Barrage de Marib

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Barrage de Marib
Géographie
Pays
Gouvernorat
Nom (en langue locale)
سد مأرب
Coordonnées
Cours d'eau
Wadi Adhanah
Objectifs et impacts
Vocation
Propriétaire
Date de mise en service
750 à 700 av. J.-C.
Barrage
Type
Hauteur
(lit de rivière)
14 m
Longueur
580 m
Irrigation
Surface irriguée
10 000 ha
Géolocalisation sur la carte : Yémen
(Voir situation sur carte : Yémen)

Le barrage de Marib était un barrage construit vers 750 à 700 av. J.-C. en travers du Wadi Adhanah afin de permettre l'irrigation de terres agricoles autour de Marib, une ville de l'actuel Yémen. Il est considéré comme étant le plus ancien barrage hydraulique du monde et consistait en une digue de terre du même type que les barrages en remblai. Sa rupture vers 570 ou 575 entraîne la destruction des systèmes d'irrigation et l'exode de 50 000 personnes, marquant la fin du royaume d'Himyar.

Caractéristiques[modifier | modifier le code]

Vue des ruines de l'antique Marib, ancienne capitale des royaumes de Saba et d'Himyar dont la prospérité est lié à l'irrigation permise par le barrage.

Le barrage était placé en travers du Wadi Adhanah, un oued descendant des montagnes de l'actuel Yémen et se dirigeant vers l'erg Sabatain, une portion du Rub al-Khali[1]. Il était situé au débouché des montagnes et s'appuyait sur les deux côtés de la vallée en amont de la ville de Marib, ancienne capitale du royaume de Saba.

Il consistait en un ouvrage de terre de 580 mètres de longueur pour quatre mètres de hauteur au moment de sa construction vers 750 à 700 av. J.-C. Vers 500 av. J.-C., le barrage est rehaussé à sept mètres, un parement en pierre est mis en place côté retenue et les surfaces irriguées sont étendues au nord et au sud du lac. Une nouvelle reconstruction est entreprise par les Himyarites, les habitants d'un nouveau royaume remplaçant celui de Saba dans la région vers 115 av. J.-C. Ces derniers rehaussent une nouvelle fois le barrage qui atteint quatorze mètres de hauteur et ils développent les infrastructures d'irrigation.

Malgré les travaux de renforcement et d'agrandissement, le barrage se rompt à plusieurs reprises comme en 449, 450, 542 et 548, augmentant par la même occasion le coût d'entretien et de réparation. Sa dernière rupture se produit vers 570 ou 575. Le lac se vide entièrement, les systèmes d'irrigation ne sont plus alimentés et la population quitte la région, provoquant la chute du royaume d'Himyar.

Les ruines du barrage sont toujours visibles non loin de celles de l'antique Marib.

En 1986, un nouveau barrage est construit trois kilomètres en amont de l'ancien barrage afin de permettre l'irrigation.

Dans le Coran[modifier | modifier le code]

Une rupture de barrage est relatée dans le Coran. Elle serait une punition infligée aux incrédules[2]. Ce barrage est assuré être celui de Marib même s'il est « improbable » que ce passage soit un récit historique[3].

« Il y avait assurément, pour la tribu de Saba un Signe dans leurs habitats ; deux jardins, l'un à droite et l'autre à gauche. « Mangez de ce que votre Seigneur vous a attribué, et soyez-Lui reconnaissants : une bonne contrée et un Seigneur Pardonneur. »

Mais ils se détournèrent. Nous déchaînâmes contre eux l'inondation du Barrage et leur changeâmes leurs deux jardins en deux jardins aux fruits amers, tamaris et quelques jujubiers. »

— Coran, op. cit. Sourate 34, versets 15/16.

Le terme utilisé pour désigner ce barrage est el-'Arim, terme attesté dans les inscriptions himyarites pour le désigner. Les « deux jardins » peuvent désigner les deux espaces irrigués par cette retenue d'eau. Le wadi Dhana sépare ces deux espaces[2]. Pour van Reeth, à l'inverse, cette description des deux jardins est une confusion avec Soba au Soudan. Ainsi, pour l'auteur cette description correspond à la région de Méroé, région entourée du Nil bleu, du Nil blanc et de l'Atbara[4].

