Rougequeue noir

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Le Rougequeue noir (Phoenicurus ochruros) est une espèce de petits passereaux partiellement migratrice très répandue, de la famille des Muscicapidés. Il est également parfois appelé rossignol des murailles ou queue rousse[1].

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Courte description[modifier | modifier le code]

Le rougequeue noir est un passereau au plumage globalement sombre, mesurant en moyenne 14 cm de long pour un poids de 14 à 20 g, et d'une envergure allant jusqu'à 24 cm[1]. Auditivement, le mâle se repère aisément grâce à son chant caractéristique. Visuellement, il est facile d'identifier la silhouette d'un rougequeue : fréquemment perché en haut d'un endroit dégagé et droit sur ses pattes, celui-ci fait énergétiquement frétiller sa queue rousse — laquelle est assez longue pour le différencier des autres passereaux (à part peut-être des bergeronnettes)[2].

Morphologie[modifier | modifier le code]

Le mâle a le plumage gris-noirâtre avec la calotte grise et une tache blanche sur l'aile. La poitrine est souvent la partie la plus foncée de son corps. Le rougequeue noir a la queue orange brique, les sous-caudales et le croupion roux. Le bec est très pointu. Les yeux, les pattes et les doigts sont noirs[2]. Certains mâles peuvent arborer un plumage de type femelle[réf. nécessaire].

La femelle est plus terne que le mâle, avec un plumage uniforme gris-brun cendré. Seules les plumes sous-caudales de sa queue demeurent d'un roux allant vers le marron clair. Sa poitrine grisâtre est légèrement striée de foncé.

Durant sa première année, le juvénile ressemble à la femelle, sauf que son plumage est légèrement plus brun et tacheté, et qu'il n'a pas de blanc sous les ailes. En outre, le jeune mâle immature d’un an peut déjà nicher et s’accoupler[3]. Ce n'est qu'à partir du second automne qu'il ressemble aux adultes, avec une dimorphisme sexuel marqué. Les adultes ne varient pas beaucoup en croissance, les mâles et les femelles ayant la même taille.

Taxonomie[modifier | modifier le code]

Famille[modifier | modifier le code]

Le rougequeue noir fait partie des muscicapidés. Il était jadis classé parmi les turdidés[3], jusqu'à la survenue d'un changement de groupe taxonomique, autour de l'année 2010, réalisé pour une poignée d'espèces d'oiseaux, dont font partie les rougequeues, mais aussi les rouges-gorges par exemple[4].

Sous-espèces[modifier | modifier le code]

D'après Alan P. Peterson, il existe quatre sous-espèces (gibralteriensis, ochruros, rufiventris, semirufus). La classification de James Franklin Clements reconnaît deux sous-espèces supplémentaires (phoenicuroides, xerophilus), toutes réparties en deux grands sous-groupes. Le regroupement des sous-espèces, détaillé ci-dessous, suit cette classification mise à jour en 2023[5]. Pour les différencier, on peut dire globalement que, plus l’espèce est à l’est, plus l’oiseau est coloré d'une large tache orangée et plus la tache blanche de l'aile disparaît. Le plumage noir de l'oiseau est également plus prononcé à mesure que l'espèce est située au sud et à l'est.

  • Sous-espèce type Phoenicurus ochruros gibralteriensis
    • p. o. gibraltariensis (Gmelin, 1789) : situé en Europe ; plus que les autres sous-espèces, son plumage est plus clair, s'approchant du gris, avec des taches blanches ici et là : une sur l'aile, une autre sur le bas-ventre, près des pattes.
  • Sous-espèce type Phoenicurus ochruros ochruros
    • p. o. ochruros (S.G. Gmelin, 1774) : situé en Turquie et dans le Caucase ; le bas-ventre près des pattes est roux[2].
      • p. o. semirufus (Hemprich & Ehrenberg, 1833) : situé au Moyen-Orient ; les couleurs du plumage sont plus contrastées que celles de l’européen, et le noir est plus prononcé ; il affiche une plus large zone rousse qui s’étire de la queue jusqu’à la moitié du ventre et ne possède pas de tache blanche sur l'aile (dite tache alaire)[2].
    • p. o. phoenicuroides (Moore, 1854) : localisé dans les montagnes du sud de la Russie, du Turkménistan à la Mongolie (un rare individu de cette sous-espèce a été aperçu dans les Alpes)[6] ; il est globalement bicolore, d'un noir prononcé et d'un orange s'étalant de la queue à la poitrine.
      • p. o. rufiventris (Vieillot, 1818)
      • p. o. xerophilus (Stegmann, 1928)
Résumé des caractéristiques remarquables des sous-espèces
Sous-espèces Zone Taille Tache rousse Plumage noir Tache alaire blanche
gibraltariensis (+ aterrimus) Europe et Afrique du Nord - Croupion Gris clair très présente
ochruros Caucase et Turquie petite Dessous Gris foncé présente
semirufus Moyen-Orient petite Jusqu’à la poitrine Gris foncé absente
phoenicuroides Turkménistan jusqu'à la Mongolie petite Jusqu’à la poitrine Noir absente
rufiventris (+ xerophilus) Himalaya et ouest de la Chine grande Jusqu’à la poitrine Noir contrasté absente
Répartition des sous-espèces du rougequeue noir (phoenicurus ochruros). Images tirées de mediawiki : gibraltariensis ; aterrimus ; ochruros ; pheonicuroides ; rufiventris ; carte de distribution des sous-espèces. La carte répertorie principalement les zones où l'oiseau niche. Il peut être aperçu ailleurs, par passages ou migrations.

