Statue du Juif-Errant

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Statue du Juif-Errant
Présentation
Type
Destination actuelle
détruite
Fondation
Matériau
Démolition
Localisation
Adresse
Square DelaunayVoir et modifier les données sur Wikidata
Flers, Orne
 France

La statue du Juif-Errant est une œuvre d'art qui est située à Flers, dans le département de l'Orne. Elle est l'œuvre du sculpteur français Victor-Edmond Leharivel-Durocher.

La statue est, avec le Monument à Eugène Süe d'Annecy, disparu en 1960, la seule sculpture représentant le thème du « Juif errant » dans les œuvres sculptées du XIXe siècle.

Localisation[modifier | modifier le code]

La statue est située à Flers, au jardin public du Champ de Foire[A 1] puis square Delaunay, avant de retrouver le Champ de Foire à partir du début des années 1920.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le thème du Juif errant au XIXe siècle[modifier | modifier le code]

Gravure avec un vieil homme en son centre et un homme cloué sur une croix à gauche
Gravure de Gustave Doré.

Le thème du Juif errant est du Moyen-Age à la première moitié du XIXe siècle une « partie vivante et dynamique de l'imaginaire chrétien en Occident »[A 2].

La personne, nommée Cartaphilus ou Ahashverus, aurait défié Jésus lors du chemin de croix, et aurait été condamnée à errer jusqu'au jugement dernier[A 3].

Le thème est très populaire au XIXe siècle en particulier sous la monarchie de Juillet. Il représente « l'humanité souffrante, l'espérance dans la liberté et le progrès »[A 4]. Le roman d'Eugène Sue parait en 1845[A 3]. Entre 1810 et 1850 les représentations du juif errant ne sont pas une manifestation d'antisémitisme, c'est « l'expression d'une morale sur le temps qui passe ». Même les positions liées de l'affaire Dreyfus n'ont que peu utilisé l'image du juif errant[A 5].

L'image n'est pas utilisée dans la statuaire publique avant la statue de Victor-Edmond Leharivel-Durocher, présentée en plâtre au salon de 1877[A 5]. Aucune archive de l'artiste mentionnant l’œuvre n'est conservée, il a peut-être représenté « une figure mythique issue de la tradition chrétienne »[A 6].

Histoire de la statue[modifier | modifier le code]

La ville de Flers connaît une forte croissance au XIXe siècle du fait de l'industrie textile, et dépasse 10 000 habitants[A 1]. De nombreuses œuvres de Victor-Edmond Leharivel-Durocher ornent des villes normandes, sous l'impulsion du directeur de l'administration des Beaux-Arts, Charles-Philippe de Chennevières-Pointel[A 1].

Le maire de Flers Louis Toussaint demande au ministre de l'Instruction publique, suite à un conseil municipal en , une copie d'une œuvre du sculpteur originaire de Chanu, non loin de la ville. Il propose Être et paraître[A 7], statue placée au musée du Luxembourg en 1861[A 1].

La commande du bronze du Juif-Errant est passée le pour une somme de 5 500 francs[A 8]. La ville de Flers accepte le don mais nous ne disposons d'aucun élément pour connaître les réactions suite à cette attribution ; l'année suivante le conseil municipal fait le vœu que le musée de la ville dispose d'un moulage d'une autre œuvre du sculpteur[A 1].

Le plâtre est traduit en bronze en 1878 afin de rejoindre Flers[A 9]. La statue est l'avant-dernière du sculpteur, qui meurt en 1878[A 10]. Le sculpteur réalise à la fois des œuvres religieuses et des œuvres profanes, cette diversité lui étant parfois reprochée[A 10]. La statue arrive à Flers le [A 8].

La statue est placée dans le jardin public du Champ de Foire puis sur un piédestal square Delaunay en [A 11]. Des propriétaires protestent sur le déménagement au square Delaunay pour des raisons esthétiques, et il est l'objet d'un libelle aux relents antisémites et subit des dégradations en 1884[A 12]. Au début du XXe siècle l’œuvre est l'objet de sarcasmes mais sans « caractère antisémite avéré », y compris pendant l'affaire Dreyfus[A 13]. Le monument suscite parfois « l'affection et l'étonnement »[A 14]. Un article dans un journal local en 1895 évoque un transfert de la statue au musée et son remplacement par un monument du Souvenir français[A 15].

Photographie en noir et blanc représentant une statue en bronze au milieu d'un square avec des arbres en arrière-plan
La statue du Juif-Errant au Champ de Foire.

