Stratton Oakmont, Inc. contre Prodigy Services Co.

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Stratton Oakmont, Inc. contre Prodigy Services Co.
Pays États-Unis
Tribunal Anglais Cour Suprême de New York
Date 24 Mai 1995
Détails juridiques
Citation 23 Media L. Rep. 1794; 1995 WL 323710; 1995 N.Y. Misc. LEXIS 229
Voir aussi

Stratton Oakmont, Inc. contre Prodigy Services Co., 23 Media L. Rep. 1794 ( NY Sup. Ct. 1995)[1], est une décision de 1995 de la Cour suprême de New York [nb 1] estimant que les fournisseurs de services en ligne (les ancêtres des blogs/réseaux sociaux) peuvent être tenus responsables du discours de leurs utilisateurs. La décision a suscité une controverse parmi les premiers partisans d'Internet, y compris certains législateurs, conduisant à l'adoption de l'article 230 de la loi sur la décence en matière de communications de 1996.

Faits[modifier | modifier le code]

Prodigy, l'un des premiers sites d'hébergement de contenu en ligne, hébergeait une section appelée Money Talk sur laquelle les utilisateurs anonymes pouvaient publier des messages portant sur la finance et l'investissement. En octobre 1994, un utilisateur non identifié de Money Talk a soumis un message affirmant que Stratton Oakmont, une société de banque d'investissement en valeurs mobilières basée à Long Island, New York, et son président Danny Porush, avaient commis des actes criminels et frauduleux dans le cadre d'une introduction en bourse. Stratton Oakmont a poursuivi Prodigy ainsi que l'utilisateur anonyme pour diffamation[2].

Décision de la Cour[modifier | modifier le code]

Stratton Oakmont a fait valoir que Prodigy devrait être considéré comme l'éditeur de l'article diffamatoire et qu'il était de ce fait responsable des publications diffamantes au sens de la définition de la common law. Prodigy a demandé le rejet de la plainte, au motif qu'elle ne pouvait être tenue responsable du contenu des messages rédigés par ses utilisateurs tiers. En effet, l'argument principal était repris du précédent jurisprudentiel de 1991 Cubby, Inc. contre CompuServe Inc., qui avait jugé CompuServe, un fournisseur de services en ligne, non responsable en tant qu'éditeur du contenu généré par les utilisateurs de la même manière qu'un opérateur téléphonique n'est pas responsable des messages qui transite par ses lignes[3].

Le tribunal statuant à la demande de Stratton Oakmont a jugé que Prodigy était responsable en tant qu'éditeur du contenu publié par ses utilisateurs parce qu'il exerçait une modération et un contrôle des messages publics, de trois manières : 1) en publiant des directives de contenu pour les utilisateurs ; 2) en appliquant ces lignes directrices auprès des « Board Leaders » (c'est à dire des contributeurs/modérateurs) ; et 3) en utilisant un logiciel de filtrage conçu pour supprimer les propos offensants[1]. L'argument général du tribunal pour tenir Prodigy responsable, à la différence de l'affaire CompuServe, était que « Prodigy avait consciemment fait le choix, d'opter pour contrôle éditorial, ce qui a eu pour effet de l'exposer à une plus grande responsabilité que CompuServe et d'autres réseaux informatiques qui n'avaient pas fait de tel choix. " [1]

Impact[modifier | modifier le code]

Cette affaire était à première vue, en contradiction avec la décision du tribunal fédéral de district de 1991 dans l' affaire Cubby, Inc. c. CompuServe Inc., qui suggérait que les tribunaux ne devraient pas considérer les fournisseurs de services en ligne comme des éditeurs. Dans cette affaire, le tribunal a jugé que CompuServe et les autres opérateurs de sites Web devaient être considérés davantage comme un moyen de distribution que comme un éditeur[3]. Pour l'affaire de Stratton, la différence importante entre CompuServe et Prodigy était que Prodigy effectuait une sélection du contenu et exerçait donc un contrôle éditorial[1].

Certains législateurs fédéraux ont remarqué la contradiction entre les deux décisions[4], tandis que les fervents défenseurs de l'Internet libre ont estimé qu'attendre des opérateurs de sites Web qu'ils acceptent la responsabilité du discours de leurs utilisateurs était à la fois impossible à mettre en oeuvre et susceptible d'étouffer le développement d'Internet[5]. Le sénateur Ron Wyden (D. Or.) a proposé un texte de loi qui résoudrait le problème de contradiction avec les précédents jurisprudentiels, en matière de responsabilité tout en permettant aux sites Web et aux plateformes d'héberger des discours sans avoir à se soucier des conséquences juridiques[6]. La proposition de Wyden a donné naissance à l'article 230 du "Communication Decency Act", adoptée en 1996. Alors que le reste de la loi sur la décence en matière de communications a été annulé par la Cour suprême au motif qu'il s'agissait d'une restriction inconstitutionnelle à la liberté d'expression , l'article 230 a été séparé du reste de la loi et est toujours en vigueur, car il visait à permettre la liberté d'expression plutôt qu'à la restreindre. . [7]

  1. The New York Supreme Court is not the state's highest court and is primarily a trial court.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c et d , 1995
  2. Citizen Media Law Project, Stratton Oakmont, Inc. v. Prodigy Services Co. (Retrieved March 26, 2009).
  3. a et b Cubby, Inc. v. CompuServe Inc., 776 F. Supp. 135 (S.D.N.Y. 1991).
  4. (en) « Stratton Oakmont v. Prodigy Services: The Case that Spawned Section 230 », Washington Journal of Law, Technology & Arts, (consulté le )
  5. Cramer, « From Liability to Accountability: The Ethics of Citing Section 230 to Avoid the Obligations of Running a Social Media Platform », Journal of Information Policy, vol. 10,‎ , p. 124–125 (DOI 10.5325/jinfopoli.10.2020.0123, S2CID 226726531)
  6. (en) Stewart, « Ron Wyden wrote the law that built the internet. He still stands by it — and everything it's brought with it. », Vox, (consulté le )
  7. (en) Kosseff et Schroeder, « Happy 25th Anniversary to the Supreme Court Decision That Shaped the Internet We Have Today », Slate Magazine, (consulté le )