manière dont les œuvres d'art et les bâtiments interagissent avec leur environnement au fil des années.

Aujourd'hui, le Rust Art continue d'influencer de nombreux créateurs à travers le monde[11]. Des installations artistiques (sculpture : Serra[6], Drew[13], El Anatsui[14], photographie : Bernt et Hilla Becher[9]) aux projets architecturaux (Herzog[8], Theaster Gates[15], Reiulf Ramstad ) , la rouille est désormais utilisée comme un outil pour évoquer des sentiments de nostalgie, de passage du temps, et d'authenticité.

Des sculpteurs connus du mouvement rust art sont les Américains Richard Serra et Léonardo Drew, l' Anglais Ian Turnock. le Chinois Lei Hong, les Français Bernar Venet, Philippe Desloubières et Étienne Viard, l'Espagnol Eduardo Chillida, les Italiens Mauro Staccioli et Michele Rizzi et le Franco-Mexicain Jorge Dubon.

Friedhelm Mennekes, théologien et critique d'art allemand, a exploré l'œuvre de différents artistes dont Eduardo Chillida pour leur utilisation du fer et de l'acier dans ses sculptures monumentales. Mennekes est connu pour avoir étudié comment les sculpteurs contemporains utilise ces matériaux pour établir un dialogue entre l'art, la nature, et les forces du temps.[16]

Dans ses écrits, Mennekes souligne que dans le Rust Art la rouille n'est pas simplement un effet de surface, mais un élément essentiel qui symbolise la transformation, la résistance et l'interaction avec les éléments naturels. Le processus de rouille, qui se produit naturellement lorsque le fer ou l'acier est exposé à l'air et à l'humidité, est vu par Chillida comme une métaphore du passage du temps et de la relation entre l'œuvre d'art et son environnement.

Dans ses articles, Mennekes a également souvent discuté du concept d'« entropie » en relation avec l'art de Chillida, c'est-à-dire la manière dont la rouille et la dégradation contrôlée des matériaux illustrent la lutte entre les forces naturelles et les créations humaines.

  • Richard Serra: Cet artiste américain est connu pour ses sculptures monumentales en acier corten, qui rouillent naturellement avec le temps, créant une patine riche qui change au fil des années. La rouille fait partie intégrante de l’esthétique et de la signification de ses œuvres.
  • Leonardo Drew: Cet artiste américain utilise souvent des matériaux naturels et recyclés, y compris des métaux rouillés, pour créer des sculptures et des installations qui explorent les thèmes de la dégradation, de la mémoire et du temps.
  • Ian Turnock: Cet artiste britannique travaille avec des matériaux industriels comme le métal, souvent en les laissant rouiller pour créer des effets visuels qui évoquent la nature et les cycles de croissance et de décomposition.
  • Lei Hong: Cet artiste chinois intègre la rouille dans ses œuvres pour explorer le passage du temps, la matérialité, et la relation entre l’homme et la nature.
  • Bernar Venet: Ce sculpteur français est célèbre pour ses œuvres en acier corten. La rouille joue un rôle crucial dans l’esthétique de ses sculptures, apportant une couleur et une texture qui soulignent la relation entre l’œuvre d’art et l’environnement dans lequel elle se trouve.
  • Philippe Desloubières: Artiste français, Desloubières utilise le métal rouillé dans ses sculptures pour créer des œuvres qui jouent avec la lumière et l’espace, mettant en valeur les contrastes entre le poids des matériaux et la légèreté des formes.
  • Étienne Viard: Artiste français qui utilise l'acier corten dans ses sculptures, Viard explore les interactions entre la matière, le temps et l’espace, où la rouille devient une partie essentielle de l’œuvre.
  • Eduardo Chillida: Sculpteur espagnol, Chillida a souvent travaillé avec des matériaux comme le fer et l’acier, qui, lorsqu’ils sont exposés aux éléments, développent une patine de rouille, contribuant à la profondeur et au caractère de ses œuvres. Pour Chillida, la rouille n'est pas simplement un effet de surface, mais un élément essentiel qui symbolise la transformation, la résistance et l'interaction avec les éléments naturels[17]. Le processus de rouille est vu par Chillida comme une métaphore du passage du temps et de la relation entre l'œuvre d'art et son environnement[16]
  • Mauro Staccioli: Ce sculpteur italien a utilisé la rouille dans ses sculptures monumentales pour intégrer ses œuvres dans le paysage et exprimer des concepts de transformation et de temporalité.
  • Michele Rizzi: Artiste italien qui intègre la rouille dans ses œuvres pour accentuer le passage du temps et la relation entre l’art, l’homme et la nature.
  • Jorge Dubon: Ce sculpteur franco-mexicain est connu pour ses œuvres en acier qui rouillent naturellement, explorant ainsi la patine du temps
  • Mark Dion: Cet artiste instalationniste utilise souvent des objets trouvés, y compris des éléments rouillés, pour explorer les thèmes de l'archéologie, de la nature, et de la culture. Son travail invite à réfléchir sur le passage du temps et la dégradation des matériaux.
  • Robert Smithson: Cet artiste américain, célèbre pour ses œuvres de land art, comme le "Spiral Jetty", a souvent réfléchi sur les processus naturels de décomposition et de rouille dans le cadre de son exploration de l'entropie.

Architecture

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le Rust Art invite à une réflexion profonde sur la manière dont les œuvres d'art et les bâtiments interagissent avec leur environnement au fil des années. Dans certains projets projets architecturaux (Herzog[8], Theaster Gates[15]) , la rouille est désormais utilisée comme un outil pour évoquer des sentiments de nostalgie, de passage du temps, et d'authenticité.

