Pédagogie coopérative

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Le terme de pédagogie coopérative recouvre des pratiques très diverses qui ont toutes en commun de promouvoir une part d’action commune entre élèves dans le cadre des apprentissages. La pédagogie coopérative s'inscrit dans l'ensemble des pédagogies collaboratives dont une des plus anciennes est l'enseignement mutuel[1]. Parmi les modèles de pédagogie coopérative les plus fréquemment cités, on peut citer la pédagogie de Célestin Freinet[2], les expérimentations de Roger Cousinet[3], celles de Sylvain Connac[4] ou de Jim Howden[5], qui diffèrent à la fois sur le plan technique, par leurs fondements théoriques et par leurs résultats.

Pédagogie coopérative dans une classe de Taïwan

Les pratiques pédagogiques coopératives reposent souvent sur une conception de l'éducation qui place l'élève en tant qu'acteur de ses apprentissages, capable de participer à l'élaboration de ses compétences en coopération avec l'enseignant et ses pairs. L'acquisition des connaissances résulte alors d'une « collaboration du maître et des élèves, et des élèves entre eux, au sein d'équipes de travail »[6].

Essentiellement présentes dans le premier degré de par leurs origines, les pédagogies coopératives s'implantent dans des collèges et des lycées depuis le début du XXIe siècle avec les expériences de La Ciotat et Mons-en-baroeul (clairement revendiquées Freinet) mais aussi Perpignan, Calais, Le Vigan, Eaubonne.

Les diverses pratiques pédagogiques coopératives font l’objet de jugements et d’évaluation variés. La pédagogie Freinet notamment a montré des résultats positifs dans le contexte étudié par Yves Reuter[7]. Plus globalement, les méthodes actives, auxquelles appartiennent les pratiques coopératives, ont montré leur efficacité dans différents contextes[8]. Les méta-analyses de John Hattie montrent une réelle efficacité de certaines pratiques coopératives (Jigsaw ou enseignement réciproque)[9]. Une étude à partir de 160 recherches a également montré des effets positifs de l'apprentissage coopératif sur le rendement des élèves, mais également sur leurs attitudes scolaires et leurs habiletés sociales et relationnelles[10]. Certaines méthodes coopératives sont au contraire critiquées à cause de leur faible efficacité. C'est le cas de recherches en psychologie de l'apprentissage, portant sur la question de la charge cognitive : de nombreuses expériences ont montré que les méthodes basées sur une résolution de problèmes trop précoce sont nettement moins efficaces que les méthodes qui utilisent des exemples travaillés et une très forte guidance de la part du professeur [11]. Certains travaux en philosophie de l'éducation proposent, quant à eux, un discours sur la pédagogie coopérative qui est à la fois élogieux et critique, en cherchant à montrer les forces et les limites de ces pratiques[12].

Origines et valeurs[modifier | modifier le code]

La coopération est, à l'origine, un système économique et social, une réponse à un besoin, un manque ressenti dans une structure économique.
C'est « l'association volontaire d'usagers ou de producteurs au sein d'une entreprise commune, gérée par eux-mêmes, sur la base de l'égalité de leurs droits ou obligations, dans le but non de réaliser un profit, mais de se rendre service ». Être coopérateur, c'est travailler avec les autres en acceptant que le produit de cette coopération appartienne à tous, communautairement.

Le système coopératif assure l'entraide, la liberté de faire, de dire et de penser au sein du groupe, tout en garantissant le respect de chaque individu.

La pédagogie coopérative est une approche pédagogique complexe qui forme l'apprenant à coopérer pour apprendre, tout en l'amenant à apprendre à coopérer. L'approche se base sur des valeurs comme le partage, le respect, l'encouragement, etc. Elle propose un grand nombre d'outils (méthodes, structures, etc.) fondés, partiellement ou totalement, sur les principes énoncés par Johnson & Johnson (1994):

  1. des interactions simultanées constructives en petits groupes hétérogènes,
  2. une interdépendance positive entre les apprenants,
  3. une responsabilité individuelle et collective,
  4. un entraînement explicite des habiletés coopératives indispensables à un fonctionnement de groupe efficace,
  5. la discussion et l’évaluation des processus de groupe.

