Théorème de Heine

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En mathématiques, le théorème de Heine, donne une condition suffisante pour qu’une application continue soit uniformément continue. Il s’énonce sous la forme :

Toute application continue d’un espace métrique compact dans un espace métrique quelconque est uniformément continue.

Cela implique notamment que toute application continue sur un segment [a, b] de est uniformément continue.

Il doit son nom au mathématiciens Eduard Heine qui l’a démontrée dans un article publié en 1872[1],[2]. Bien que Dirichlet l’avait déjà démontrée dans ses cours en 1854[3].

Historique[modifier | modifier le code]

La notion de continuité uniforme naît dans la seconde partie du XIXe siècle. Le premier à l’utiliser est Dirichlet dans son cours d’analyse, dans lequel il démontre aussi ce qu’on appelle aujourd’hui le théorème de Heine[4].

Cependant ses cours ne seront publiés qu’en 1904 par l’un de ses étudiants Gustav Arendt[5]. Edurard Heine est le premier à publier ses résultats dans un article paru en 1871[2]. Ce résultat sera généralisé par d’autres mathématiciens comme Carl-Johannes Thomae et Jacob Lüroth, en 1873, Gaston Darboux en 1875[3].

Tous utilisent que l’on peut recouvrir tout segment en un nombre fini d’intervalle, ce qu’on appelle aujourd’hui la propriété de Borel-Lebesgue[3]. C'est ce théorème qui poussera à définir la notion de compacité[6].

Énoncés et démonstrations[modifier | modifier le code]

Cas des fonctions numériques[modifier | modifier le code]

Théorème — Toute application continue d'un segment [a, b] dans ℝ est uniformément continue.

L'application, notée , étant continue en tout point x, nous savons que :

Le théorème de Heine permet d'affirmer plus, f est uniformément continue et donc η peut être choisi indépendamment de x, ce qui nous permet d'inverser les deux quantificateurs :

L'uniforme continuité de f s'exprime en effet par :

.

Généralisation aux espaces métriques[modifier | modifier le code]

Théorème — Soient (X, d) et (Y, d') deux espace métrique et A une partie compact de X. Toute application continue de A dans Y est uniformément continue.

On note f l'application, d la distance sur X et d' la distance sur Y. L'uniforme continuité de f s'exprime alors par :

Remarque
Dans les partie compacts sont exactement les segments [7], on retrouve alors l’énoncé pour les fonctions numériques.

Démonstrations[modifier | modifier le code]

Il existe différentes définition de la compacité dans un espace métrique, chacune peut servir à démontrer le théorème de Heine.

Par le théorème de Bolzano-Weierstrass[modifier | modifier le code]

Une première méthode le théorème de Bolzano-Weierstrass en raisonnant par contraposée[8]. En supposant f non uniformément continue et en prouvant qu'elle est alors discontinue en au moins un point, grâce au théorème de Bolzano-Weierstrass[9].

Par le théorème de Borel-Lebesgue[modifier | modifier le code]

Fixons . Pour tout il existe tel que par continuité de en .

En notant , la famille d'ouverts est un recouvrement de . Il existe donc une partie finie de telle que .

Posons .

Alors, pour tous tels que , en choisissant un tel que on obtient :

donc

La valeur trouvée étant bien indépendante de , la continuité uniforme est démontrée.

Démonstration par le théorème des bornes[modifier | modifier le code]

Par « théorème des bornes » on entend ici la version générale suivante du théorème des bornes usuel :

Toute application continue d'un compact non vide dans atteint sa borne inférieure (et sa borne supérieure).

Pour tout , en appliquant ce théorème au compact

et à l'application , on obtient, si est non vide, un vérifiant la propriété voulue :

(Si est vide, on peut choisir arbitrairement.)

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Hélène Gispert-Chambaz, Camille Jordan et les fondements de l'analyse, Université de Paris-Sud, Publications mathématiques d'Orsay, (lire en ligne), p. 18.
  2. a et b (de) E. Heine, « Die Elemente der Functionenlehre », J. reine angew. Math., vol. 74,‎ , p. 172-188 (lire en ligne).
  3. a b et c Bertrand Hauchecorne et Jean Dhombres, Biographie des grands théorèmes, Ellipses, , 243 p. (ISBN 978-2-340-08474-2), p. 186-193
  4. Pierre Dugac, Bernard Bru et Roger Laurent, Histoire de l'analyse: autour de la notion de limite et de ses voisinages, Vuibert, (ISBN 978-2-7117-5311-6), p. 115-117
  5. (de) Gustav Arendt, G. Lejeune-Dirichlets Vorlesungen über die Lehre von den einfachen und mehrfachen bestimmten Integralen. Hrsg. von G. Arendt, Braunschweig F. Vieweg, (lire en ligne)
  6. Pierre Dugac et Bernard Bru, Histoire de l'analyse: autour de la notion de limite et de ses voisinages, Vuibert, (ISBN 978-2-7117-5311-6), p. 152
  7. Plus généralement dans , les parties compacts sont exactement les fermés bornés.
  8. Frédéric Testard, Analyse mathématique: la maîtrise de l'implicite, Calvage & Mounet, coll. « Mathématiques en devenir », (ISBN 978-2-916352-11-4), p. 16
  9. Voir par exemple le chapitre « Continuité uniforme » de la leçon sur les fonctions d'une variable réelle sur Wikiversité.

Articles connexes[modifier | modifier le code]