Aller au contenu

Utilisateur:Sianap/Brouillon

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Dante, conduit par Virgile, offre des consolations aux âmes des envieux[modifier | modifier le code]

Le Dante conduit par Virgile offre des consolations aux âmes des envieux est un tableau néo-classique d'Hippolyte Flandrin, signé de 1835 et exposé au Musée des Beaux-Arts de Lyon.


Historique[modifier | modifier le code]

La toile, peinte en pleine période du néo-classicisme dans les années 1835, représente une scène du Purgatoire, qui se situe dans la deuxième partie de la Divine Comédie de Dante Alighieri. Dans cette scène issue du Chant XIIV et du Chant XIV, le peintre personnifie les traits des Envieux présents dans le deuxième Cercle du Purgatoire.

Hippolyte Flandrin est un élève du célèbre peintre néo-classique Jean-Auguste Dominique Ingres avec qui il entretenu des relations paternelles. Le jeune peintre bénéficie de privilèges affectifs qui le pousse à ressentir une sincère admiration et un profond respect envers son maître[1].

En 1832, il obtient le premier grand Prix de Rome en peinture d'Histoire, après deux échecs. La même année, il part pour la villa Médicis. Inspiré par les œuvres de Raphaël et de grands maîtres italiens, il s'initie à la peinture religieuse dont il est l'un des rénovateurs au XIXème siècle en France[2].


Les mythes[modifier | modifier le code]

Dante a créé un mythe. Sa Divine Comédie est une poésie qui transmet sa volonté de rendre compte aux hommes que n'importe lequel peut parvenir à la félicité céleste, c'est-à-dire à la vérité, à ce Dieu qu'il décrit comme une lumière aveuglante dans le Paradis. La Divine comédie est l'ascension d'un poète qui poursuit un cheminement moral. Le « je » usé par Dante donne à la poésie le sens d'une expérience directe. Il en résulte que l'homme a été mis sur terre pour mériter la félicité suprême qui consiste dans la vison béate, qu'il ne peut atteindre qu'avec la théologie. Ainsi que l'homme peut atteindre le Paradis sans être un prophète ou un saint. C'est la raison pour laquelle, selon Dante, la philosophie ne suffit pas pour atteindre le vrai, et que Socrate a été placé dans les Limbes. Il ne subit pas de souffrance, il continue de se questionner avec d'autres philosophes en ayant ce pressentiment que quelque chose manque. L'ambition de Dante, de pouvoir transmettre ce voyage pour accéder à une vie morale, est fondée sur l'interprétation qu'en tant que poète il a un don prophétique et un génie poétique en mesure de transmettre à ses lecteurs un message fondamental. Il dit ceci à Cangrande della Scala pour expliquer le Paradis : « La fin du tout et de la partie est de tirer les vivants de l'état de misère dans cette vie et de les conduire à l'état de félicité. » [3] C'est ce qui l'autorise à parler au nom de l'humanité et aussi au nom du Ciel. Il se définit comme auteur d'un poème sacré, en plaçant le poète comme un moyen de transition, d'interprétation, du divin aux hommes, et en transmettant par son poème son interprétation sous la forme d'un voyage.

Le voyage de l'Enfer au Paradis est une métaphore du cheminement morale de Dante. Celui-ci est nécessaire pour comprendre ce qu'est la justice divine, mais aussi l'application de l'homme à la loi naturelle, c'est-à-dire à la justice naturelle. Le Purgatoire est le passage qui ouvre l'espace humain à la liberté et à la responsabilité individuelle. Pour y parvenir, les âmes, sur la plage de l'Antipurgatoire, attendent de commencer l'ascension salvatrice, la consécration du libre-arbitre humain. Alors qu'en Enfer et au Paradis les âmes ne dépendent que du Ciel, de la loi divine, le Purgatoire est une conquête humaine. La montée est dure pour commencer, elle devient de plus en plus légère à mesure que les âmes s'améliorent par leur effort individuel. Le Purgatoire est aussi le lieu de l'intermédiaire, et les poètes sont les intermédiaires entre l'humain et le divin. C'est symbolisé par le retour de l'alternance du jour et de la nuit. Lors de l'ascension pour le Paradis, Apollon est évoqué, or c'est le Dieu des rêves, de la forme, et si le Purgatoire précède le Paradis c'est parce que le Purgatoire est le « laboratoire des rêves ». C'est l'étape décisive du pèlerin qui interprète ses rêves, car ils sont révélateurs du sens ultime de l'expérience qu'il poursuit.