Il s'agit d'une des deux traductions d'un courant pédagogique nommé le cooperative learning. Certains auteurs (p. ex., Howden & Kopiec, 2000; Louis, 1995; Lehraus & Rouiller 2008, Rouiller & Howden 2010), ont en effet préféré cette traduction à apprentissage coopératif choisie par d'autres (p. ex., Abrami et al., 1996; Sabourin, 2002) pour mettre en évidence l’importante composante d’enseignement constitutive de l’approche, dépassant la simple juxtaposition de méthodes et/ou de buts idéologiques. L’apprentissage coopératif désigne alors plutôt dans ce contexte l’activité d’apprentissage de l’élève au sein des situations d’enseignement/apprentissage proposées dans le cadre de la pédagogie coopérative.

La pédagogie coopérative a en quelque sorte deux origines: elle est née des travaux de Deutsch du côté nord américain, et peut se situer dans le prolongement des travaux de Freinet en Europe. Dans cette seconde perspective, elle correspond à une conception nouvelle des droits et du statut de l'enfant, qui entraîne également un changement radical du statut de l'enseignant dans le cadre scolaire.[réf. nécessaire] Le changement de statut de l'enfant qui « menace l'ordre social » a été le motif de l'interdiction des écoles mutuelles (ancêtres de la pédagogie coopérative) par l’Église catholique[13]. Et le risque d'amoindrissement du « rôle central du maître » a fait préférer la méthode simultanée au ministre Guizot, méthode qui s’imposât et conduisit Freinet à développer ses méthodes hors de l'école publique[14].

L'élève devient un citoyen "en construction", capable d'assumer des responsabilités, libre de prendre des initiatives et d'aider ceux qui sont en difficulté. Pour un historique de la coopération en classe des deux côtés de l’Atlantique ainsi qu’une situation du courant de pédagogie coopérative parmi d’autres approches de la coopération en classe, le lecteur pourra se référer à Rouiller & Lehraus (2008), à Baudrit (2005) ou à Rouiller (1998).

Les objectifs de la pédagogie coopérative sont de :

  • lutter contre l'échec scolaire,
  • donner les savoirs à tous,
  • respecter les différences et les prendre en compte,
  • développer l'esprit d'initiative et d'entreprise,
  • développer la participation, l'autonomie et la responsabilité,
  • apprendre à coopérer,
  • coopérer pour apprendre,
  • motiver et concerner l'élève en le rendant acteur de ses apprentissages.

Elle suppose donc un fonctionnement de classe particulier, où tout ou partie des compétences et connaissances sont acquises coopérativement.

Statut de l'enfant[modifier | modifier le code]

L'enfant dans la pédagogie coopérative a l'occasion d'être actif, acteur de son appropriation du savoir. Néanmoins, mécaniquement, des rôles différents seront amenés à être proposés, qui iront de leader à simple exécutant.

Anton Makarenko a donc apporté une précision importante: les tâches exécutées devront tourner parmi les élèves. Chacun doit pouvoir jouer le rôle d'expert dans un domaine et en faire profiter le groupe[15].


Un contrat avec l'élève : appropriation des savoirs[modifier | modifier le code]

Un projet et des pratiques[modifier | modifier le code]

Le projet d'Université partagée Lyon Zéro vise la mise en application de la pédagogie coopérative à l'échelle universitaire. Le Collège Coopératif, en partenariat avec diverses universités et constitué dans plusieurs régions, propose notamment le cursus du Diplôme des Hautes Études des Pratiques Sociales (DHEPS).

L'ensemble scolaire Sainte Ursule - Louise de Bettignies à Paris met en œuvre un projet de développement de la pédagogie coopérative de la maternelle à la Terminale[16].

