Tiers payant en France

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En droit français, le dispositif du tiers payant permet — dans le cadre d’une convention préalable et valide, éventuellement assortie de conditions — à l’acheteur d’un bien et/ou au bénéficiaire d’une prestation d’en voir le règlement acquitté par une tierce personne ou un organisme tiers.

Cela revient en pratique à organiser, pour des motifs relevant de l’assistance sociale ou de la solidarité, la distribution totalement ou partiellement gratuite de biens ou services désignés. Le nouveau dispositif fait face à une vive opposition des médecins libéraux, ceux-ci craignant notamment une nouvelle augmentation des démarches administratives.

Un système de dispense de l’avance des frais médicaux[modifier | modifier le code]

Le tiers payant est initialement prévu pour les ménages modestes et les actes coûteux, deux situations où l’avance de frais peut générer un problème d’accès aux soins.

En 2012, il est pratiqué dans 34,9 % des actes effectués par les médecins libéraux et 31,6 % des actes des omnipraticiens libéraux[1].

Les conditions d’application du tiers payant sont multiples et s’appuient sur[2] :

  • la situation économique du patient ;
  • les complications médicales liées au travail du patient ;
  • le coût de l’acte médical ;
  • la nature de l’acte ;
  • le lieu de soin.

Description[modifier | modifier le code]

L’exemple classique est celui des dépenses médicales en France pour lesquelles l’usager ne paie qu’une partie du coût réel des prestations dont il bénéficie, la partie non acquittée par lui étant prise en charge selon sa situation personnelle[3] :

  • soit en totalité au titre de la couverture maladie universelle (CMU) ;
  • soit en partie par l’organisme public d’assurance maladie ;
  • soit en quasi-totalité — s’il dispose d’une couverture volontaire dite « complémentaire » — par intervention combinée de l’assurance maladie et de l’organisme d’assurance complémentaire auquel il a préalablement cotisé (à titre individuel, ou dans le cadre d’une couverture collective obtenue par exemple dans le cadre de son entreprise).

Afin de renflouer ses caisses, l’assurance maladie a mis en place en 2010 un dispositif intitulé « Tiers payant contre génériques », dont le principe est de ne pas appliquer le tiers payant aux patients qui refusent les médicaments génériques, moins chers[4].

Le , la ministre de la Santé Marisol Touraine a confirmé que son projet de loi Santé serait généralisé d'ici 2017. Mesure phare de ce projet, le tiers payant serait généralisé à tous les Français d'ici la fin 2017 et dès pour les Français bénéficiant d'une prise en charge à 100 % par l'Assurance-maladie[5]. Le Conseil constitutionnel, juge que cette mesure n'est pas assez encadrée[6]. Marisol Touraine rédige une version finale dans laquelle cette obligation d'avance de frais est d'abord proposée par les médecins aux femmes enceintes et à la patientèle en Affection longue durée, aux bénéficiaires de la CMU ou de l'aide à la complémentaire santé (ACS), remboursées à 100 % par la Sécurité sociale, représentant 15 millions de personnes à partir du , puis cette prise en charge devient obligatoire à partir du , tandis que l'ensemble de la patientèle des médecins se voient proposer la prise en charge à partir du et que celle-ci devient obligatoire à partir du [6],[7],[8]. En , le rapport de la Cour des comptes signale que l'ordre a mené un « intense lobbying » contre la loi de modernisation du système de santé et s'est à cette occasion éloigné du domaine de la déontologie pour investir la défense des intérêts professionnels des syndicats[9].

Cette généralisation du tiers payant a fait l’objet d’un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) remis à la ministre de la Santé, et rendu public le [10]. À la suite de celui-ci la ministre de la santé a décidé de sursoir à la généralisation de l'avance de frais[11],[12],[8].

En , Cash investigation dédie une émission à la fraude à la Sécurité sociale et aborde l'absence de contrôle de la part de l'Assurance maladie au moment du paiement depuis la généralisation du tiers payant[13].

Combien coûte le tiers payant ?[modifier | modifier le code]

L’étude Référis pour l’agence régionale de santé d’Ile-de-France retrouve un coût médian du traitement de la feuille de soin électronique (incluant le tiers payant) à 7,8 euros (impayés compris) pour une valeur d’actes médiane de 27,35 euros, soit 28,51 % du coût[14].

Quand une consultation chez le médecin est de 23 euros, les patients n'auront plus à débourser les 15,10 euros pris en charge par l’Assurance-maladie, mais ils devront toujours devoir avancer les 6,90 euros correspondant à la part des complémentaires santé (la participation forfaitaire de 1 euro restant à la charge du patient).

Critiques[modifier | modifier le code]

La Fédération des médecins de France redoute une augmentation des frais de gestion liée au tiers payant, les médecins, devant contacter eux-mêmes les mutuelles pour se faire rembourser. En 2013, Marisol Touraine explique qu'« il faut que le médecin soit payé sans avoir à faire des démarches trop compliquées », sans fournir plus de précision[15].

L'Union française pour une médecine libre exprime la crainte d'une « étatisation » de la profession, et donc que l'État exerce plus de contrôle sur les tarifs ou les salaires de médecins[15].

Selon un sondage OpinionWay publié le . 95 % des médecins y sont opposés. En , les urgentistes puis les médecins généralistes libéraux font grève notamment pour protester contre la généralisation du tiers payant prévue d'ici 2017[16]. En , les nouveaux appels à la grève sont suivis d'une très forte mobilisation ; 3 cabinets sur 4 étant fermés[17].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Source CNAMTS-Erasme national tous régime : 2e trimestre 2012
  2. Bertrand Legrand, « État actuel du tiers payant social », sur Observatoire du Tiers Payant,
  3. Service-Public.fr
  4. « Remboursement des médicaments et tiers payant », sur Assurance Maladie (archivé sur Internet Archive)
  5. Hayat Gazzane, « Tiers payant : Marisol Touraine gagne du temps », sur Le Figaro, (consulté le )
  6. a et b Pierre Bienvault, « Le tiers payant sera généralisé de manière partielle », La Croix, no 40399,‎ , p. 10
  7. Éric Favereau, « Tiers payant : ce que signifie la décision du Conseil constitutionnel », Libération,‎ , p. 13 (lire en ligne)
  8. a et b Daniel Rosenweg, « Le tiers payant ne sera pas généralisable avant 2020 », Aujourd'hui en France,‎ , p. 8
  9. François Béguin, « La Cour des comptes critique sévèrement l'ordre des médecins », Le Monde,‎ , p. 14 (La Cour des comptes critique sévèrement l'ordre des médecins Accès payant)
  10. Emile Fauchier-Magnan, Juliette Roger, Julien Méjane, Louis-Charles Viossat Inspection générale des affaires sociales, « Evaluation de la généralisation du tiers payant », sur ladocumentationfrancaise.fr, (consulté le )
  11. « Santé : report de la généralisation du tiers payant », sur vie-publique.fr, (consulté le )
  12. Éric Favereau, « Agnès Buzyn : «Sur l'hôpital, nous sommes arrivés au bout d'un système» », Libération,‎ , p. 12
  13. « « Cash Investigation. » Hold-up sur la Sécu : à qui profite la fraude ? », sur France TV info, (consulté le )
  14. Étude Réferis.
  15. a et b Tiers payant : ses vertus, ses effets secondaires, europe1.fr, 23 septembre 2013
  16. Pourquoi les médecins refusent-ils le tiers payant généralisé ?, liberation.fr, 22 décembre 2014
  17. Grève massive des médecins : pourquoi ils ne veulent pas du tiers payant, latribune.fr, 13 novembre 2015