Noces de Cana

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Les Noces de Cana, enluminure du XVe siècle, extraite des Grandes heures du duc de Berry (1409).

Les Noces de Cana est un récit tiré du Nouveau Testament où il est raconté que Jésus accomplit le premier de ses miracles en changeant de l'eau en vin[1]. Présent uniquement dans l'Évangile selon Jean (au chapitre II[2]), c'est le premier des « signes » de Jésus, accompli au bénéfice de ses disciples « qui crurent en lui » (Jn 2:11).

Texte de l'Évangile selon Jean[modifier | modifier le code]

Le troisième jour, il y eut une noce à Cana de Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi fut invité à la noce ainsi que ses disciples. Le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit: « Ils n’ont pas de vin ». Jésus lui dit « Que me veux-tu, femme ? Mon heure n’est pas encore venue ». Sa mère dit aux serviteurs : « Faites ce qu’il vous dira ». Or il y avait là six jarres de pierre, pour les purifications des Juifs, contenant chacune deux ou trois mesures. Jésus dit aux serviteurs : « Remplissez d’eau ces jarres ». Ils les remplirent jusqu’au bord. Il leur dit : « Puisez maintenant et portez-en au maître d’hôtel ». Ils lui en portèrent. Quand le maître d’hôtel eut goûté l’eau devenue du vin - il en ignorait la provenance, mais les serveurs la savaient, eux qui avaient puisé l’eau - il appelle le marié et lui dit : « Tout le monde sert d’abord le bon vin et, quand les gens sont ivres, alors le moins bon ; toi, tu as gardé le bon vin jusqu’à présent ». Tel fut le commencement des signes de Jésus ; c’était à Cana de Galilée. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. (Évangile selon Jean, 2,1-11)[3].

Interprétation théologique[modifier | modifier le code]

Le signe de Cana — l'auteur de l'Évangile, saint Jean, préfère parler de « signes » (en grec ancien : σημεῖα)[4] plutôt que de « miracles » — est présenté comme le premier miracle de Jésus, c'est dire son importance symbolique et sa portée spirituelle. Les paroles de Marie : « Ils n’ont pas de vin » contiennent une demande implicite, une invitation discrète, presque timide, à remédier à une situation embarrassante[5], sans qu’on puisse démontrer si elle espérait de son Fils un miracle ou une aide naturelle[6]. La réponse de Jésus est une manifestation de surprise pour une intervention jugée inopportune : « Τί ἐμοὶ καὶ σοί », littéralement « Quoi, à moi et à toi ? Qu’y a-t-il entre moi et toi ? » ; elle laisse transparaître son origine sémitique ; elle transcrit en effet le mah-li wālāk de l’Ancien Testament[7]. Elle traduit une divergence de vues et souligne entre Marie et Jésus une relation autre que celle de mère à fils. L’appellation « Femme » par laquelle Jésus s’adresse ici à sa mère n’est pas irrespectueux et n’implique aucun mépris ; c’est une expression qui court de l’Apocalypse à l’Évangile, le thème johannique de la Femme étant lié à l’histoire de la Rédemption[8].

Selon saint Thomas d'Aquin : « Le fait que ces noces eurent lieu le troisième jour n'est pas sans signification. Le premier jour est en effet le temps de la loi naturelle, le second celui de la Loi écrite ; quant au troisième, c'est le temps de la grâce où le Seigneur, né dans la chair, célébra ses noces. » À l'appui de son commentaire, saint Thomas d'Aquin cite le prophète Osée : « Après deux jours, il nous rendra la vie ; le troisième jour il nous relèvera et nous vivrons en sa présence » (Os 6,2). Marquant cette transition vers le troisième jour, la pénurie de vin dans le récit se réfère aux sacrifices d'animaux prenant fin[réf. nécessaire]. Ensuite, le vin nouveau représente la nouvelle alliance à laquelle l'Église prend part[9]. Jésus montre par ce premier miracle la générosité de Dieu, mais aussi il transforme la réjouissance humaine en noces divines. Il amène déjà par cet acte le don de son corps pour sauver les humains[10]. Ce miracle se veut symbole d'alliance entre Dieu et les humains. Il fait allusion ainsi à l'arche dont parle l'Ancien Testament.

