Tennantite
Tennantite Catégorie II : sulfures et sulfosels[1] | |
Tennantite - Mine de Tsumeb Namibie (7×7cm) | |
Général | |
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Classe de Strunz | 2.GB.05
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Classe de Dana | 3.3.6.2
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Formule chimique | (Cu,Fe)12As4S13 |
Identification | |
Masse formulaire[2] | 1 471,382 ± 0,1 uma As 20,37 %, Cu 47,51 %, Fe 3,8 %, S 28,33 %, |
Couleur | gris acier ou gris d'acier, gris de fer, noir de fer, gris silex, gris noir, noir, parfois bleu-gris, bleu profond... |
Système cristallin | cubique |
Réseau de Bravais | cubique centré I a = 10,19 Å, Z = 2, V = 1 058,09 Å3 avec une densité calculée avoisinant 4,61, ou bien a = 10,186 Å, Z = 2, V = 1 056,84 Å3 avec une densité calculée avoisinant 4,62. |
Classe cristalline et groupe d'espace | hexakistétraédrique, groupe de point ; groupe d'espace |
Macle | macle sur {111} |
Clivage | aucun |
Cassure | irrégulière, subconchoïdale à irrégulière (fragile, cohésion cassante) |
Habitus | cristaux libres rares, tétraédriques parfois pseudo-tétraédriques (111), cristaux triangulaires ou striés par des motifs triangulaires, cristaux parfois à nombre de faces importants d'apparence ronde (ballon), taille atteignant exceptionnellement 20 cm ; cristaux disséminés de façon distincte et visible dans une matrice rocheuse, agglomération de cristaux dévoilant des pyramides triangulaires ; agrégats cristallins en boule (binnites), agrégats empilés ; masses granuleuses ou grenues, très fréquentes, masses compactes microcristallines |
Jumelage | sur l'axe [111], sur le plan {111} (par pénétration et contact, très souvent multipliés) |
Échelle de Mohs | 3 à 4 (souvent proche de 4), parfois 4,5 |
Trait | noir ; parfois brun, brun rouge |
Éclat | métallique (parfois brillant et/ou iridescent (irisé), souvent mat et terne) |
Éclat poli | réflectance supérieure à 31,4 % selon le rayonnement électromagnétique visible (du violet au rouge), avec maximum de 23,4 % entre le vert et le jaune, couleur réfléchie du noir au brun jusqu'à rouge cerise. Le rouge apparaît si la teneur en As est élevée et celle en fer basse, du fait de l'effet noircissant du Fe (cation Fe II). |
Propriétés optiques | |
Indice de réfraction | en fragment très mince isotrope (n > 2,72 pour la raie du Li) |
Fluorescence ultraviolet | aucune |
Transparence | opaque (excepté en fragment ou feuille très mince, couleur rouge cerise en lumière transmise) |
Propriétés chimiques | |
Densité | 4,62 (4,6 à 4,7, parfois jusqu'à 5,2) |
Solubilité | dans l'acide nitrique et l'eau régale |
Propriétés physiques | |
Magnétisme | aucun |
Radioactivité | aucune |
Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire. | |
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La tennantite est une espèce minérale, sulfosel d'arsenic, de cuivre et de fer de formule chimique (Cu,Fe)12As4S13 ou encore plus précisément Cu6[Cu4(Fe,Zn)2]As4S13. Elle peut présenter en effet des traces notables de zinc Zn et parfois d'argent, alors que les impuretés les plus communes sont l'antimoine Sb, le bismuth Bi, le plomb Pb. Elle forme une série isomorphe et continue avec la tétraédrite (Cu,Fe)12Sb4S13 (pôle Sb), solutions solides du groupe des cuivres gris.
Il s'agit d'un minéral de maille cristalline cubique, exploité avec les différents cuivres gris depuis des millénaires comme minerai de cuivre.