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Alain Baudrit, L’Apprentissage coopératif, Bruxelles: De Boeck, 2005
  • Jacques Carbonnel et Jacques George (dir.), La Pédagogie coopérative, Cahiers Pédagogiques, n° 347, .
  • Guillaume Caron, Laurent Fillion, Céline Scy et Yasmine Vasseur, Osez les pédagogies coopératives au collège et au lycée, Collection Pédagogies, ESF éditeur, 2018.
  • Sylvain Connac, Apprendre avec les pédagogies coopératives, Collection Pédagogies, ESF éditeur, 2013
  • Jim Howden et Huguette Martin, La coopération au fil des jours : des outils pour apprendre à coopérer, Montréal-Toronto: La Chenelière/McGraw-Hill, 1997
  • Jim Howden et Marguerite Kopiec, Structurer le succès: un calendrier d'implantation de la coopération, Montréal-Toronto: La Chenelière/McGraw-Hill, 1999
  • Jim Howden et Marguerite Kopiec, Ajouter aux compétences: Enseigner, coopérer et apprendre au post-secondaire, Montréal-Toronto: La Chenelière/McGraw-Hill, 2000
  • Baptiste Jacomino, Solitude et coopération, Penser l'éducation, 2011, n°29, pp.83-98[17].
  • Baptiste Jacomino, Freinet et la coopération, Les Cahiers Pédagogiques, http://www.cahiers-pedagogiques.com/Freinet-et-la-cooperation
  • Sous la direction de Christian Mazurier et Claude Thiaudière, pour une méthode coopérative d'éducation, Office central de la coopération à l'école, 1989
  • Georges Prévot, La Coopération scolaire et sa pédagogie, coll. Sciences de l'éducation, sous la direction de Daniel Zimmermann, éditions [ESF éditeur], 1972
  • Yviane Rouiller et Jim Howden, La pédagogie coopérative : Reflets de pratiques et approfondissements, Montréal : Chenelière Éducation, 2010
  • Yviane Rouiller et Katia Lehraus (dir.) Pédagogie de la coopération : rencontres et perspectives, Berne : Peter Lang, 2008

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Office central de la coopération à l'école

Liens externes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Marc Belpois et Marion Rousset, « La coopération, c'est la classe ! En France, le grand boom des pédagogies collaboratives », sur Télérama, (consulté le )
  2. « Freinet et la coopération - Les Cahiers pédagogiques », sur www.cahiers-pedagogiques.com (consulté le )
  3. « Grands pédagoques : Roger Cousinet », sur www.icem-pedagogie-freinet.org (consulté le )
  4. « La coopération, c’est politique ! - Les Cahiers pédagogiques », sur www.cahiers-pedagogiques.com (consulté le )
  5. « Auteur-Jim-Howden », sur www.cheneliere.ca (consulté le )
  6. Jacques Carbonnel, Jacques George, La Pédagogie coopérative, Cahiers pédagogiques no 347
  7. Delamotte-Legrand, Régine, « Reuter Yves (dir.). Une école Freinet. Fonctionnements et effets d’une pédagogie alternative en milieu populaire. Paris : L’Harmattan, 2007. – 264 p. », Revue française de pédagogie. Recherches en éducation, no 161,‎ (ISSN 0556-7807, lire en ligne, consulté le )
  8. « SENSIBILISATION DES ENSEIGNANTS AUX METHODES ACTIVES : QUEL IMPACT ET QUELLE EFFICACITE SUR LE TERRAIN ? »
  9. Visible learning John Hattie 2007
  10. Isabelle Plante, « L’apprentissage coopératif : des effets positifs sur les élèves aux difficultés liées à son implantation en classe », Canadian Journal of Education/Revue canadienne de l'éducation, vol. 35, no 4,‎ , p. 252–283 (ISSN 1918-5979, lire en ligne, consulté le )
  11. Why Minimal Guidance During Instruction Does Not Work: An Analysis of the Failure of Constructivist, Discovery, Problem-Based, Experiential, and Inquiry-Based Teaching
  12. « Voir notamment, dans la revue Penser l'éducation, l'article sur la philosophie de l'éducation d'Alain intitulé "Solitude et Coopération" par B.Jacomino »
  13. Marc Belpois et Marion Rousset, « En France, le grand boom des pédagogies collaboratives », Citation de Nathalie Mons, présidente du Centre national d’études du système scolaire, sur Télérama, (consulté le ) : « reconnaître une forme d’autorité aux enfants eux-mêmes menace l’ordre social »
  14. Marc Belpois et Marion Rousset, « En France, le grand boom des pédagogies collaboratives », Citation de Nathalie Mons, présidente du Centre national d’études du système scolaire, sur Télérama, (consulté le ) : « La méthode dite “simultanée” organise au contraire la répartition des élèves par niveau scolaire, une place fixe et individuelle, une discipline stricte et le rôle central du maître dans la trans-mission du savoir aux élèves. C’est François Guizot, ministre de l’Instruction publique de Louis-Philippe, qui soucieux de développer une éducation dirigée par l’État tranchera en 1833 en faveur de cette seconde méthode. »
  15. fairecours, « La pédagogie coopérative », sur Faire cours, (consulté le )
  16. 2ad informatique, « Ensemble Scolaire Sainte Ursule Paris 17 - Ecole Collège Lycée général », sur www.ste-ursule.fr (consulté le )
  17. « Revue Penser l'éducation »