Le dernier verset souligne que le meilleur vin est donné à la fin des noces. C'est une référence à la gloire du temple dans les derniers jours prédite par exemple par le prophète Isaïe (2:2)[11] ou Daniel (12:13)[12]. D'un point de vue chrétien, le meilleur vin servi à la fin annonce la plénitude de la parousie[9].

Les Noces de Cana en peinture[modifier | modifier le code]

Le tableau le plus célèbre sur ce thème des noces de Cana a été peint à Venise pour le réfectoire du monastère bénédictin de San Giorgio Maggiore en 1562-1563, par Paul Véronèse[13]. Les Noces de Cana représente une scène biblique dans le cadre d'une fête vénitienne, mêlant les personnages de la Bible et des figures contemporaines. Le tableau lui a été commandé dans le cadre des travaux de reconstruction du couvent. Il est peint sur toile car les fresques se conservaient très mal à Venise en raison du haut degré de salinité. Ce tableau est exposé au musée du Louvre à Paris, faisant face à la Joconde de Léonard de Vinci.

Parmi les innombrables peintres qui ont représenté cet épisode des Noces de Cana, on peut citer Giotto (début du XIVe siècle), Gérard David (Musée du Louvre, v. 1501-1502), Giuseppe Maria Crespi (lo Spagnuolo) (v. 1587-1588).


Localisation[modifier | modifier le code]

Les auteurs divergent sur la localisation de la ville de Cana de l'Évangile. Le lieu avancé comme le plus probable est Kafr Cana, à quelques kilomètres de Nazareth. L'idée d'assimiler ce village au lieu biblique remonte au VIIIe siècle. Au douzième siècle, l'idée apparaît que le lieu serait plutôt le site de Khirbet Cana (en), situé à 8 km au nord-ouest. Néanmoins, Kafr Cana redevient le lieu privilégié au XIVe siècle.

La localisation exacte de Cana a fait l'objet d'un débat parmi les historiens[15]. Les érudits modernes soutiennent que, puisque l'Évangile de Jean s'adressait aux juifs de l'époque, il est peu probable que l'évangéliste mentionne un endroit qui n'existait pas.

Les lieux qui sont candidats pour être le Cana historique sont :

soit en Galilée (région), Israël

soit au Sud-Liban

Une église s'élève sur le lieu d'une possible ancienne synagogue du Ier siècle, où des noces auraient pu avoir lieu.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Sur le miracle
  • Jean-Paul Michaud, « Le signe de Cana dans son contexte johannique (I) », Laval théologique et philosophique, vol. 18, no 2,‎ , p. 239-285 (lire en ligne)
  • Jean-Paul Michaud, « Le signe de Cana dans son contexte johannique (II) », Laval théologique et philosophique, vol. 19, no 2,‎ , p. 257-283 (lire en ligne)
  • Austin Sailsbury (trad. de l'anglais par Françoise Rotelli, ill. Daniel Fernandez), Les Noces de Cana : le merveilleux charpentier, Montélimar, Éditions CLC, , 47 p. (ISBN 978-2-7222-0167-5)
  • Dom Jean de Monléon, Les noces de Cana, Cadillac, Saint Remi, , 160 p. (ISBN 978-2-84519-313-0)
  • Élisabeth Monroi, Les Noces de Cana, Paris, Éditions La Bruyère, , 147 p. (ISBN 978-2-7500-0332-6)
  • Dom Jean de Monleon, Les noces de Cana : Commentaire mystique appuyé sur les Pères de l'Église, Québec, Édition Scivias, (ISBN 978-2351150771)
Sur l’œuvre de Véronèse
  • Jean Habert, Les Noces de Cana de Véronèse : une œuvre et sa restauration, Paris, Réunion des Musées Nationaux, , 343 p. (ISBN 978-2-7118-2662-9)
  • Daniel Huguenin, Le nain des Noces de Cana de Véronèse, Paris, Édition complicités, , 101 p. (ISBN 978-2-910721-41-1)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]