Historique de la description et appellations
[modifier | modifier le code]Inventeur et étymologie
[modifier | modifier le code]Connue autrefois comme le "cuivre gris arsenié", la tennantite de Cornouailles en Angleterre a été rapportée en 1811 par le naturaliste James Sowerby par l'expression "gray sulphuret of copper in dodecahedral crystals" ou "petit sulfure gris de cuivre en cristaux dodécaédriques". Placé sous l'attention des minéralogistes britanniques, ce minéral a été décrit à nouveau précisément au cours de l'année 1818 par les frères Philipps, d'abord le minéralogiste William Phillips et ensuite le chimiste Richard Phillips, et renommé d'un commun accord en 1819. Le nom choisi par Richard est dédié au chimiste anglais Smithson Tennant (-)[3]. Il s'agissait de commémorer la disparition accidentelle à Boulogne-sur-Mer de ce bel esprit libre scientifique, un des précurseurs de la notion d'allotropie et de l'analyse chimique (minérale) systématique des corps naturels (platinoïdes, matières carbonées et météoritiques). La cassure fragile d'un échantillon de tennantite a en effet rappelé à Richard l'effondrement soudain et dramatique du pont qui ensevelit sous ses gravats le malheureux touriste venu en observateur de la structure, Smithson Tennant.
Topotype
[modifier | modifier le code]Mines de Cornouailles, en particulier dans les secteurs ou districts de Camborne, Redruth, Saint Day, Gwennap en Angleterre, Grande-Bretagne
Variétés
[modifier | modifier le code]- L'annivite a longtemps été considérée une espèce minérale à part[4]. Elle a été déclassée définitivement par l'IMA en 2008. Ce n'est plus qu'une variété bismuthifère de tennantite, de formule Cu6[Cu4(Fe,Zn)2](As,Bi)4S13.
- La fredricite est une pseudo-variété argentifère pouvant contenir 1 à 3 % d'argent.
- La Sandbergérite Breithaupt est une variété de tennantite de formule 4(Cu2,Zn)S,As2S3 [5]
Synonymie
[modifier | modifier le code]Il existe pour cette espèce de nombreux synonymes[6]
- Arsenfahlerz ou Arsenkupferfahlerz... dans la tradition minière germanique (autrefois Arsenikglanz)
- binnite Des Cloizeaux (1855)[7]
- cuivre gris ou "minerai de cuivre gris" (terme commun avec la tétraédrite)
- énargite-bêta
- érythroconite
- fahlite (terme commun avec la tétraédrite)
- julianite,
- miedziankite Morozewicz (1923),
- régnolite Antonio D'Achiardi (1883) [8]
Cristallographie
[modifier | modifier le code]Les cristaux libres sont rares. Souvent d'aspect triangulaire, ils sont parfois pseudo-tétraédriques. L'accolement de faces en nombres importants donne des formes en boules, typique de la binnite valaisanne. Les agrégats grenus et surtout les masses granulaires ou compactes, à cohésion cassante, sont plus fréquents.
La surface de cassure est grise plus ou moins rougeâtre, brun-rouge ou noire.
- Paramètres de la maille conventionnelle : a = 10,186 Å, Z = 2; V = 1 056,84 Å3
- Densité calculée = 4,62
Les cations fer, de zinc et même parfois d'argent, de mercure, de bismuth peuvent se substituer facilement à la position du cations du cuivre.
Ce minéral, véritable analogue cuivre de l'argentotennantite (Ag) appartient au groupe isométrique de la tennantite ou de la tétraédrite. Il est décrit selon la classification de Dana par le groupe 3.03.06, sulfosel de formule type similaire, avec cations métalliques, cations semi-métalliques équilibrés par anions sulfures ou séléniures. Par ordre se placent la tétraédrite (Cu,Fe)12Sb4S13, la tennantite, la freibergite (Ag,Cu,Fe)12(Sb,As)4S13, la hakite (Cu,Hg)3(Sb,As)1(Se,S)3, la giraudite (Cu,Zn,Ag)12(As,Sb)4(Se,S)13, la goldfieldite Cu12(Te,Sb,As)4S13 et l'argentotennantite (Ag,Cu)10(Zn,Fe)2(As,Sb)4S13. L'ordre de présentation n'est pas le même dans la classification de Strunz.
Le faciès de la tennantite (As) est le même que celui de la tétraédrite (Sb), avec laquelle elle forme une série continue.
Propriétés physiques et chimiques, toxicologie
[modifier | modifier le code]Il s'agit d'un minéral de la classe des sulfosels, fragile, à éclat métallique.
La tennantite est chimiquement similaire à l'énargite Cu3AsS4 et à la luzonite (de) Cu3AsS4.
