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Utilisateur:Naepflin/Arrêts

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AETR[modifier | modifier le code]

L'arrêt rendu le 31 mars 1971 dans l'affaire Commission des Communautés européennes contre Conseil des Communautés européennes - Accord Européen sur les Transports Routiers (ou plus simplement Arrêt AETR, affaire 22/70) par la Cour de Justice des Communautés européennes (ou CJCE) est l'une des bases de la jurisprudence du droit communautaire. En substance, cet arrêt pose plusieurs grands principes de la construction européenne : la subsidiarité (parallélisme des compétences internes et externes des Communautés), la primauté du droit européen sur les droits nationaux, et l'existence d'une personnalité juridique internationale des Communautés.

Les faits[modifier | modifier le code]

Lors d'une délibération du 20 mars 1970, les membres du Conseil européen décident que l'Accord européen sur les transports routiers (AETR) qui est en cours de négociation, sera signé et négocié à titre individuel par chacun des États membres. Cet accord portait sur les règles de sécurité pour les conducteurs professionnels, notamment par exemple les temps de conduite. La Commission européenne, s'appuyant sur les Traités qui considèrent les transports comme une compétence des Communautés (Titre IV), considère qu'elle et elle seule devrait négocier et signer cet accord international, puisqu'il aurait pour résultat d'influer sur la politique des transports au niveau communautaire entier. Elle demande donc à la Cour de Justice des Communautés que celle-ci annule la délibération du Conseil européen.

La décision de la CJCE[modifier | modifier le code]

La Cour décida d'accepter le recours de la Commission en annulation de la délibération du Conseil. En effet, si la compétence en matière de transports était partagée entre les Communautés et les États membres, la pratique réglementaire -en instaurant des règles communes- a fait que l'exclusivité a progressivement glissé en faveur des organes européens. La signature de cet accord par les États membres ayant pour effet d'influer sur la situation des transports au niveau communautaires, ceux-ci empiétaient donc sur les compétences de la Commission. Celle-ci se voyait donc confirmer dans sa personnalité juridique au niveau international - les États membres perdaient là le droit de s'engager individuellement dans des accords internationaux dans ce domaine, alors même qu'initialement cela n'était pas prévu de manière explicite dans les traités: le transfert de compétence aura donc été implicite.

Le principe de subsidiarité se retrouve là dans ce qu'il détermine une règle fondamentale du fonctionnement européen: lorsqu'une compétence est partagée entre États et Communautés (ou, plus tard, avec l'Union), celle-ci s'exerce pour un problème donné au niveau le plus proche des citoyens mais aussi le plus efficace: si la question concerne le niveau communautaire (ici les conditions de travail des routiers circulant sur les routes européennes), la partie la plus adaptée à avoir une vision d'ensemble de la situation est donc la CEE. À l'inverse, la réglementation concernant un point particulier (transit sur un pont, une route particulière) peut très bien être réglée au niveau local (voir bilatéral si le pont est frontalier) et la Commission ne s'en mêle pas.

Costa contre ENEL[modifier | modifier le code]

L'arrêt rendu le 15 juillet 1964 dans l'affaire Flaminio Costa contre Ente Nazionale per l'Energia Elettrica (ou Costa c/ E.N.E.L., affaire 6/64) par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) est l'une des bases de la jurisprudence du droit communautaire. En substance, cet arrêt que l'on peut considérer comme majeur, consacre le principe de la primauté du droit communautaire sur les législations nationales.

Les faits[modifier | modifier le code]

En 1962, l'Italie décida de nationaliser le secteur de la production et de la distribution d'énergie électrique, en regroupant les diverses sociétés privées de l'époque au sein de l'Ente Nazionale per l'Energia Elettrica. Flaminio Costa, alors actionnaire de la société Edison Volta, avait dès lors perdu ses droits à dividendes et refusait de payer ses factures d'électricité, d'un montant total de 1 926 lires de l'époque. Assigné en justice, il argumenta que la nationalisation violait toute une série de dispositions du traité CEE de 1957. Le Giudice Conciliatore de Milan se tourna vers la CJCE pour lui demander par le biais d'une question préjudicielle quelle était son interprétation dudit traité.

Le jugement[modifier | modifier le code]

La Cour était appelée à se prononcer sur la nature juridique des Communautés, ainsi que sur la portée du droit communautaire dans les juridictions nationales (et pas directement sur le tort ou la raison du refus de payer de M.Costa, cette décision restant de la compétence du Giudice italien).

Au sujet de la nature juridique de la CEE, la Cour déclara qu' « à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE a institué un ordre juridique propre intégré au système juridique des États membres [...] et qui s’impose à leur juridiction. En instituant une Communauté de durée illimitée, dotée d’institutions propres, de la personnalité, de la capacité juridique, d’une capacité de représentation internationale et plus particulièrement de pouvoirs réels issus d’une limitation de compétence ou d’un transfert d’attributions des États à la Communauté, ceux-ci ont limité leurs droits souverains et ont créé ainsi un corps de droit applicable à leurs ressortissants et à eux-mêmes ».