Répartition et habitat[modifier | modifier le code]

Aire de répartition et migrations[modifier | modifier le code]

Aire de répartition du rougequeue noir
Aire de répartition : en vert foncé les lieux où l'espèce est sédentaire, en vers clair là où elle est présente toute l'année ; en bleu foncé là où elle migre, en bleu clair là où on peut l'apercevoir durant le transit.

Le rougequeue noir est principalement eurasien. Son aire de répartition s'étend de l'Europe de l'Ouest (bien qu'il soit rare de le retrouver au Royaume-Uni) à l'est de la Chine. Il est absent de l'ouest et du sud-est de l'Asie, ainsi que du nord du cercle arctique[1].

C'est un oiseau partiellement migrateur. Beaucoup d'individus d'Europe de l'ouest sont sédentaires, par exemple. Mais, dès l'hiver, les individus installés plus au nord migrent pour rejoindre les côtes méditerranéennes, ou plus au sud encore : l'Afrique du nord ou le Moyen-Orient. Ils reviennent se reproduire très tôt pour le printemps, dès mars, voire février[7].

Habitat[modifier | modifier le code]

À l’origine, le rougequeue noir occupait principalement les zones rocheuses, voire montagnardes, où l'espèce reste encore présente et commune : falaises ou éboulis rocheux. Il est cependant devenu une espèce anthropophile, et les parois rocheuses sont remplacées par des vieux murs, des toits et des clochers. Le rougequeue noir s'accommode donc très bien de la présence des hommes et de leurs constructions[1].

Écologie et comportements[modifier | modifier le code]

Alimentation[modifier | modifier le code]

Le rougequeue est insectivore. Ses terrains de chasse préférés se situent aux alentours des étables et des puits, où il trouve quantités d'insectes (chenilles, araignées) et de larves qu'il attrape au vol ou à terre, pour en nourrir ses petits. Ses comportements de chasse — en piquant droit sur sa proie, en plein vol — peuvent être surprenants. Lorsqu'il niche sur des rivages côtiers, le rougequeue est très friand de minuscules crustacés[réf. nécessaire]. En automne, lorsqu'il ne trouve plus assez d'insectes, il se nourrit également de fruits et de baies[1],[7].

Reproduction[modifier | modifier le code]

Un nid avec les œufs.

La plupart des rougequeues sont monogames, mais il arrive que certains mâles aient deux femelles. Pour séduire sa partenaire, le mâle déploie ses ailes et sa queue devant elle[8]. Avant l'accouplement, les individus de chaque sexe effectuent des sortes de danses aériennes.

La nidification du rougequeue noir est semi-cavernicole[9]. À l'origine, il niche dans les falaises montagneuses et sur les pentes rocheuses escarpées. En ville, où il est très commun, il peut nicher dans la faille d'un vieux mur, sous un toit, derrière une gouttière ou même en haut d'une poutre[2],[3]. Il peut également tout à fait s'accommoder d'un nichoir semi-ouvert, imitant une faille de mur ou une simple fente[10]. À la suite des nombreux ravalements de façade et autres rénovations des vieilles bâtisses, son aire de nidification se réduit.

Très tôt dans l'année — dès mars, voire février —, le rouge-queue revient au même endroit pour nicher. Il construit toutefois systématiquement un nouveau nid[2]. Celui-ci est réalisé par la femelle et prend la forme d'un socle constitué d'une grosse coupole de mousses et d’herbes sèches. Chaque année, de mai à juillet, le passereau y couve deux à trois pontes de quatre à six œufs. Pourvus d'une écaille blanche, d'environ 2 cm de long[1],[3], les œufs sont incubés une quinzaine de jours. Une fois éclots, les petits sont nourris une nouvelle quinzaine de jours, puis, encore une autre quinzaine après leur envol[9]. Si un des petits vient à disparaître, la femelle l'appelle pendant un à trois jours, bravant les prédateurs — chats, chiens, etc. —, en les survolant en criant[réf. nécessaire].

Longévité[modifier | modifier le code]

Le rougequeue noir peut vivre jusqu'à cinq ans[3].

Chant et cris[modifier | modifier le code]

Audio du chant d'un rougequeue noir mâle (enregistré fin avril 2024 en Seine-Maritime)

Le chant du rougequeue est très caractéristique, ce qui permet de l'identifier aisément, mais aussi, de le localiser — quand il chante, il est le plus souvent perché en un endroit dégagé, tout en haut d'une antenne ou d'un toit[1]. L'élément le plus reconnaissable est un grincement en milieu de phrase, qui rappelle le bruit d'un papier froissé ou du verre brisé[2],[3].