Dans le Chant XIII et le Chant XIV, différentes références peuvent être relevées. Celle du poète Virgile, Dante le considérant comme son maître et celui-ci le guidant durant son voyage jusqu'au Purgatoire, ainsi que des références religieuses et des références de la mythologie grecque. Tout d'abord, on remarque une référence biblique, puisque les trois voix que Dante entend avant de parvenir aux âmes des Envieux c'est d'abord celle qui prononce : « vinum non habent », qui sont les mots de Marie aux noces de Cana, celles qui poussèrent Jésus à accomplir son premier miracle, et à changer l'eau en vin. Et la troisième voix qui dit : « Aimer qui vous a fait du mal » est semblable à la parole de Jésus Christ : « Eh bien ! Moi je vous dis : Aimez vos ennemis, et priez pour vos persécuteurs » (Matthieu, 5, 44)[4]. Les notions de charité, de compassion, de bien et de mal évoqués dans ces Chants ont une connotation biblique. Les âmes des Envieux ont la vue transpercée par une barre en fer, c'est une expiation pour leur péché d'Envie. Le fait d'être aveugle est considéré comme le fait d'être démoniaque, le miracle de Jésus consiste à avoir permis à un muet et aveugle de recouvré la vue et la parole. Les larmes, les supplications sont les signes d'une volonté de rédemption. Les âmes suppliantes prononcent ces paroles : « Marie, prie pour nous ! Michel, Pierre et Tous les saints »[5], Marie symbolise pour les pécheurs un réconfort, Michel est l'un des grands maîtres des Cieux après Dieu, et Pierre est un martyr. Cette invocation est une prière adressée à ces êtres qui peuvent les sauver et leur permettre de quitter le Purgatoire pour parvenir au Paradis.

L'autre référence religieuse est liée à l'Islam[6], aux légendes musulmanes. Dans la Revue des Deux Mondes, André Bellesort remarque que l’Islam enseignait dans son Credo le dogme du Purgatoire et celui-ci abondait en légendes. « Il y a deux géhennes, dit une tradition musulmane, l’une qu’on appelle intérieure, l’autre extérieure. De la première nul ne sort. La seconde est un lieu où Dieu châtie les pécheurs le temps qu’il lui plaît. Puis il permet aux anges, aux prophètes et aux saints d’intercéder en leur faveur. Alors ils sont conduits sur la rive d’un fleuve du Paradis qui est appelé le fleuve de la vie. Arrosés de ses eaux, ils renaissent comme de la graine dans le fumier… Au ciel on les désigne encore du stigmate d’Infernaux, jusqu’à ce qu’ils prient Dieu de le leur enlever ; et Dieu ordonne qu’on le leur efface. En échange, on écrit sur leur front ces mots : « Libérés par Dieu. » »[7] Rappelons-nous maintenant les stigmates des péchés effacés sur le front de Dante et ses ablutions dans les deux fleuves du Paradis. Dans cet article, une autre comparaison est soulignée : dans la légende musulmane, l'ascension de Mahomet est en compagnie de l'ange Gabriel et celle de Dante dans la Comédie est accompagné de Virgile. L'ascension du Purgatoire au Paradis est similaire à l'Islam plutôt qu'à la religion chrétienne. Dans la religion chrétienne, la notion de Purgatoire est reconnu en 1274, mais au XVème siècle, le Purgatoire est un dogme considéré comme dangereux car il pourrait éloigner les fidèles. «  Le même escalier monte, chez Mahomet, de Jérusalem, au sommet des cieux et, chez Dante, du ciel de Saturne à la dernière sphère. Dante le gravit en moins de temps qu’on ne retire son doigt de la flamme, et Mahomet dans le temps qu’il faut pour ouvrir et fermer les yeux. Comme le voyageur musulman, Dante rencontre Adam et lui demande quelle langue il parlait au Paradis terrestre. Sur le seuil de la huitième sphère, saint Pierre, ou plutôt la lueur qui est saint Pierre, dit à Dante : « Explique-toi, bon chrétien : quelle est ta foi ? » De même, dans les adaptations allégoriques de la légende musulmane, l’âme bienheureuse est interrogée sur sa foi à l’entrée du Paradis. » » [8]