La Cour conclut « que le droit du traité ne pourrait donc, en raison de sa nature spécifique originale, se voir judiciairement opposer un texte interne quel qu’il soit sans perdre son caractère communautaire et sans que soit mise en cause la base juridique de la Communauté elle-même » et qu'ainsi « le transfert opéré par les États, de leur ordre juridique interne au profit de l’ordre juridique communautaire, des droits et obligations correspondant aux dispositions du traité, entraîne donc une limitation définitive de leurs droits souverains contre laquelle ne saurait prévaloir un acte unilatéral ultérieur incompatible avec la notion de Communauté ».

La CEE est donc un ordre juridique dont les dispositions, dans le champ très restreint où les États membres lui ont transféré partie de leur souveraineté, priment sur le droit national de manière irrévocable. Cette interprétation sera confirmée quelques années plus tard par l'arrêt Simmenthal de 1978.

Gend en Loos[modifier | modifier le code]

Le jugement rendu le 5 février 1963 dans l'affaire NV Algemene Transport- en Expeditie Onderneming van Gend & Loos contre Administration fiscale néerlandaise (ou plus simplement Arrêt van Gend en Loos, affaire 26/62) par la Cour de justice des Communautés européennes (ou CJCE) est l'une des bases du droit communautaire et fonde les rapports entre ordre juridique communautaire et ordre juridique national. Cet arrêt, le premier d'importance dans la jurisprudence européenne, est antérieur à la fusion des exécutifs de 1965. En substance, la Cour reconnaît que par leur adhésion à la CEE, les États membres ont accepté la limitation de leur souveraineté, et que leurs citoyens ont désormais la possibilité de s'appuyer sur les Traités pour faire valoir leurs droits devant les juridictions nationales. On appelle cela l'effet direct de l'ordre juridique communautaire en droit interne.

Les faits[modifier | modifier le code]

L'entreprise belge de tranports van Gend en Loos (intégrée depuis 1999 à DHL) s'occupait de transports transfrontaliers entre, notamment, les Pays-Bas et la RFA. En 1962, un chargement d'urée allemande est soumise à la frontière néerlandaise à une taxe d'importation nouvelle de 8%. Se basant sur l'article 12 du tout récent Traité de Rome qui précisait que "Les États membres s'abstiennent d'introduire entre eux de nouveaux droits de douane à l'importation et à l'exportation ou taxes d'effet équivalent", l'entreprise conteste le paiement de cette taxe devant la Tariefcommissie néerlandaise. Par le biais d'une question préjudicielle, cette dernière se tourne vers la CJCE pour savoir si les citoyens (et les entreprises) peuvent être directement affectés par le droit européen sur leurs territoires nationaux.

La décision de la CJCE[modifier | modifier le code]

Cette décision, particulièrement audacieuse, constituera par la suite l'un des fondements du droit européen avec, entre autres, l'arrêt Costa contre ENEL. Cette décision ne tombe cependant pas du ciel: déjà, en 1962, un tribunal italien avait établi que le TCE exerçait des effets directs (Societa Biscotti Panettoni Colussi di Milano v. Ministero del Commercio con l'Estero, CMLR 1963, 133). Et, en 1960, dans deux décisions séparées (Italie c/ Haute Autorité, arrêt 20/59) et Pays-Bas c/ Haute Autorité, 25/59) concernant le Traité CECA, la Cour avait également relevé que celui-ci constituait "l 'ultima ratio permettant de faire prévaloir les intérêts communautaires consacrés par le traité contre l'inertie et contre la résistance des États membres"".

La Cour observe que "la Communauté constitue un nouvel ordre juridique de droit international, au profit duquel les États ont limité, bien que dans des domaines restreints, leurs droits souverains et dont les sujets sont non seulement les états membres mais également leurs ressortissants" (gras ajouté).

Le traité CE est pour la Cour "plus qu'un accord qui ne créerait que des obligations mutuelles entre États contractants". Pour peu qu'une provision soit "claire et inconditionelle", les citoyens européens peuvent donc s'appuyer sur celle-ci au niveau national pour contester des décisions de leur propre gouvernement si besoin est. Ainsi, l'article 12 TCE devait être interprété comme ayant des effets directs et créant des droits individuels que les juridictions nationales se devaient désormais de protéger.

Cette idée est renforcée par l'utilisation que fait la CJCE du terme "nouvel ordre juridique international". En effet, pour la première fois, les sujets d'un accord intervenu entre nations souveraines ne sont plus seulement les États membres, comme c'est encore le cas dans le droit international courant (ONU, Protocole de Kyoto, par ex.), mais également les citoyens.