Le monument est évoqué dans un guide touristique en 1919[A 16]. Décision est prise en de transférer la statue au Champ de Foire et de placer square Delaunay le monument aux morts, le déplacement de statues dans la période d'après Première Guerre mondiale étant assez fréquent[A 17]. Le monument aux morts est installé en et le Juif-Errant retrouve son emplacement originel, ne faisant plus l'objet de problèmes relatés dans les sources[A 18].

L'œuvre est envoyée en Allemagne sous le régime de Vichy lors de la mobilisation des métaux non ferreux, loi du [A 18] et « probablement fondue » en 1941[A 9]. La ville de Flers perd, outre le Juif-Errant, le buste de Jules Gévelot, mais l'allégorie de la Reconnaissance liée à ce buste est cachée pendant la guerre[A 19]. L'enlèvement des œuvres est signalé dans la presse en et est évoquée la prise de moulages[A 19]. La municipalité ne semble pas avoir demandé de remplacement des statues par des œuvres en pierre[A 19].

Un article de presse de évoque la perte des statues et signale qu'aucun moulage n'existe[A 19]. Le plâtre est perdu et les seuls témoignages qui subsistent sont des cartes postales[A 9],[A 20]. Ces cartes postales de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle témoignent que la statue est alors « un élément de la richesse artistique de la ville » et servent parfois de correspondance[A 21]. Une statue de Désiré Barré, le Réveil est placée sur le socle du Juif-Errant en 1949[A 19]. L’œuvre est évoquée dans un article de presse au début des années 1950 et un autre de 1964 évoquant l'envoi à la fonte ne parle plus du Juif-Errant[A 22]. Un dernier article de témoignages sur la statue est publié en dans L'Orne combattante[A 23].

Description[modifier | modifier le code]

Photographie représentant les bâtiments du Centre Jean-Chaudeurge en arrière-plan
Le Centre Jean-Chaudeurge de Flers, qui abrite la statue du Réveil.

Le personnage est musclé et porte une longue barbe, il est en situation de marche. Il est vêtu d'un pagne et d'un bonnet[A 9]. Il prend appui sur un bâton et porte une bourse au côté[A 24].

Le socle est utilisé pour le Réveil placé dans le parc du château, statue déplacée par la suite dans le Centre Jean Chaudeurge[A 25]. Ce socle, au début du XXIe siècle, a disparu mais subsiste au Champ de Foire un double hexagone[A 26].

Interprétation[modifier | modifier le code]

La statue aurait été « fidèle aux représentations catholiques et conservatrices »[A 24]. Dans l’œuvre de Victor-Edmond Leharivel-Durocher, le Juif errant est inspiré par la religion chrétienne et la vieillesse[A 27].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  • La statue du "Juif errant" de Victor-Edmond Leharivel Durocher à Flers (Orne), 1877-1941
  1. a b c d et e Huet-Pouthas 2017, p. 130.
  2. Huet-Pouthas 2017, p. 119.
  3. a et b Huet-Pouthas 2017, p. 120.
  4. Huet-Pouthas 2017, p. 120-121.
  5. a et b Huet-Pouthas 2017, p. 122.
  6. Huet-Pouthas 2017, p. 126.
  7. Huet-Pouthas 2017, p. 128-129.
  8. a et b Huet-Pouthas 2017, p. 129.
  9. a b c et d Huet-Pouthas 2017, p. 123.
  10. a et b Huet-Pouthas 2017, p. 125-126.
  11. Huet-Pouthas 2017, p. 130-131.
  12. Huet-Pouthas 2017, p. 131-132.
  13. Huet-Pouthas 2017, p. 132-133.
  14. Huet-Pouthas 2017, p. 133.
  15. Huet-Pouthas 2017, p. 133-134.
  16. Huet-Pouthas 2017, p. 137-138.
  17. Huet-Pouthas 2017, p. 134.
  18. a et b Huet-Pouthas 2017, p. 135.
  19. a b c d et e Huet-Pouthas 2017, p. 136.
  20. Huet-Pouthas 2017, p. 138-139.
  21. Huet-Pouthas 2017, p. 139-140.
  22. Huet-Pouthas 2017, p. 136-137.
  23. Huet-Pouthas 2017, p. 141.
  24. a et b Huet-Pouthas 2017, p. 124.
  25. Huet-Pouthas 2017, p. 140.
  26. Huet-Pouthas 2017, p. 140-141.
  27. Huet-Pouthas 2017, p. 128.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Viviane Huet-Pouthas, « La statue du Juif errant de Victor-Edmond Leharivel-Durocher à Flers (Orne), 1877-1941 », Annales de Normandie, nos 67-2,‎ , p. 119-142 (lire en ligne). Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • « Amour et désamours du Juif errant », L'Orne combattante,‎ .

Liens externes[modifier | modifier le code]