Mosaïque de Magerius
Mosaïque de Magerius | |
Type | Mosaïque |
---|---|
Dimensions | 4,20 m × 2,20 m[A 1] |
Matériau | Marbre |
Période | IIIe siècle |
Culture | Rome antique |
Date de découverte | 1962 |
Lieu de découverte | Smirat (délégation de Moknine) |
Conservation | Musée archéologique de Sousse |
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La mosaïque de Magerius, appelée aussi mosaïque de Smirat ou mosaïque de la chasse à l'amphithéâtre, est une mosaïque romaine datée du IIIe siècle et découverte à Smirat (délégation de Moknine). Elle est conservée au musée archéologique de Sousse et est un précieux témoin de l'organisation des jeux qui se déroulaient dans les amphithéâtres.
Histoire et localisation
[modifier | modifier le code]Histoire antique
[modifier | modifier le code]La mosaïque est datée du deuxième quart du IIIe siècle[F 1], des années 235-250 (voire 240-250[A 2]) selon Azedine Beschaouch, à partir d'une étude de la coiffure du personnage principal[A 3].
Redécouverte
[modifier | modifier le code]La mosaïque est découverte de manière fortuite en 1962 au lieudit Oglat Beni Khira, à Smirat[B 1] dans la délégation de Moknine, la région des anciennes Hadrumète (Sousse) et Thysdrus (El Jem). Le site de Smirat n'est pas identifié à une localité antique[A 1].
Description
[modifier | modifier le code]La mosaïque est importante car elle raconte à la fois par les images et le texte une journée de jeux d'amphithéâtre[B 1],[E 1].
Composition
[modifier | modifier le code]La mosaïque, constituée de tesselles de marbre, se présente sous la forme de scènes avec des images et des textes. Le panneau central mesure 4,20 mètres sur 2,20[A 4].
Description des images
[modifier | modifier le code]Quatre bestiaires, dont on connaît les noms (Spittara, Bullarius, Hillarinus, Mamertinus) sont en train de lutter contre des léopards dont a également le nom[F 2]. Différentes phases de combat sont présentées[B 1] : Spittara, qui porte des échasses, transperce un fauve appelé Victor. Bullarius, quant à lui, est aux prises avec Crispinus, secondé par Hilarius qui a mis hors de combat Luxurius, encore dressé sur ses pattes mais blessé grièvement. Mamertinus combat Romanus, qui est debout[F 2],[A 5]. Les léopards sont représentés de façon réaliste, et la représentation est saisissante, comme la scène de Crispinus attaqué par les deux bestiaires et qui est « une réussite remarquable »[F 1].
Les bestiaires sont vêtus d'une tunique et d'un caleçon, sauf Spittara, qui est peut-être esclave selon Mohamed Yacoub ; ils ont en outre des bandages aux membres inférieurs. Ces personnages ont « des traits fortement individualisés »[F 3].
Le commanditaire qui prend en charge le spectacle s'appelle Magerius[B 1] ; il est représenté au milieu des différentes scènes de combats entre hommes et animaux[E 1], vêtu de pourpre et qui porte un sceptre[F 4]. La représentation du commanditaire est un peu lacunaire mais a pu être restituée.
La mosaïque représente deux divinités : Diane à gauche, dont le haut du carquois est visible[A 6] et qui porte une tunique et une tige de millet ; Dionysos, presque nu, qui porte une hampe avec un croissant[A 7], le symbole de la sodalité des Telegenii[F 1].
Au milieu de la mosaïque est représenté un serviteur, aux cheveux longs et vêtu d'une riche tunique, avec un plateau et quatre sacs[F 4].
Texte
[modifier | modifier le code]Deux longs textes sont présents de part et d'autre du serviteur muni des bourses[F 4]. Les noms des bestiaires et des léopards figurent sur la mosaïque, et on y trouve deux invocations à Magerius[F 4].
L'inscription de gauche annonce la fin du spectacle : des chasseurs sont figurés au moment où des léopards s'effondrent alors qu'un texte explique que le dernier moment du spectacle est celui du paiement des festivités[A 8]. Un héraut demande 500 deniers par léopard[A 4]. C'est un crieur public qui fait l'annonce[A 6].
Sur la droite, l'inscription indique que le peuple acclame Magerius[F 4]. L'inscription expose la réponse de la foule au héraut et pousse Magerius à payer ; elle lui force la main[A 9] et compare le spectacle à ceux donnés par les questeurs à Rome[F 4], pour le flatter. Magerius cède à la foule et paye[A 10], mais uniquement à la fin de la journée, en se faisant prier[A 11]. Magerius débourse le double de la somme demandée, soit 4 000 deniers présentés sur quatre sacs[B 1],[F 5] et se révèle un « évergète somptueux »[A 11]. La foule acclame alors le généreux donateur[B 1],[E 1].
L'argent est versé aux Telegenii, « troupe de venatores »[A 2] et groupe organisateur connu comme sodalité par d'autres documents, qui avaient pour symbole un croissant sur hampe figuré sur la mosaïque[A 12] et pour divinité protectrice Dionysos[A 13].
