Rosati

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La société des Rosati est une goguette d'Arras fondée le 12 juin 1778, dont la dernière assemblée connue a lieu à l'automne 1787.

Elle est surtout célèbre pour avoir compté Lazare Carnot et Maximilien de Robespierre parmi ses membres.

Histoire des Rosati d'Arras

La société anacréontique des Rosati naît à Arras le 12 juin 1778.

Sa naissance est décrite dans un Extrait des feuilles volantes de la Société anacréontique :
Des jeunes hommes de familles aisées, réunis par l'amitié, le goût des vers, des roses et du vin, partirent jour de juin à cinq heures du matin et se réunirent dans un jardin, sous un berceau de troène et d'acacia que réfléchissait un ruisseau. Le lieu se trouvait dans un faubourg d'Arras, à Avesnes, non loin de l'abbaye de Notre-Dame d'Avesnes, sur les bords de la Scarpe. Chacun lut sa pièce de vers analogue au lieu et à l'atmosphère du moment. L'un des jeunes gens présents fouilla dans ses poches et en tira une quantité de roses fraîchement cueillies. On but à la reine des fleurs. Des impromptus jaillirent avec la mousse du Chambertin. Et, dans un moment d'inspiration, un chansonnier, poète et avocat d'Arras du nom de Louis-Joseph Le Gay s'écria : « Amis ! Qu'un jour si beau renaisse tous les ans, et qu'on l'appelle la “Fête des Roses” ! »[1]. Cette idée reçoit un accueil favorable et l'on trinque en disant « Profanes, loin d'ici ! Cet asile est sacré ! »[réf. nécessaire] C'est ainsi qu'a lieu l'inauguration du Berceau et que commence la Fête des Roses.

La société fondée ce jour-là reçoit le nom des Rosati, double hommage à la rose et à l'Artois, dont c'est l'anagramme. Son but et son mode d'intégration sont décrits ainsi dans une lettre à un de ses nouveaux membres, l'abbé Ménage, de Paris :

« Prendre un honnête délassement, s'éclairer des rayons de la vraie philosophie, rire de l'ambition et de mille riens importants, faire revivre le ton simple et franc de nos anciens auteurs en dépit de la précocité et de la morgue de plusieurs célébrités du jour, voilà le principal but des Rosati ; qui mieux que vous remplira leurs vues ?

La cérémonie de votre adoption n'est ni grave, ni fatigante. Vous cueillerez une rose, vous la respirerez trois fois, puis l'attacherez à votre boutonnière, vous viderez d'un trait (notez cette circonstance) un verre de vin rosé à la santé de tous les Rosati, passés, présents et futurs ; ensuite vous embrasserez, au nom de la société, une des personnes que vous aimez le mieux ; vous serez alors un vrai Rosati[2]. »

Le but principal des Rosati est donc l'étude de la « gaie science ». Ses travaux obligés consistent à faire l'éloge de la rose, la beauté, le vin et l'amour.

Les sociétaires se réunissent sous un « berceau de roses », devant les bustes de Chapelle, Chaulieu et Jean de La Fontaine qui président à leurs repas et chansons, tout couronnés de fleurs. Chaque couvert est marqué par un bouquet de roses.

Le Gay est le président de la société, tout le long de son existence qui dure neuf ans. À ce titre, il détient le sceau de la société représentant une rose à mille feuilles.

Les assemblées commencent au printemps, durent tout le temps de la saison des roses et s'achèvent à l'automne. À l'époque, on ne connait pas encore en France les roses du Bengale, dites remontantes, qui fleurissent une grande partie de l'année, sinon la période de réunions des Rosati aurait duré plus longtemps encore.

La société des Rosati est conçue comme une garçonnière en plein air. Les sociétaires ont le droit d'y amener femmes et jeunes filles exceptées celles d'Arras. Ainsi, ils peuvent cloisonner intrigues amoureuses de la ville et la campagne. Jusqu'où va la licence de leurs réunions champêtres, ensoleillées et arrosées de vin ? Probablement fort loin, sinon on ne voit pas pourquoi, a contrario, un de leurs admirateurs, l'historien Arthur Dinaux, a éprouvé le besoin de préciser que dans les joyeuses réunions alcoolisées de ces jeunes gens aisés d'Arras et jolies jeunes filles venues d'ailleurs : « La liberté la plus entière, mais sans indécence, régnait parmi les membres de cette société anacréontique qui se composait de magistrats, d'avocats, d'abbés, d'officiers du génie et de propriétaires de l'Artois »[3].

Il est fait une exception pour une femme d'Arras, acceptée comme membre de la société. Citée sous les initiales de « madame Ch… », elle est admise comme Rosata.

La société des Rosati compta une trentaine de membres, au nombre desquels : Le Gay, Hardouin, Sylva, Bertin, l'abbé Roman fondateur de l'académie bocagère du Valmuse, Charamond, Louis-Abel Beffroy de Reigny dit « le Cousin Jacques », Dubois de Fosseux, Dumeny, Lazare Carnot, capitaine au corps royal du génie en garnison à Arras, et Maximilien de Robespierre, alors avocat.

Le Rosati Charamond a revendiqué comme Rosati « sans le savoir » : La Fontaine, Anacréon, Horace, Chaulieu, Gresset et deux membres fondateurs de la première société du Caveau : Crébillon fils et Piron.

