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Utilisateur:Grasserlaurent/Brouillon

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Présentation et formulation simplifiée des inégalités de Bell[modifier | modifier le code]

Il existe de nombreuses manières de montrer les inégalités de Bell[1]. Le but est de trouver des relations, des inégalités, que doivent mathématiquement respecter les corrélations entre des paramètres mesurés sur deux particules, qui ont été en interaction, puis séparées et ne pouvant communiquer l'une avec l'autre. Dans ce cas, ces corrélations doivent être déterminées par des variables fixées lors de l'interaction, puis véhiculées avec les particules (ce que l'on appelle des variables cachées).

Cas des mesures de la polarisation de deux photons[modifier | modifier le code]

On considère dans ce cas une série de N mesures de la polarisation de deux photons. Ces photons sont émis par une même source, ils ont donc une même polarité (et donc intriqués) (présentent des corrélations, quelle que soit leur séparation physique au moment de la mesure). Après l'émission, chacun de deux photons passe dans un filtre polarisant différent et donc l'angle peut prendre deux valeurs. Les angles possibles du premier polariseur sont et , les angles du deuxième polariseur sont et . Chaque photon possède une certaine probabilité de traverser le filtre, ou être absorbé, en fonction de l'inclinaison du filtre par rapport à sa polarisation (100% si le filtre est parallèle à la polarisation, 0% si le filtre est perpendiculaire).

Après les polarisateurs, chaque photon est détecté séparément par un détecteur. On note le résultat de la mesure pour le premier photon si l'angle du premier polarisateur est et si l'angle du premier polarisateur est . De manière identique, on considère et les résultats pour le second photon. On attribut à , , et les valeurs +1 en cas de détection et -1 en cas de non-détection.

On s'intéresse au calcul suivant pour chaque mesure : pour l'ensemble de la série de N mesures.

On peut remarquer que pour chaque mesure, des deux termes et , l'un sera nul et l'autre sera égale à .

En considérant l'ensemble de la série de N mesures, et en notant le nombre d’occurrence de la combinaison et , on obtient :

Il s'agit d'une inégalité de Bell, plus spécifiquement de l'inégalité CHSH. Pour obtenir ce résultat, on a considéré que les états , , et sont indépendants ainsi que le choix des angles / et / . On peut voir par la suite que ces conditions ne sont pas respectés.

Violation de l'inégalité[modifier | modifier le code]

Dans le cas de la mécanique quantique, on considère un photon dont l'état de polarisation est donné par :

où sont deux vecteurs formant une base orthonomée , l'état de polarisation verticale et l'état de polarisation horizontale.

Dans ce cas la probabilité de détection du photon dans une direction (par exemple celle du polariseur x) est

la probabilité d'avoir une détection dans le polariseur en coïncidence avec une détection dans le polariseur est

  • si les deux polariseurs sont orientés dans la même direction (0°), les deux photons se comportent toujours de la même façon (transmis tous les deux ou absorbés tous les deux, selon l'angle du polariseur avec la polarisation), le résultat de la mesure sera ++ ou --. (R1)
  • si les deux polariseurs sont inclinés avec un angle de 30° l'un par rapport à l'autre, alors les deux photons ont un comportement similaire dans exactement 3/4 des cas (++ ou --), et opposés dans 1/4 des cas (+- ou -+); (R2)
  • si les deux polariseurs sont inclinés avec un angle de 60° l'un par rapport à l'autre, alors les deux photons ont un comportement similaire dans exactement 1/4 des cas (++ ou --), et opposés dans 3/4 des cas (+- ou -+); (R3)

En calculant cette probabilité pour les trois autres types d'évènements, on peut en déduire le coefficient de corrélation :

On voit que les inégalités de Bell sont violées pour, par exemple, des angles égaux à , et .

L'expérience (par exemple celle d'Alain Aspect) a largement confirmé ces résultats et aussi que la loi de Malus était vérifiée sur des photons individuels.

Certains chercheurs ont cependant montré qu'on retrouve classiquement le même résultat qu'en mécanique quantique, si on tient compte du fait que la probabilité de coïncidence n'est pas égale au produit de deux probabilités indépendantes, mais à celui de la probabilité pour que le premier photon soit compté par la probabilité pour que le second le soit, sachant que le premier l'a été[2].