Enfin, il y a une référence à la mythologie grecque. La deuxième voix qu'entend Dante dit : « Je suis Oreste ». Cela rappelle quand Oreste arrivé à Argos avec son ami Pylade pour venger la mort de son père, il fut découvert et arrêté. Pylade tenta de se faire passer pour Oreste, afin de subir le châtiment à sa place.[9] Cela évoque une notion importante dans la Grèce antique, c'est-à-dire la courage. De même, l'invocation du Soleil par Virgile et le contraste des âmes dans l'ombre, incapable d'être vu ou de voir les rayons du Soleil, symbolise le Soleil comme étant un guide, le bien. Dans la mythologie grecque, le Soleil est lié à Apollon par son caractère lumineux. Lors de l'ascension pour le Paradis, Apollon est évoqué.


L’œuvre[modifier | modifier le code]

Description[modifier | modifier le code]

Dante accompagné de son guide, Virgile, écoute les Envieux lui raconter leurs péchés, aveugles de la vue, mais ils ne le sont plus d’esprits. Les Envieux sont peints de tons gris et se confondent presque avec la paroi rocheuse. Ils font partie physiquement au monde du Purgatoire. Dante, par les couleurs de sa robe incarnat et de sa chair se place du côté des vivants, en opposition à eux. Le peintre favorise une vision plus indulgente et consolatrice du Purgatoire en opposition avec le pathétique de ce thème peint jusque là, il est caractéristique de la Renaissance italienne à Lyon. Mais aussi en opposition avec la description faite par Dante dans le Chant XIII, vers 16 au vers 21, les âmes ont les paupières closent parce qu'une barre en fer les transpercent[10] :

«  Alors, j'ouvris plus grands les yeux, regardai devant moi, et vis des ombres avec des manteaux couleur de la pierre (…) Je ne crois pas que vive aujourd'hui sur terre un homme assez dur pour n'être pas touché de compassion par ce que je vis là ; car dès que je fus assez près d'eux pour que leur vue me devînt claire, la douleur me tira des larmes des yeux. Ils me semblaient couverts d'un grossier cilice ; l'un soutenait l'autre de l'épaule, et tous étaient soutenus par le rocher. Ainsi les aveugles qui manquent de tout se tiennent pour mendier dans les pardons, penchant la tête les uns sur les autres, afin d'exciter la pitié d'autrui non seulement par le son des paroles, mais par la vue, qui ne supplie pas moins. Et comme le soleil n'atteint pas les aveugles, de même ici la lumière du ciel ne veut pas se donner aux ombres dont je parle. Un fil de fer leur perce les paupières et les coud, comme on fait à l'épervier sauvage, qui ne veut pas demeurer en repos. »

Le tableau représente aussi la consolation qu'exprime Dante aux Envieux dans le Chant XIII[11] : « Je me tournai vers elles et : « Âmes certaines », commençai-je, « de voir la haute lumière qui est l'unique objet de vos désirs, si bientôt la grâce vient dissoudre l'écume de votre conscience, en sorte que par elle descende clair le fleuve de mémoire, dites-moi, ce me sera gracieux et doux, s'il est parmi vous une âme latine ; peut-être il sera bon pour elle que je l'apprenne. »


Lien avec la justice naturelle[modifier | modifier le code]

Dans la première partie de La Divine Comédie, l'Enfer, c'est le lieu où se situe les âmes qui ne se sont pas repenties de leurs péchés et qui doivent subir une pénitence. Dans le deuxième niveau, le Purgatoire, les âmes se sont repentis avant leur mort, ils ont conscience de leur péché mais ils doivent expier leurs péchés pour avoir la possibilité de parvenir au Paradis. Le Purgatoire a un rôle capital dans le cheminement de Dante. Il est une transition qui symbolise la prise de conscience des péchés, de la liberté, de la responsabilité des hommes, et de la justice naturelle. Car contrairement aux âmes de l'Enfer, celles du Purgatoire se sont rendus compte qu'ils n'ont pas écouté la loi naturelle, mais ont préféré suivre leurs intérêts durant leurs vies. Les Envieux, dans les Chants XIII et XIV, reconnaissent que l'envie de biens matériels, le plaisir pris dans le malheur des autres plutôt que dans la satisfaction de sa propre joie, sont des péchés car ils leur ont ôté la vue de ce qui est bon moralement. Ils ne font pas que souffrir de leurs expiations, mais aussi de la connaissance de la raison pour laquelle ils doivent souffrir.