Carnot, entré dans la société en 1786, compose pour celle-ci le chant intitulé les Mœurs de mon Village, en neuf strophes, ainsi que plusieurs chansons bachiques. Son enthousiasme poétique pour les Rosati l'amène à prénommer son fils aîné Saadi en l'honneur du célèbre poète persan de ce nom.

Robespierre est admis aux Rosati en juin 1787. Il compose un poème pour cette occasion. Un de ses confrères en Apollon dépeint ainsi sa manière de chanter :

Ah ! redoublez d'attention !
J'entends la voix de Robespierre,
Ce jeune émule d'Amphion
Attendrirait une panthère

Un jour, les Rosati reçurent une députation de l'Académie bocagère du Valmuse venant les inviter en masse à faire une excursion dans leur bocage. Les députés étaient porteurs de diplômes qui conféraient à chaque Rosati le titre de Valmusien. Le Gay leur rédigea des remerciements en vers[4].

L'académie bocagère du Valmuse correspondait donc avec les Rosati. C'était d'autant plus aisé que le président des Rosati était lui-même Valmusien, et le fondateur des Valmusiens, Rosati.

La dernière assemblée des Rosati dont on conserve la trace a lieu à l'automne 1787.

Il existe un diplôme de Rosati rédigé en 1788 pour le poète Feutry, de Lille, rédigé par le Rosati Charamond, qui montre que la société fonctionne encore à ce moment-là.

Puis, comme l'écrit le goguettier et académicien Pierre Laujon  : « la Révolution vint imposer silence à tant de chants et fermer tant de lieux de divertissements »[5]. Ainsi s'interrompirent les activités de la deuxième société du Caveau, de la Dominicale, des Rosati et d'autres encore.

Postérité des Rosati

1797, la société des belles lettres à Paris

À Paris, en 1797, sous le Directoire, une société des belles lettres est créée avec notamment trois anciens Rosati : Lazare Carnot, Beffroy de Reigny et Dubois de Fosseux.

1877, deuxième société des Rosati à Arras

En 1877, à l'approche du centenaire de la fondation des Rosati, des poètes arrageois créent une nouvelle société du même nom. Son existence ne dure pas.

1890, la société des Rosati de Paris

Le Matin, 8 juin 1912.

Une société des Rosati de Paris naît dans les années 1890 à l'initiative de René Le Cholleux[6] et existe toujours. Elle porte aujourd'hui le nom de Rosati de France.

De 1892 à 1991, la société des Rosati de Paris a décerné des titres de « Rosati d'honneur »[7].

Le chansonnier et poète français Gustave Nadaud est mort le , peu de jours avant la date où il devait recevoir de cette société la distinction de la rose d'or[8].

1903, troisième société des Rosati à Arras

Début 1903, se plaçant dans la tradition des Rosati est créée à Arras par son maire, Adolphe Lenglet, Rosati de 1877, une troisième société des Rosati. Elle s'affirme dans la continuité de la première, fondée en 1778. Elle dispose au XXIe siècle d'un site internet. Entre autres activités, elle décerne une récompense : une rose d'or.

Hommages

Une rue d'Arras et une rue de Saint-Laurent-Blangy portent aujourd'hui le nom de rue des Rosati.

Jules Gravereaux, fondateur en 1892 et propriétaire de la roseraie de L'Haÿ — aujourd'hui dénommée Roseraie du Val-de-Marne — créa en 1906, en l'honneur de ses amis Rosati, une rose baptisée Les Rosati. C'est également pour eux qu'il dota son jardin d'un théâtre de verdure, le théâtre des roses, afin qu'ils puissent se produire dans le cadre enchanteur de la roseraie.

La ville de Fontenay-aux-Roses créa un théâtre de verdure dans le parc Sainte-Barbe, exacte réplique de celui construit à Arras en 1928 pour les Rosati. La sculpture du fond de scène était l'œuvre du sculpteur Augustin Lesieux (1877-1964); elle a entièrement disparu entre 1970 et 1980[9]. Lesieux créa également en 1931 une sculpture monumentale, Rosine, pour la fête des Rosati[10].

Notes et références

  1. La rose, une passion française (1778-1914), par François Joyaux - Éditions Complexe, 2001 - 249 pages
  2. Lettre à M. l'abbé Ménage (à Paris), en lui octroyant le diplôme de Rosati, citée par Arthur Dinaux, page 170 de son ouvrage posthume Les sociétés badines, bachiques, littéraires et chantantes leur histoire et leurs travaux, revu et classé par Gustave Brunet, Bachelin-Deflorenne éditeur, Paris, 1867.
  3. Arthur Dinaux, ouvrage posthume, Les sociétés badines, bachiques, littéraires et chantantes leur histoire et leurs travaux, revu et classé par Gustave Brunet, Bachelin-Deflorenne éditeur, Paris, 1867, page 173.
  4. Archives historiques et littéraires du Nord de la France et du Midi de la Belgique, Volume 6, page 92, Au Bureau des Archives., 1830.
  5. Pierre Laujon, « Dîners joyeux », in Œuvres choisies, tome IV, Paris, Léopold Collin éditeur, 1811, pages 237-387.
  6. René Le Colleux sur data.bnf.fr.
  7. Liste des Rosati d'honneur depuis 1892, Archives de Fontenay-aux-Roses
  8. R. Le Cholleux, Notice sur Gustave Nadaud, 1901.
  9. Celle d'Arras est toujours visible.
  10. L'Archive de la Quinzaine, no 198, ville de Fontenay-aux-Roses, janvier-février 2012.

Annexes

Sources