Analyse, distinction
[modifier | modifier le code]La tennantite est un aspect similaire à la tétraédrite, les deux minéraux peuvent être confondus à l'œil. Toutefois, les spécialistes remarquent que la tennantite a une couleur plus foncée, un trait légèrement plus rouge, et une couleur rouge translucide lorsqu'une fine couche est placée sous forte lumière blanche ou qu'une partie d'échantillon fracturée finement présentent des réflexions internes sous éclairage.
La tennantite a un trait un peu rougeâtre sur porcelaine poreuse.
Gîtologie
[modifier | modifier le code]La tennantite est un minéral primaire accessoire des gisements ou filons hydrothermaux, plutôt en basses et moyennes températures, ainsi que plus rarement des gisements de pegmatites et autres "gisements sub-volcaniques".
Elle apparaît dans les dépôts des anciennes zones de métamorphisme ou autres métasomatismes de contact, comme la dolomite de Lengenbach dans le Binntal en Valais. Elle est présente dans les gisements sub-volcaniques.
Dans leurs gisements respectifs, parfois communs, la tennantite est moins abondante que la tétraédrite.
Des cristaux en intercroissance avec la pyrite peuvent être parfois couramment observés, ainsi à Capnik en Roumanie.
Association : autres sulfosels et sulfures de Cu, Pb, Zn, Ag, fluorine, baryte, galène, quartz, chalcopyrite, sphalérite, pyrite, arsénopyrite, réalgar, calcite, dolomite, sidérite...
Gisements remarquables
[modifier | modifier le code]- Allemagne
- mines de Freiberg, Saxe
- Argentine
- Cerro Atajo, Catamarco
- Chili
- mine San lorenzo, Santiago, ou mine El Teniente, une soixantaine de km à l'ouest de Rancagua, province d'O’Higgins Province
- Chine
- secteur de Yaogonxian, Hunan
- États-Unis
- mine d'argent Léonard, district de Butte, comté de Silver Bow, Montana (empilement de cristaux triangulaires)
- mine de Freeland à Idaho Springs ou le filon Champion (Champion Lode), à Geneva, district Georgetown dans le comté de Clear Creek, district minier de Central City dans le comté Gilpin ou encore les mines argentifères du secteur de "Molly Gibson", à Aspen, comté Pitkin, du district de montagne rouge (Red Mountain), comté San Juan, dans le Colorado.
- France
- Mine de Longefay, Poule-les-Écharmeaux, Rhône[9].
- Bois du Roi, Les Chaillats (Chaillat), Servant, Puy-de-Dôme[10]
- Houppach, Masevaux, Vallée de la Doller, Haut-Rhin[11]
- Grande-Bretagne
- mines de Gwennap, Gwinear, Illogan ou de Saint Just, Cornouailles
- Irlande
- mines de Gortdrum, comté Tipperary
- Kazakhstan
- Mine Zhezkazgan ou Dzhezkazgan, province de Karagandy (assemblage de beaux cristaux par empilement)
- Mexique
- Mine El Cobre à Conception del Oro, Zacatecas (cristaux pointus associés au quartz)
- Namibie
- mines de Tsumeb, province de Oshikoto ou région Otjikoto (gros cristaux remarquables, parfois pseudomorphes de l'azurite)
- Pérou
- mines de Morococha et Quiruvilca, département La Libertad
- Mine Julcani, département de Huancavelica
- Pologne
- Mines de cuivre (Kupferberg) de Rudelstadt, Silésie
- Roumanie
- District minier de Kapnik, Maramures
- Suisse
- Carrière de Lengenbach près de Fäld ou autres sites, Vallée de Binntal en Valais , pour les "binnites" arrondies ou encore la variété riche en Bi nommée Annivite, également trouvée à l'origine dans le Val d'Anniviers également en Valais.
Usage et histoire
[modifier | modifier le code]Il s'agit d'un minerai de cuivre, connu de la Haute Antiquité.
La présence d'arsenic dans la structure métallique rend le matériau cuivre ainsi allié plus dur, lorsqu'il est obtenu par un minerai principal à base de tennantite, en simple métallurgie de fusion. Or les 'cuivres arséniés' étaient parmi les plus utilisés durant l'Antiquité, ce qui a fait naître l'hypothèse d'une valorisation et surtout d'un choix sélectif du pôle tennantite dans la série des cuivres gris miniers, pour l'élaboration d'outils ou d'armes plus performantes à l'âge du Bronze. Un saut technologique a été proposé par les archéologues[12].