Le chant dure trois à quatre secondes. Il commence par un rapide sifflement, quasiment un trille, qui aboutit à un silence. Parfois, la phrase s'arrête à ce silence, mais le chant complet continue ensuite avec le caractéristique grincement s'entendant crescendo à partir du silence[8]. Le grincement est directement suivi de la répétition rapide d'une note, tu tu tu tu tu, qui rappelle le rougequeue à front blanc. Ce dernier bout de phrase sifflé peut varier chez un même individu, mais cette variation s'accentue en fonction des régions : on peut donc parler de dialectes différents[11].

Sonogrammes du chant d'un rougequeue noir mâle fin avril 2024 en Seine-Maritime.

Le cri d'inquiétude ou de menace d'un rougequeue est très souvent un sit assez incisif et souvent répété, dont la fréquence de répétition traduit le degré d'inquiétude. Face à ses congénères, les cris répétés peuvent devenir plus secs et devenir tek-tek-tek. En effet, lors de l’installation de son nid, le rougequeue est un oiseau très territorial et très agressif face à la concurrence. Ses cris peuvent durer de longues minutes, jusqu'à ce que le danger disparaisse[8].

Le rougequeue noir et l'être humain[modifier | modifier le code]

Protection[modifier | modifier le code]

À l'échelon international, le rougequeue noir n'est pas considéré comme une espèce menacée par Birdlife International.

France[modifier | modifier le code]

Le rougequeue noir bénéficie d'une protection totale sur le territoire français depuis l'arrêté ministériel du relatif aux oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire[12]. Il est donc interdit de le détruire, de le mutiler, de le capturer ou de l'enlever, de le perturber intentionnellement ou de le naturaliser, ainsi que de détruire ou enlever ses œufs ou ses nids, et de détruire, altérer ou dégrader son milieu. Qu'il soit vivant ou mort, il est aussi interdit de le transporter, de l'utiliser, de le détenir, de le vendre ou de l'acheter. Toutefois, le rougequeue noir est largement répandu et souvent, commun dans son habitat.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e f et g « Rougequeue noir », sur www.lpo.fr (consulté le )
  2. a b c d e f g et h Lars Svensson, Killian Mullarney, Dan Zetterström et Peter J. Grant, Le guide ornitho, Paris, Delachaux et Niestlé,
  3. a b c d e et f Rob Hume, Guilhem Lasafre et Marc Duquet, Oiseaux de France et d’Europe, Londres, Larousse, (ISBN 2-03-560311-0)
  4. « TiF Checklist: MUSCICAPOIDEA II », sur jboyd.net (consulté le )
  5. Clements, J. F., P. C. Rasmussen, T. S. Schulenberg, M. J. Iliff, T. A. Fredericks, J. A. Gerbracht, D. Lepage, A. Spencer, S. M. Billerman, B. L. Sullivan, and C. L. Wood. (2023). The eBird/Clements checklist of Birds of the World: v2023. Téléchargé à ce lien
  6. Ornithomedia, « Identifier le mâle de la sous-espèce phoenicuroides du Rougequeue noir », sur Ornithomedia.com, (consulté le )
  7. a et b Pascal, M. & Clergeau, P. 2003. Le Rougequeue noir : Phoenicurus ochruros (S.G. Gmelin, 1774). In : Pascal, M., Lorvelec, O., Vigne, J.-D., Keith, P. & Clergeau, P. Évolution holocène de la faune de Vertébrés de France : invasions et extinctions. Rapport INRA/CNRS/MNHN: 242-243.
  8. a b et c André Bossus et François Charron, Guide des chants d’oiseaux d’Europe occidentale, Paris, Delachaux et Niestlé,
  9. a et b Oiseaux.net, « Rougequeue noir - Phoenicurus ochruros - Black Redstart », sur www.oiseaux.net (consulté le )
  10. Bruno Dubrac, Serge Nicolle et Hervé Michel, Guide des Oiseaux de Normandie, Scorbé-Clairvaux, Hypolaïs, (ISBN 2-913307-02-7)
  11. Tifany Volle, Sébastien Derégnaucourt, Rémi Chambon et Tudor-Ion Draganoiu, « Discrimination entre les chants du micro-dialecte local et les chants étrangers chez un oiseau chanteur, le rougequeue noir, Phoenicurus ochruros », 52ème Colloque de la Société Française pour l'Etude du Comportement Animal,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. Le statut juridique des oiseaux sauvages en France, Ligue pour la protection des oiseaux.

Annexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Jiří Félix, Oiseaux des Pays d'Europe, Paris, Gründ, coll. « La Nature à livre ouvert », , 17e éd., 320 p., 22 cm × 30 cm (ISBN 2-7000-1504-5), p. 261
  • Guy Mountfort et P.A.D Hollom, Guide des oiseaux de France et d'Europe, Delachaux et Niestlé, coll. « Les guides du naturaliste», Paris, 1994.