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Utilisateur:Leonard Fibonacci/Marcion - 140

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Lorsque Marcion arrive à Rome vers 140 avec le livre qu'il a édité comprenant une version de l'Évangile selon Luc et 10 lettres de Paul de Tarse, il y a dans la capitale de l'empire trois grandes tendances qui toutes ont une vision différente de qui a été Jésus. Le chef de la tendance qui donnera naissance à la Grande Église est Justin de Naplouse, il y a aussi les Valentiniens et les disciples de Basilide. Pour ceux qui suivent Justin Jésus a été crucufié et a ressuscité, alors pour les tenants de Basilide, Jésus a été substitué au denier moment avant sa crucifixion et on a crucifié Simon de Cyrène à sa place. Irénée de Lyon le relate dans son IIe livre "Contre la Gnose au nom menteur". Cette position est soutenue notamment par Leucius Charinus qui écrira une série d'Actes d'Apôtres qui auront un certains succès auprès des chrétiens avant de disparaître peu à peu après avoir été déclarés "apocryphes", voire hérétiques, au VIe siècle. Photios de Constantinople est le dernier à témoigner en le réprouvant de ce que racontait Leucius Charinus.

Comment est-il possible qu'à peine un siècle après le renvoi de Ponce Pilate, des thèses aussi dissemblables aient été soutenues par les différentes tendances de chrétiens au sujet de l'événement le plus important pour eux "la crucifixion", concernant le personnage le plus important pour eux Jésus qui à cette époque n'est plus seulement le "Christ" pour plusieurs des tendances chrétiennes, mais est carrément devenu Dieu lui-même ?

Mais les divergences ne portent pas seulement sur le fait que Jésus a été crucifié ou si on lui a substitué une autre personne au dernier moment, les deux tendances interprétant d'ailleurs cet événement comme une intervention de Dieu désignant ainsi Jésus comme un être exceptionnel "élu" par lui pour être le "Christ". Les différentes tendances sont aussi en désaccord sur l'origine de Jésus. Marcion qui arrive avec une version de l'Évangile selon Luc qui ne comporte pas les deux premiers chapitres décrivant une enfance légendée de Jésus, estime que Jésus est descendu du ciel comme un adulte ayant 30 ans dans la ville de Capharnaum en Galilée. La tendance qui donnera naissance à la Grande Église estime probablement que Jésus est né miraculeusement d'une vierge appelée Marie. C'est en tout cas la position que défend Irénée de Lyon une trentaine d'années plus tard en estimant que Jésus a été engendré de Marie par une intervention du Saint-Esprit agissant en lieu et place de Dieu. Mais il y a au moins une troisième position, celle des judéo-chrétiens, les Nazôréens de Palestine et du Moyen-Orient en général, relayée notamment dans la province romaine d'Asie par des gens comme Carpocrate et Cérinthe. Pour eux, Jésus est né comme un homme, c'est-à-dire de Marie et de Joseph, il est d'ailleurs un homme élu et exceptionnel et mérite le titre de Fils de Dieu, mais il n'est absolument pas Dieu lui-même.

À nouveau les positions qui décrivent un personnage dont les derniers disciples ne sont morts que depuis une trentaine d'années sont totalement irréconciliables et l'on voit bien que non seulement les intellectuels chrétiens qui s'affrontent sur ce sujet ne savent quasiment rien du personnage historique de Jésus, mais en plus ils ne semblent pas très intéressés de savoir qui il était vraiment. À aucun moment, ces auteurs ne font références à un document ou à un écrit parlant de Jésus pour justifier leurs positions. Lorsqu'ils font référence à des textes pour justifier leur position ce sont des textes de la Bible comme par exemple le Livre d'Isaïe qui a pourtant été écrit plusieurs siècles avant la naissance de Jésus. Pour eux, la preuve que Jésus est bien né d'une vierge ou est bien descendu vivant sur terre à l'âge de 30 ans se trouve dans les textes qui prophétisait ce que serait le Messie.

C'est aussi vers ce milieu du IIe siècle qu'apparaît la position qui fait des frères de Jésus, non pas des fils de Joseph avec Marie, mais des fils que Joseph aurait eu avec une autre femme. Le livre de la "Nativité de Marie" appelé Protévangile de Jacques par les critiques modernes témoigne du fait que cette opinion existait dès le milieu du IIe siècle. Origène qui rapporte cette position indique que ceux qui la soutiennent le font surtout pour défendre l'honneur de Marie, ce qui montre avec beaucoup d'autres éléments qu'existaient de méchantes rumeurs au sujet de la légitimité de la naissance de Jésus. Mais surtout cela montre aussi que dès cette époque, il n'y a plus de grand souci historique. À Rome et dans la province d'Asie on peut attribuer les enfants d'une femme, Marie, à une autre femme, sans risquer d'être contredit par un érudit qui brandirait des sources contredisant cette assertion. Il n'y a nulle trace d'une telle négation du statut des frères de Jésus chez les judéo-chrétiens, Nazôréens, Elkasaïtes, Ébionites, qui sont beaucoup mieux renseignés sur qui était Jésus, puisque ces personnages ont vécu dans la région où ils sont implantés, qu'ils maîtrisent l'hébreu et l'araméen et qu'ils connaissent les techniques littéraires et la culture juives, ce qui n'est pas le cas des partisans de la Grande Église qui ont même été contraint depuis la persécution de Domitien de rompre tous liens avec le judaïsme.

Mais la divergence la plus notable concerne la date de la mort de Jésus. Justin de Naplouse...

Pour Irénée de Lyon, Jésus baptisé à 30 ans par Jean le Baptiste, crucifié par Ponce Pilate a commencé à délivrer son enseignement à l'âge de 50 ans... À deux reprises, il s'insurge contre ces "hérétiques" qui — probablement à partir de leur analyse des évangiles — disent que la vie publique de Jésus a duré un an et donc qu'il a délivré son enseignement à l'âge de 30 ans.