Cette description a, en outre, une dimension mythique liée à une cosmologie mésopotamienne ancienne. Le début de ce passage (« Mangez... ») place celui-ci dans un contexte paradisiaque alors que la liste des arbres au verset 16 évoque une végétation steppique, manquant d'irrigation[4]. Ce passage peut ainsi être lu en lien avec le mythe de l'Eden et doit trouver ses sources dans la littérature juive ou chrétienne[4].

Dans ce passage, il est possible d'observer une concordance entre le texte coranique et les observations archéologiques. Néanmoins, Robin précise que le « rédacteur coranique ne raconte pas l'histoire réelle ». Ainsi, à partir de la connaissance des ruines de ce barrage, celui-ci l'associe au mythe de la reine de Saba et de sa population qui adore le soleil. En effet, lors de la rupture de ce barrage, cette région était déjà monothéiste depuis deux siècles[2],[note 1]. Dans cet épisode, un événement historique devient une « fable édifiante »[5], une simple « illustration de la punition divine », selon le schéma des « récits de châtiments divins »[3]. Il est plus probable que ce barrage se soit dégradé lentement faute d'entretien que d'y voir une rupture rapide, tel que cité dans le Coran[3].

L'accusation d'incrédulité peut être liée à la resistance de Saba' contre le pouvoir califal au cours de la ridda. Les descriptions coranique en lien avec des événements historiques étant généralement obscure, si ce lien est accepté, cela permettrait de déduire que « les versets concernant Saba' » n'ont pu être écrits dans leur forme actuelle qu'au temps des premiers califes[4]. L'historien Ibn Khaldun écrivit : « Les travaux furent commencés par Saba', fils de Yashjub, qui dirigea vers Ma'rib soixante-dix rivières. La mort l'empecha d'achever son œuvre. Celle-ci fut menée à son terme par les rois himyarites, ses successeurs. » (al-Muqaddima, IV, IV).

Protection[modifier | modifier le code]

Le barrage de Marib est inscrit sur la liste du patrimoine mondial par l'UNESCO en , en tant que partie du bien « Hauts lieux de l'ancien royaume de Saba, Marib »[6].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Pour Robin, « il ne semble pas que l’abandon de la Digue se soit produit comme le rapporte le récit coranique. »

Références[modifier | modifier le code]

  1. (fr) Sélection du Reader's Digest, Atlas, cartes, photos satellite du monde, Gütersloh, Munich, Wissen Media Verlag, , 485 p. (ISBN 978-2-7098-1890-2), p. 286-287
  2. a b et c Ch. Robin, L'Arabie préislamique, Le Coran des historiens, vol. 1, 2019, p. 127 et suiv.
  3. a b et c Ch. Robin, L'Arabie dans le Coran, Les origines du Coran, le Coran des origines, 2015, p.31 et suiv.
  4. a b c et d J. Van Reeth, Sourate 34, Le Coran des Historiens, t.3, p. 1156 et suiv.
  5. Mikhaïl Piotrovski, « La fin de la civilisation himyarite. Une archéologie coranique », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 158, no 2,‎ , p. 641–649 (DOI 10.3406/crai.2014.95000, lire en ligne, consulté le )
  6. « Hauts lieux de l'ancien royaume de Saba, Marib », UNESCO

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Claude Gouron (photographe), Hélène Vésian (auteur), Serre-Ponçon : voyage photographique au confluent de l’Ubaye et de la Durance, Le Pontet, Éditions Barthélemy et Hangar, (ISBN 2-87923-165-5), p. 63
  • Robin Christian, "Quelques épisodes marquants de l'histoire sudarabique", Revue du monde musulman et de la Méditerranée, n°61, 1991, p. 55-70.
  • Andreï Korotaïev. Ancient Yemen. Oxford: Oxford University Press, 1995. (ISBN 0-19-922237-1).

Liens externes[modifier | modifier le code]

  • Notice dans un dictionnaire ou une encyclopédie généralisteVoir et modifier les données sur Wikidata :