L'école de design scandinave a également utilisé la texture rouillée de l'acier corten pour une integration entre sculpture monumentale et mobilier urbain du quotidien. Les œuvres Rust Art spectaculaires imaginées par l’architecte norvégien Reiulf Ramstad pour différents aménagements en exterieur en sont un exemple[18] [19].

Photographie

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À partir de 1959, la démarche de Bernd et Hilla Becher[9] qui explorent de manière sérielle le patrimoine industriel rouillées a mis en lumière l'esthétique de l'usure et a influencé dans les années 1970 de nombreux artistes et architectes à repenser leur approche de la matérialité et du vieillissement des structures.

Plus récemment les photographes du Rust Art ont évolué vers un usage plus approfondi des micro-textures de la rouille pour leurs créations en utilisant les ressources de la peinture numérique[4] [20].

Expositions notables

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"Monumenta 2008", Grand Palais, Paris, du 7 mai au 15 juin 2008 : œuvres monumentales de Richard Serra en acier corten. L'exposition mettait en valeur l'interaction entre l'œuvre, l'espace, et les spectateurs, invitant ces derniers à se déplacer autour et à travers les structures massives, tout en appréciant la matérialité brute du métal oxydé.[21]

"The Matter of Time" Musée Guggenheim, Bilbao, Exposition permanente depuis 2005 : Cette installation permanente présente une série de sculptures en acier rouillé qui jouent avec les perceptions spatiales et temporelles. Les œuvres sont emblématiques de l'exploration par Serra de la matérialité et de la transformation des matériaux au fil du temps[3]

"Rust and Dust" Godinymayin Yijard Rivers Arts and Culture Centre, Katherine, Australie : jusqu'au 2 Novembre 2019 : une exposition de Anna Spencer ou certaines peintures sur métal rouillé sont typique du Rust Art des années 2010[22].

Des œuvres de Bernar Venet et d'Eduardo Chillida sont exposées dans le jardin de sculpture du musée de Grenoble,

Des œuvres de Philippe Desloubières sont entre autres installées dans les villes d'Issy-les-Moulineaux, Saint-Ouen-sur-Seine et Séoul.

«J'utilise l'acier. Bien que de fabrication industrielle, aucun autre matériau n'a pour moi ce caractère vivant, cette sensuelle densité. J'aime ce paradoxe." [23]

Héritage et évolution

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Ce mouvement a redéfini la perception de l'usure, la transformant d'un signe de dégradation en une expression artistique à part entière.

À travers cette esthétique unique, le Rust Art a su trouver sa place dans l'art contemporain en célébrant la beauté des matériaux vieillissants et en proposant une nouvelle lecture de l'interaction entre l'homme, la nature et le temps.

  1. a et b Collectif, Histoire de l'art, du Moyen Âge à nos jours, Baume-les-Dames 2006, Larousse, (ISBN 2035833205), p. 872
  2. a et b (en) Nicholas Forrest, « The Aesthetics of Urban Decay - A Reaction to Rust », sur Artsy, (consulté le )
  3. a b et c Carmen Giménez, Richard Serra: The Matter of Time. Catalogue d'exposition, Bilbao, Guggenheim Museum.,
  4. a b et c Ayrault Brigitte, Rust-Art ou l'art de la rouille, Nantes (ISBN 9781320413671)
  5. (en) Robert Picus-Witten, Postminimalism, Londres, London Press,
  6. a et b Richard Serra, Sculpture: Processes and Principles, New York: Penguin Books.,
  7. Alliance des Minerais, Minéraux et Métaux, « Les Aciers Autopatinables », sur A3M, (consulté le )
  8. a b et c Herzog, J., & de Meuron, P., Herzog & de Meuron 1997-2001, Basel, Birkhäuser.,
  9. a b et c Becher, B., & Becher, H., Anonyme Skulpturen: Eine Typologie technischer Bauten, Munich, Schirmer/Mosel,
  10. Hari Alluri, The Promise of Rust, Mouthfeel Press, (ISBN 978-0-9967247-3-9)
  11. a et b (en) Joe Fusaro, « Rust, Decay and Decomposition: Four Artists to Teach With : Art21 review », sur Art 21, (consulté le )
  12. (en) Guitart, M., « Preserving identities in post-industrial Rust Belt cities », City Territ Archit, vol. 9, no 12,‎
  13. Cameron, D., & Fahl, L., Leonardo Drew., New York, Anthony Meier Fine Arts,
  14. Kasfir, S. L., & Anatsui, E., El Anatsui: Art and Life., Munich, Prestel,
  15. a et b Bock, K. J.,, Theaster Gates: Black Archive., Berlin, Kunsthaus Bregenz,
  16. a et b (de) Friedhelm Mennekes, Chillida: Kreuz und Raum, Koln, Ed. Kunst-Station Sankt Peter, , 88 p.
  17. Pierre Volboudt, « Chillida, autour du vide », PANORAMA. XXeSIECLE., vol. 32,‎ , p. 57
  18. (en) Boris Brorman Jensen, Reiulf Ramstad Architects: Contours & Horizons, Oslo, Hatje Cantz, , 400 p. (ISBN 978-3775744041)
  19. « l'art contemporain sur la voie verte des portes bohneur de la com com des portes de Rosheim » (consulté le )
  20. Jean-Pierre Tremblay, L'art de la Rouille, Chicoutimi,
  21. Ann Hindry, Richard Serra: Monumenta 2008 / Grand Palais, Paris, Beaux arts édition, , 42 p.
  22. (en) Wolifson, Chloé, « Subtle beauty », Art Monthly Australasia,, vol. 319,‎ , p 18
  23. Philippe Desloubières, Sculpteur, atelier 23, Issy-les-Moulineaux, Les Arches,