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Le rôle de Bernard de Clairvaux[modifier | modifier le code]

Figure majeure du douzième siècle en Europe, Bernard de Clairvaux a aussi exercé une grande influence sur la production de manuscrits enluminés dans l’ordre cistercien. Venant d’une famille de moyenne noblesse bourguignonne, Bernard de Clairvaux est vite attiré par l’austérité et le dénuement de l’ordre cistercien. Il entre à l’abbaye de Cîteaux en 1112-1113[1]. Très vite, il devient un élément essentiel de l’ordre, à tel point qu’en 1115, Etienne Harding l’envoie fonder la troisième fille de Cîteaux, l’abbaye de Clairvaux[1]. Personnalité très recherchée et écoutée, Bernard de Clairvaux joue un grand rôle dans les affaires publiques de son temps (résolution du schisme d’Anaclet en 1135, prêche de la seconde croisade en 1146)[2]. Bernard de Clairvaux est également un intellectuel qui écrit des traités ainsi que de nombreux sermons, comme celui sur le Cantique des Cantiques[2].

En plus de son influence dans les affaires de son temps, Bernard de Clairvaux joue un rôle majeur pour l'ordre cistercien, notamment en ce qui concerne l'art. La vision de l’art, et surtout de l’architecture, de Bernard de Clairvaux vient de ses réflexions et de sa conception de la vie monastique[3]. L’ordre cistercien, suit la règle de saint Benoît, avec ses trois vertus : l’obéissance, l’humilité et l’esprit de silence. Les cisterciens vont développer en plus, une spiritualité marquée par la paix intérieure, l’ascèse et un cheminement vers Dieu.

Pour Bernard de Clairvaux, le moine cistercien ne doit être détourné en rien de son cheminement à Dieu, de sa prière, ce qui le conduit à vouloir un art extrêmement épuré, simple et sans ostentation[3]. Si à  cette époque, Saint-Denis et Cluny se démarquent par des œuvres et une architecture qui privilégient la somptuosité (toujours dans le but d’honorer Dieu), Bernard de Clairvaux souhaite que cette célébration de Dieu soit intérieure chez les moines cisterciens[4]. Rien ne doit distraire le moine de sa vocation, ou perturber sa vie intérieure. Cela commence par les bâtiments qui doivent être le plus purs possibles, sans décoration (notamment pour les chapiteaux du cloître[5]). Toute forme de luxe doit être bannie, que ce soit dans les dimensions des édifices, leur décoration ou dans la production même d’objets, comme les manuscrits.

Mais le rôle de Bernard de Clairvaux pour la conception d’un art cistercien ne s’arrête pas à l’architecture. L’étude de la parole de Dieu joue également un rôle très important dans la vie des moines cistercien, ce qui peut expliquer l’intérêt que l’abbé porte au sujet des manuscrits. Dans les Institua Generalis Capituli apud Cistercium, l’article LXXX mentionne que « Les lettres devront être d’une seule couleur et non peintes », ce qui a conduit à la suppression des ornements figuratifs des manuscrits[6].

D’après Yolanta Zaluska, le décor autorisé et préconisé concernerait les lettres secondaires des manuscrits et non les lettres ornées (c’est-à-dire les lettres aux articulations principales du texte, et qui sont ornées de toutes sortes de motif végétaux, animaliers, anthropomorphes ou hybrides)[7]. Les lettres secondaires (c’est-à-dire les initiales des subdivisions de texte ou les incipit de moindre importance) connaissent un grand développement tout au long du douzième siècle, avec l’arrivée du rouge vif, du bleu et du vert. Les formes vont aussi se diversifier et les artistes leur ajoute des motifs ornementaux provenant du monde végétal ou abstrait. Certaines lettres secondaires sont mêmes particulièrement élaborées et grandes, ce qui les rapprochent beaucoup des lettres ornées. La possible traduction de cette citation serait donc une interdiction des lettres ornées, avec la possibilité de faire des initiales de couleur mais d’une seule couleur seulement[7]. Ces règles vont donner naissance au troisième style ou « style monochrome », qui atteint son apogée dans les années 1160-1180[8].

En édictant ces règles sur les enluminures, Bernard de Clairvaux souhaite éviter une trop grande richesse dans les manuscrits qui pourrait éloigner le moine cistercien du dénuement et de la pauvreté et donc de la recherche de Dieu. Grâce à ce changement dans l’ornementation des manuscrits, Bernard de Clairvaux met en œuvre sa vision d’un art sobre et épuré, mais cela lui permet aussi d’éviter que des artistes extérieurs ne rentrent dans l’enceinte de l’abbaye[9]. Au douzième siècle, les moines copient les manuscrits mais les enluminures sont souvent confiées à des artistes extérieurs[9]. Bernard de Clairvaux voulait préserver l’indépendance d’une abbaye et éviter le contact avec le monde extérieur, qui pourrait entraîner des conflits selon lui.

Les changements stylistiques voulus par Bernard de Clairvaux la traduction matérielle d’une vision du monachisme, de la quête de Dieu, et selon Yolanta Zaluska « l'expression cohérente d'une pensée qui prend ses racines aussi bien dans la Bible, hostile à la figuration, que dans la règle de saint Benoît, qui préconise la pauvreté des moines »[10].

« Sa parole a gouverné, comme le reste, l’art de Cîteaux. Parce que cet art est inséparable d’une morale, qu’il incarnait, qu’il voulait à toutes forces imposer à l’univers, et en premier lieu aux moines de son ordre »


Georges Duby, Saint Bernard. L'art cistercien

  1. a et b « De grands personnages, Robert, Étienne, Bernard » Accès libre [« pdf »], sur Bibliothèque municipale de Dijon (consulté le )
  2. a et b Marcel PACAUR et Marie-Madeleine DAVY, article « Bernard de Clairvaux », Encyclopædia Universalis.
  3. a et b Georges Duby (préf. Patrick Boucheron), Saint-Bernard : l'art cistercien Georges Duby. précédé d'un entretien avec Patrick Boucheron., Paris, Flammarion, coll. « Les grands bâtisseurs », (1re éd. 1979), 269 p. (ISBN 978-2-0814-1651-2), p. 142
  4. Georges Duby (préf. Patrick Boucheron), Saint-Bernard : l'art cistercien Georges Duby. précédé d'un entretien avec Patrick Boucheron, Paris, Flammarion, , p. 142
  5. Georges Duby (préf. Patrick Boucheron), Saint-Bernard : l'art cistercien, Paris, Flammarion, , p. 191
  6. Yolanta Zaluska, L'enluminure et le scriptorium de Cîteaux au XIIe siècle, Cîteaux, Brecht, , 453 p. (ISBN 90-8004131-9), p. 149
  7. a et b Yolanta Załuska, L' enluminure et le scriptorium de Cîteaux au XIIe siècle, pp. 150-151
  8. Bibliothèque municipale de Dijon, « Les trois styles des enluminures » [PDF], sur Bibliothèque municipale de Dijon (consulté le )
  9. a et b Yolanta Załuska, L' enluminure et le scriptorium de Cîteaux au XIIe siècle, pp. 149
  10. Yolanta Załuska, L' enluminure et le scriptorium de Cîteaux au XIIe siècle, p. 167