Il s'agit aujourd'hui surtout d'un minéral de collection.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- La classification des minéraux choisie est celle de Strunz, à l'exception des polymorphes de la silice, qui sont classés parmi les silicates.
- Masse molaire calculée d’après « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
- MINER Database von Jacques Lapaire - Minéraux et étymologie. Voici les deux publications de base qui se suivent : Phillips William, "Description of an ore of copper from Cornwall", The Quarterly Journal of Literature, Science and the Arts, Tome 7, 1819, p. 95-100 et Phillips R., "Analysis of the copper ore, described in the preceding paper", The Quarterly Journal of Literature, Science and the Arts, Tome 7, 1819, p. 100-102.
- En réalité, les échantillons trouvés dans le Val d'Anniviers sont beaucoup moins bismuthifères que prévu (erreur d'analyse chimique originelle). Les taux de 6,3 % à 9,2 % sont par contre attestés à La Mejicana en Argentine.
- Minéralogie de la France, Volume 2, Partie 2 1897
- « Index alphabétique de nomenclature minéralogique » BRGM
- La binnite est considéré par l'IMA comme une variété argentifère de la tennantite
- Précis de minéralogie Par Albert Félix de Lapparent p. 400 1965
- Valverde J. (1999) L'ancienne mine de plomb argentifère de Longefay (Rhône), Le Cahier des Micromonteurs, 66(4), 14-24
- G. Aubert : "Les coupoles granitiques de Montebras et d'Echassières (Massif Central Français) et la genèse de leur minéralisations (BRGM, 1969)
- Wittern, Journée: "Mineralien finden in den Vogesen", von Loga (Cologne), 1997, p. 114
- R.D. Penhallurick, Tin in Antiquity: its mining and trade throughout the ancient world with particular reference to Cornwall, The Institute of Metals, London, 1986, (ISBN 0-904-35781-3) (en particulier p. 4.), réédition Maney, Leeds, 2008, 271 pages, (ISBN 978-1-906-54019-7)
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Ronald L. Bonewitz, Margareth Carruthers, Richard Efthim, Roches et minéraux du monde, Delachaux et Niestlé, 2005, 360 pages (traduction de l'ouvrage anglo-saxon, publié par Dorling Kindersley Limited, London, 2005), en particulier p. 143. (ISBN 2-603-01337-8)
- Rupert Hochleitner, 300 roches et minéraux, Delachaux et Niestlé SA, Paris, 2010, traduction et adaptation française par Jean-Paul Poirot de l'ouvrage Welcher Stein ist das ? paru aux éditions Franckh-Kosmos Verlags-GmbH & Co, à Stuttgart en 2010, réédition 2014, 255 pages, (ISBN 978-2-603-01698-5) en particulier présentation de la tétraédrite p. 85.
- Alfred Lacroix, Minéralogie de la France et de ses anciens territoires d'Outremer, description physique et chimique des minéraux, étude des conditions géologiques et de leurs gisements, 6 volumes, Librairie du Muséum, Paris, 1977, réédition de l'ouvrage initié à Paris en 1892 en un premier tome. En particulier, pour la tennantite décrit dans le second volume, p. 737 et suivantes.
- Henri-Jean Schubnel, avec Jean-François Pollin, Jacques Skrok, Larousse des Minéraux, sous la coordination de Gérard Germain, Éditions Larousse, Paris, 1981, 364 p. (ISBN 2-03-518201-8). Entrée 'tennantite' p. .
- Cristian Biagioni, Jiří Sejkora, Thomas Raber et Philippe Roth, « Tennantite-(Hg), Cu 6 (Cu 4 Hg 2 )As 4 S 13 , a new tetrahedrite-group mineral from the Lengenbach quarry, Binn, Switzerland », Mineralogical Magazine, vol. 85, no 5, , p. 744–751 (DOI 10.1180/mgm.2021.59, lire en ligne, consulté le )
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- (de) Tennantite présentée par le Mineralienatlas Lexikon
- (en) Deux échantillons du Smithsonian Institut
- (en) Handbook of Mineralogy Native Tennantite
- (en) Tennantite avec description et localisation géographique sur Mindat.
- (en) Tennantite sur Webmineral.
- (en) Données spectroscopiques, avec bibliographie de base, sur la tennantite
- (en) La tennantite dans la base de données du Musée minéralogique gallois