Liaison banane
En chimie, une liaison banane est un type de liaison covalente ayant une géométrie coudée évoquant une banane[1],[2]. Ce terme fait référence à la forme arquée du volume de plus grande densité électronique entre les noyaux atomiques de petites molécules organiques cycliques comme le cyclopropane C3H6 ou à la représentation des doubles ou triples liaisons comme alternative au modèle de liaisons σ et de liaisons π.
Petites molécules organiques cycliques
[modifier | modifier le code]Les liaisons banane sont des liaisons chimiques particulières dans lesquelles l'état d'hybridation ordinaire de deux atomes établissant une liaison est modifié par accroissement ou réduction de la composante de l'orbitale atomique s pour s'accommoder d'une géométrie contrainte[3],[4],[5],[6]. De telles liaisons se rencontrent dans des composés tels que le cyclopropane C3H6, l'oxyde d'éthylène C2H4O et l'aziridine C2H4NH.
Les atomes de carbone de ces composés ne peuvent respecter l'angle de liaison de 109,5° de l'hybridation sp3 standard. Accroître leur composante p jusqu'à une hybridation sp5 — c'est-à-dire 1⁄6 s et 5⁄6 p[7] — permet d'atteindre un angle de liaison de 60°. Les liaisons C–H acquièrent par conséquent un caractère s plus prononcé qui les raccourcit. Dans le cyclopropane, la densité électronique la plus élevée ne se trouve pas le long de l'axe internucléaire, d'où le terme de liaison banane rendant compte de cette géométrie arquée, avec un angle interorbital de 104°. Les liaisons C–C du cyclopropane sont plus courtes que celle du propane : 151 pm contre 153 pm[8].
Le cyclobutane C4H8 a un cycle plus grand mais ses liaisons sont également contraintes. Dans cette molécule, les angles de liaison du carbone sont de 90° pour la configuration plane et 88° pour la configuration gauche. Contrairement à ce qu'on observe pour le cyclopropane, les liaisons C–C du cyclobutane sont plus longues que celles du butane C4H10, essentiellement par effet stérique 1,3 entre les atomes de carbone non liés. Le cyclobutane est chimiquement relativement inerte, avec une réactivité comparable à celle des alcanes ordinaires.
Doubles et triples liaisons
[modifier | modifier le code]Dans les années 1930, deux explications différentes ont été proposées pour rendre compte de la nature des doubles et triples liaisons dans les molécules organiques. Linus Pauling considérait que les doubles liaisons résultaient de deux orbitales tétraédriques équivalentes de chaque atome de carbone[9], ce qui fut plus tard appelé liaisons banane ou liaisons tau[10]. Erich Hückel considérait quant à lui qu'une double liaison est une combinaison d'une liaison σ et d'une liaison π[11],[12],[13]. La représentation de Hückel est la plus connue et c'est celle qu'on trouve dans la plupart des manuels depuis la fin du XXe siècle.
Les deux modèles représentent la même densité électronique totale, les orbitales étant liées par transformation unitaire. Il est possible de construire les deux orbitales h et h’ équivalentes d'une liaison banane à l'aide des combinaisons linéaires h = c1σ + c2π et h’ = c1σ – c2π avec les coefficients c1 et c2 appropriés.
Ces deux descriptions sont aujourd'hui considérées comme équivalentes en l'état actuel de nos connaissances[5],[14].
Notes et références
[modifier | modifier le code]- Julien Janssens et Raphaël Robiette, « Étude et application de nouveaux réarrangements de cyclopropanes donneurs-accepteurs », sur dial.uclouvain.be, UCLouvain, (consulté le ).
- (en) Nathan L. Bauld, « Ring Strain in Cyclopropane », sur research.cm.utexas.edu, Université du Texas (consulté le ).
- (en) Louis Burnelle et Joyce J. Kaufman, « Molecular Orbitals of Diborane in Terms of a Gaussian Basis », The Journal of Chemical Physics, vol. 43, no 10, , p. 3540-3545 (DOI 10.1063/1.1696513, Bibcode 1965JChPh..43.3540B, lire en ligne)
- (en) Martin Klessinger, « Triple Bond in N2 and CO », The Journal of Chemical Physics, vol. 46, no 8, , p. 3261-3262 (DOI 10.1063/1.1841197, Bibcode 1967JChPh..46.3261K, lire en ligne)
- (en) Kenneth B. Wiberg, « Bent Bonds in Organic Compounds », Accounts of Chemical Research, vol. 29, no 5, , p. 229-234 (DOI 10.1021/ar950207a, lire en ligne)
- (en) F. A. Carey et R. J. Sundberg, Advanced Organic Chemistry, 1985. (ISBN 0-306-41198-9)
- (en) Armin de Meijere, « Bonding Properties of Cyclopropane and Their Chemical Consequences », Angewandte Chemie International Edition, vol. 18, no 11, , p. 809-826 (DOI 10.1002/anie.197908093, lire en ligne)
- (en) Frank H. Allen, Olga Kennard, David G. Watson, Lee Brammer, A. Guy Orpen et Robin Taylor, « Tables of bond lengths determined by X-ray and neutron diffraction. Part 1. Bond lengths in organic compounds », Journal of the Chemical Society, Perkin Transactions 2, vol. 1987, no 2, , S1-S19 (DOI 10.1039/P298700000S1, lire en ligne)
- (en) Linus Pauling, « The nature of the chemical bond. Application of results obtained from the quantum mechanics and from a theory of paramagnetic susceptibility to the structure of molecules », Journal of the American Chemical Society, vol. 53, no 4, , p. 1367-1400 (DOI 10.1021/ja01355a027, lire en ligne)
- (en) Claude E. Wintner, « Stereoelectronic effects, tau bonds, and Cram's rule », Journal of Chemical Education, vol. 64, no 7, , p. 587 (DOI 10.1021/ed064p587, Bibcode 1987JChEd..64..587W, lire en ligne)
- (de) E. Hückel, « Zur Quantentheorie der Doppelbindung », Zeitschrift für Physik, vol. 60, nos 7-8, , p. 423-456 (DOI 10.1007/BF01341254, Bibcode 1930ZPhy...60..423H)
- (en) William George Penney, « The theory of the structure of ethylene and a note on the structure of ethane », Proceedings of the Royal Society A, vol. 144, no 851, , p. 166-187 (DOI 10.1098/rspa.1934.0041, Bibcode 1934RSPSA.144..166P, lire en ligne)
- (en) William George Penney, « The theory of the stability of the benzene ring and related compounds », Proceedings of the Royal Society A, vol. 146, no 856, , p. 223-238 (DOI 10.1098/rspa.1934.0151, lire en ligne)
- (en) Ian Fleming, Molecular Orbitals and Organic Chemical Reactions, Ref. ed., Wiley, 2010, p. 61. (ISBN 978-0-470-74658-5)