Interprétation
[modifier | modifier le code]Témoin des goûts des classes dominantes
[modifier | modifier le code]L'artiste est appartient au « grand courant expressionniste du IIIe siècle »[A 3].
La mosaïque porte témoignage des « goûts et [des] préoccupations de la bourgeoisie africaine », et son goût pour des représentations de scènes de la vie quotidienne[E 1]. Les loisirs et les occupations des élites africaines sont désormais relatés dans la mosaïque[E 1].
Le spectacle est l'occasion pour Magerius de se faire représenter sur la mosaïque, et se mêlent dans l'œuvre « le sacré et le profane » : Magerius souhaite avoir la faveur des divinités et rappeler sa générosité[F 6]. Certains membres des classes dominantes ont préféré des représentations d'actions davantage nobles, comme la chasse, la gestion de leur domaine ou d'autres loisirs[E 1].
Témoin de l'évergétisme d'un membre de l'élite locale
[modifier | modifier le code]La mosaïque est destinée à orner la demeure de Magerius et donc à perpétuer le souvenir de cette action d'évergétisme[B 1],[E 1].
Cet évergétisme témoigne en quelque sorte d'une imitation de ce qui se passe à Rome dans la procédure des jeux questoriens, une situation d'« évergétisme municipal »[A 14].
Témoin du rôle de sodalités dans la vie quotidienne
[modifier | modifier le code]Un certain nombre d'autres sodalités exerçaient leur activité dans l'Afrique romaine, avec des emblèmes et des divinités tutélaires diverses. Six d'entre elles sont citées, outre les Telegenii[A 15], par Azedine Beschaouch dans son article de 1977. Les sodalités connues s'appelaient Telegenii, Pentasii ou Tauricei et jouaient un rôle économique[B 1].
Les sodalités avaient une organisation complexe[C 1]. Outre le rôle d'organisateur de spectacles, elles pouvaient orchestrer des obsèques et avoir un rôle économique non négligeable, dont celui d'exportateur d'huile d'olive[E 2], voire d'armateur[D 1], et donc des activités lucratives[F 7].
Notes et références
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- La mosaïque de chasse à l'amphithéâtre découverte à Smirat en Tunisie
- Beschaouch 1966, p. 134.
- Beschaouch 1966, p. 150.
- Beschaouch 1966, p. 148.
- Beschaouch 1966, p. 138.
- Beschaouch 1966, p. 134-135.
- Beschaouch 1966, p. 135.
- Beschaouch 1966, p. 154.
- Beschaouch 1966, p. 136.
- Beschaouch 1966, p. 139-140.
- Beschaouch 1966, p. 141.
- Beschaouch 1966, p. 143.
- Beschaouch 1966, p. 151-152.
- Beschaouch 1966, p. 156.
- Beschaouch 1966, p. 143-145.
- Beschaouch 1966, p. 157.
- Histoire générale de la Tunisie, vol. I « L'Antiquité »
- Slim et al. 2003, p. 249.
- Nouvelles observations sur les sodalités africaines
- Beschaouch 1985, p. 469-475.
- Nouvelles recherches sur les sodalités de l'Afrique romaine
- Beschaouch 1977, p. 498-500.
- La Tunisie antique
- Slim et Fauqué 2001, p. 203.
- Slim et Fauqué 2001, p. 179.
- Splendeurs des mosaïques de Tunisie
- Yacoub 1995, p. 274.
- Yacoub 1995, p. 273.
- Yacoub 1995, p. 273-274.
- Yacoub 1995, p. 275.
- Yacoub 1995, p. 275-276.
- Yacoub 1995, p. 276.
- Yacoub 1995, p. 271.
Voir aussi
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Ouvrages généraux
[modifier | modifier le code]- Azedine Beschaouch, « Nouvelles observations sur les sodalités africaines », CRAI, vol. 129, no 3, , p. 453-475 (lire en ligne). .
- Azedine Beschaouch, « Nouvelles recherches sur les sodalités de l'Afrique romaine », CRAI, vol. 121, no 3, , p. 486-503 (lire en ligne). .
- Hédi Slim, Ammar Mahjoubi, Khaled Belkhodja et Abdelmajid Ennabli, Histoire générale de la Tunisie, vol. I : L'Antiquité, Paris, Maisonneuve et Larose, , 460 p. (ISBN 978-2-706-81695-6). .
- Hédi Slim et Nicolas Fauqué, La Tunisie antique : de Hannibal à saint Augustin, Paris, Mengès, , 259 p. (ISBN 978-2-856-20421-4). .
- Mohamed Yacoub, Splendeurs des mosaïques de Tunisie, Tunis, Agence nationale du patrimoine, , 421 p. (ISBN 9973917235). .
Travaux sur la mosaïque
[modifier | modifier le code]- Azedine Beschaouch, « La mosaïque de chasse à l'amphithéâtre découverte à Smirat en Tunisie », CRAI, vol. 110, no 1, , p. 134-157 (lire en ligne). .
Articles connexes
[modifier | modifier le code]Liens externes
[modifier | modifier le code]- Zaher Kammoun, « Les combats dans les amphithéâtres dans les mosaïques romaines en Tunisie », sur zaherkammoun.com, (consulté le ).