Rouge pompéien
Le rouge pompéien fait référence à la couleur d'un pigment minéral à base d'oxyde de fer de teinte proche de l'ocre rouge, qui tire son nom de son utilisation courante dans la peinture de la Rome antique et du fait qu'il est abondamment représenté dans les peintures murales de Pompéi. Les études ont montré que les parois qui présentent des fonds rouge pompéien ont été réalisées de diverses façons, parmi lesquelles l'utilisation du cinabre était la plus coûteuse et donc la plus prestigieuse.
Ce terme est utilisé également pour définir la couleur rouge ocre d'un enduit caractéristique de la céramique romaine[1].
Histoire de la notion
[modifier | modifier le code]La notion de rouge pompéien apparaît avec la véritable redécouverte du site de Pompéi au XVIIIe siècle et l'influence qu'elle a eue sur les arts et le goût en Europe. Le Café Procope de Paris, redécoré dans les années 1980 dans un style faisant référence au goût de la fin du XVIIIe siècle, s'est couvert de murs de couleur rouge pompéien. Au XIXe siècle, les musées adoptent souvent le rouge pompéien pour leurs murs[2]. Le rouge pompéien a été abondamment utilisé dans la décoration des demeures et palais construits au XIXe siècle à l'imitation des grandes villas romaines, comme la Maison pompéienne (aujourd'hui disparue) que fit construire le prince Jérôme Napoléon avenue Montaigne, à Paris, ou le Pompejanum de Louis Ier de Bavière à Aschaffenbourg.
Le rouge pompéien n'est pas une teinte définie d'un point de vue colorimétrique ou en fonction des pigments utilisés mais une référence esthétique et culturelle[3].
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Galerie palatine, palais Pitti, Florence.
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La Galerie de peinture au musée Condé (château de Chantilly).
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Musée du Louvre, salle Mollien (Romantisme).
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Orangerie de Neustrelitz, Mecklembourg-Poméranie-Occidentale (Allemagne). Salle rouge.
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Pompejanum. Aschaffenbourg, Bavière (Allemagne).
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Château de Schwerin (Allemagne), chambre de Léandre.
Les pigments rouges à Pompéi
[modifier | modifier le code]Il faut se garder de confondre les colorations obtenues et les pigments qui permettent de les obtenir. Le vocabulaire latin est imprécis dans ce domaine[4] et Pline l'Ancien, qui est la source ancienne principale sur les couleurs dans la peinture antique[5], mélange les termes qui désignent les unes ou les autres. L'expression rouge pompéien en français désigne un ensemble de teintes obtenues, variant sensiblement autour de l'ocre rouge, et non un pigment particulier.
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Villa des Mystères à Pompéi.
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Maison d'Octave Quartio.
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Thermopolium de Lucius Vetutius Placidus
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Maison des épigrammes grecques
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Maison de Lucretius Fronto
On regroupe sous le nom de rouge pompéien des rouges foncés de teintes assez différentes, plus ou moins vifs, tirant parfois plus ou moins vers l'ocre brun ou le violet.
Parmi les pigments rouges utilisés à Pompéi et qui ont permis d'obtenir la coloration rouge pompéien, on trouve le cinabre, la sinopis, l'ocre rouge (rubrica). Les peintres superposaient aussi des couches réalisées avec des pigments différents[6].
Il peut s'agir également d'ocre jaune dont la couleur a viré à l'ocre rouge au moment de l'éruption, sous l'effet de la chaleur. En effet, par une mutation connue déjà des Anciens[7], l'ocre jaune soumis à une chaleur supérieure à 700 °C se transforme en ocre rouge. Une équipe dirigée par Sergio Omarini[8] a montré qu'une part assez importante des parois rouges de Pompéi devaient être ocre jaune avant l'éruption de 79[9] ; l'impression que nous avons aujourd'hui d'une forte dominante de rouge, ce qui a donné naissance à l'expression de rouge pompéien, ne correspond donc pas à l'impression qu'avaient les contemporains.
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Voir, par exemple, Christian Goudineau, « Note sur la céramique à engobe interne rouge-pompéien (Pompejanisch-Roten Platten) », Mélanges de l'École française de Rome - Antiquité, 82, 1970, p. 159-186.
- André Desvallées et François Mairesse, Dictionnaire encyclopédique de muséologie, Paris, Armand Colin, 2011 : « On sait que, prenant exemple sur le palais Pitti, pour l'ancien musée de Berlin, Karl Friedrich Schinkel avait aussi opté pour un fond rouge pompéien. » À l'époque, toutes les salles de peinture du palais Pitti de Florence étaient tapissées de cette couleur.
- Annie Mollard-Desfour, Le Rouge. Dictionnaire de la couleur : mots et expressions d'aujourd'hui (XXe et XXIe), CNRS Éditions, coll. « Dictionnaires », 2009 (1re éd., 2000), p. 275 : « ce que nous entendons aujourd'hui par rouge pompéien ne se rapporte pas directement au site archéologique lui-même mais aux styles de décorations que ces vestiges ont inspiré… »
- Jacques André, Étude sur les termes de couleur dans la langue latine, Paris, 1949, p. 239-240. « Le mot color lui-même s'applique tantôt à la matière colorante, tantôt à l'effet coloré produit. » (Michel Pastoureau, Rouge. Histoire d'une couleur, Paris, Seuil (coll. « Points. Histoire »), 2019, p. 36).
- Histoire naturelle, XXXV, 30 et suiv.
- Pline l'Ancien, Histoire naturelle, XXXV, 45.
- Pline l'Ancien, Histoire naturelle, XXXV, 35 et Augusti, I Colori pompeiani, p. 85 et suiv. Cf. déjà Théophraste, Sur les pierres, 95.
- Chercheur de l'Institut national d'optique du Consiglio Nazionale delle Ricerche à Florence.
- (it) « Il famoso ‘rosso pompeiano’? In realtà era un giallo. Le ipotesi del Cnr di Firenze », RestaurArs.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- (it) Selim Augusti, I Colori pompeiani, Rome, De Luca Editore, 1967, 163 p., ill.
- (en) N. Eastaugh, V. Walsh, T. Chaplin, R. Siddall, The Pigment Compendium. A Dictionary of Historical Pigments, Elsevier - Butterworth Heinemen, 2004.
- Jean-Michel Croisille, La peinture romaine, Paris, Picard, 2005 (voir « Couleurs », p. 289 et suiv.).
- (it) Giovanni Montagna, I Pigmenti, Florence, Nardini, 1993.