Stratégie de simulation des conditions réelles[modifier | modifier le code]

Admettons maintenant que nous demandions à deux personnes de se mettre d'accord sur une stratégie pour essayer de simuler le comportement des photons. Elles sont d'abord réunies dans une pièce où elles peuvent se concerter sur une stratégie, puis elles sont séparées dans deux pièces, sans aucun moyen de communication. Une fois séparées, on leur pose une série de questions sous la forme « 0° ? », « 30° ? », « 60 °? », et elles doivent répondre « T » pour transmission et « A » pour absorption. Les questionneurs doivent poser leur question aléatoirement, sans connaître la question posée par l'autre expérimentateur, et ignorer la stratégie adoptée par les deux personnes.

Le but de la stratégie est de donner toujours la même réponse que l'autre personne quand la question posée est la même, d'être d'accord dans 75% des cas quand les deux questions diffèrent de 30°, et dans 25% des cas quand les deux questions diffèrent de 60° (c'est ce que les photons arrivent à faire, dans les mêmes conditions).

L'ensemble des possibilités de réponse est très restreint (trois questions, deux réponses possibles), et représenté par le tableau ci-dessous :

Ensembles de réponses possibles pour une mesure à un angle donné
30° 60°
Ensemble A (α) T T T
Ensemble B (β) A T T
Ensemble C (γ) T A T
Ensemble D (δ) T T A

Inverser les réponses ne change rien concernant le fait que les choix soient semblables ou différents entre les deux personnes, et répondre T/T/T ou A/A/A correspond donc au même ensemble A de réponses.

Une stratégie consiste à déterminer qu'on va utiliser l'ensemble A de réponses pour α % des questions, l'ensemble B pour β % des questions, etc. Une stratégie est donc entièrement déterminée par un quadruplet (α, β, γ, δ), tel que α + β + γ + δ = 1, et α, β, γ, δ >= 0.

Par exemple, avec la stratégie (1,0,0,0), les deux personnes arrivent à toujours simuler la bonne corrélation (la même réponse) quand on leur présente les deux même questions, mais échouent à simuler les corrélations attendues dans les cas où « l'angle entre les deux questions » est 30° (3/4 de réponses égales) ou 60° (1/4 de réponses égales).

Contraintes et inégalités sur les paramètres de la stratégie[modifier | modifier le code]

Comment choisir les paramètres (α, β, γ, δ) de manière à simuler correctement les corrélations des photons, sans communiquer, face à des questions aléatoires ?

Pour une stratégie donnée, la probabilité de donner des réponses opposées pour la paire de questions "0° ?"-"60° ?" (ou inversement) est (β + δ) (consulter le tableau permet de s'en convaincre). De même, la probabilité de donner des réponses opposées à la paire de questions "0° ?"-"30° ?" est (β + γ), et pour "30° ?"-"60° ?" : (γ + δ).

Nous devons donc avoir, pour simuler les corrélations des photons :

  • (R3)
  • (R2)
  • (R2)

Le problème commence à apparaitre : d'un côté on doit avoir

Mais d'un autre côté,

Donc, en réunissant les deux résultats, on doit avoir , ce qui donne une valeur de .

Ceci est une probabilité négative, qui n'a aucune signification physique et ne peut exister en pratique.

On voit par cet exemple qu'il existe des relations mathématiquement nécessaires (correspondant à un ensemble d'hypothèses données) entre les corrélations de réponses, et que ces relations peuvent être violées, indiquant qu'une des hypothèses au moins est fausse.

Dans cet exemple, la relation mathématiquement nécessaire est l'inégalité :

L'inégalité de Bell est construite exactement sur ce principe et avec ces idées. Elle s'exprime différemment :

car Bell exprime l'inégalité en termes d'espérance mathématique (moyenne à long terme des valeurs mesurées), et prend en compte d'autres types de corrélations[1], mais l'idée est la même.

  1. a et b Cette présentation se fonde sur celle de Tim Maudlin Quantum Non-Locality & Relativity 3e édition Wiley-Blackwell 2011, p. 14 et suivantes
  2. Jaynes E. T., Clearing up Mysteries — The original Goal, In: Skilling J. (ed.), Maximum Entropy and Bayesian Methods, Kluwer Academic, Dordrecht, 1989, 1-27 ; Perdijon J., Localité des comptages et dépendance de coincidences dans les tests E.P.R. avec polariseurs, Ann. Fond. Louis de Broglie, 1991, 16(3), 281-286 ; Kracklauer A. F., Nonlocality, Bell’s Ansatz and Probability, Optics and Spectroscopy, 2007, 103(3), 451-460.