Dans l'épisode du Purgatoire correspondant à l’œuvre d'Hippolyte Flandrin, les hommes et les femmes ont conscience de leur tort, et l'expiation qu'il expérimente dans ce deuxième cercle du Purgatoire, est un moyen rédempteur. Leurs paupières sont cousues car la jalousie, la joie maligne, l'envie les empêchait d'accéder à la vision de la vie. Dante est épris de compassion pour ces âmes, et seul, lui, dans ce voyage est un homme (Chant XIII, v.85-93).[12] Il est confronté à des âmes, qui l'informe que son ascension jusqu'au Paradis est une preuve que Dieu l'estime. La présence de Dante est comme un baume pour la souffrance des envieux (Chant XIV, v.10-15).[13] La charité et la narration du périple de Dante qu'ils lui demandent sont semblables à la miséricorde de Dieu. Cette tendance des âmes à se tourner vers une voie morale est symbolique car c'est le moyen pour elles de se tourner vers Dieu, de comprendre la loi naturelle qu'ils avaient en eux ainsi que la justice naturelle.

Aristote dans la Rhétorique[14], [1373b], distingue la loi particulière et la loi commune. La première est propre au droit positif, c'est-à-dire à des lois relatives à « chaque peuple », écrites ou non écrites. Les lois positives sont des lois proportionnelles liées par exemple au mérite, elles sont relatives. La seconde est propre au droit naturel, car la loi commune est la loi naturelle. Elle est reliée à la justice naturelle qui est propre à chacun et non pas relative à chaque peuple, c'est « une divination », un sentiment naturel et commun, c'est-à-dire universel. Le sentiment fait partie de la forme de l'homme. Il prend l'exemple d'Antigone, car son sentiment de justice entre en contradiction avec les lois de la cité, et celui d'Empédocle illustre que la loi universelle est une égalité stricte. Le projet d'Aristote à la fin de son œuvre est de concilier de manière le plus adéquatement possible les lois naturelles et positives, car le meilleur régime serait pour lui qu'il n'y ait pas de contradiction entre les lois positives et les lois naturelles, est similaire à celui de Dante, dans la mesure où celui-ci veut concilier deux ordres différents : le céleste et le terrestre. Dans l’œuvre d'Hippolyte Flandrin, la justice naturelle est perçue comme un sentiment, une « divination ». Car chez Aristote, elle ne peut être perçue que par l'homme, ici le poète, puisqu'il est le seul capable d'éprouver des sentiments, d'éprouver de la compassion pour ces âmes. Il permet de les tourner vers la voie du Paradis, et de prendre un choix juste.


Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Hippolyte et Paul Flandrin, Paysage et portraits, Musée des Beaux-arts de Nantes.
  2. Hippolyte et Paul Flandrin, Paysage et portraits, Musée des Beaux-arts de Nantes.
  3. Le Purgatoire, Divine Comédie, Dante
  4. La Bible de Jérusalem, L’Évangile selon Saint-Matthieu, 5, 44.
  5. Purgatoire, Divine Comédie, Dante
  6. Pour le sixième centenaire de Dante – Dante et Mahomet, André Bellesort, Revue des Deux Mondes, tombe 56, 1920.
  7. Pour le sixième centenaire de Dante – Dante et Mahomet, André Bellesort, Revue des Deux Mondes, tombe 56, 1920.
  8. Pour le sixième centenaire de Dante – Dante et Mahomet, André Bellesort, Revue des Deux Mondes, tombe 56, 1920.
  9. Oreste, Euripide.
  10. Purgatoire, Divine Comédie, Dante
  11. Purgatoire, Divine Comédie, Dante
  12. Purgatoire, Divine Comédie, Dante
  13. Purgatoire, Divine Comédie, Dante
  14. Rhétorique, Aristote


Bibliographie[modifier | modifier le code]

Hippolyte et Paul Flandrin, Paysage et portraits, Musée des Beaux-arts de Nantes. La Bible de Jérusalem, L’Évangile selon Saint-Matthieu, 5, 44. BELLESORT André, Pour le sixième centenaire de Dante – Dante et Mahomet, In Revue des Deux Mondes, 1920, tome 56. ALIGHIERI Dante, Purgatoire, Divine Comédie, Tome II, ed. G.F., traduction et présentation par Jacqueline Risset.