Équations de l'acoustique
Les équations de l'acoustique décrivent la propagation d'une onde sonore dans les cas les plus généraux où sont présents les phénomènes non-linéaires, d'absorption, de dispersion, de diffusion et de réfraction, ou les plus simples. Cet article ne traite que des équations pour un fluide dans le domaine physique. Il ignore le domaine fréquentiel ainsi que l'aspect déséquilibre vibrationnel dans les gaz.
Histoire
[modifier | modifier le code]Venant après les travaux de Galilée et de Mersenne (1638) sur la vibration des cordes et de Newton sur la propagation du son (1686), la première mise en équation de l'acoustique est l'équation des ondes due à d'Alembert en 1747[1],[2]. Par la suite les travaux d'Euler (1759) et de Lagrange (1760) sur les ondes d'amplitude finie resteront tributaires des travaux ultérieurs de Poisson (1808), Stokes (1848) et Riemann (1860) pour la compréhension des phénomènes liés à l'apparition de discontinuités[3].
Au début du XXe siècle apparaît la notion de rayon acoustique et le calcul des trajectoires associées, synthétisé par Milne (1921)[1]. Il s'agit là d'une adaptation au domaine acoustique de notions de l'optique géométrique très antérieures.
Par la suite les efforts de modélisation sont liés à la résolution de problèmes technologiques, souvent liés au domaine militaire comme la détection aérienne (réseau de surveillance du TICE[4]) ou sous-marine (utilisation du sonar) ou bien aux mesures ultrasonores dans le domaine industriel (détection de défauts, microscopie acoustique) ou médical (échographie, lithotripsie, thermothérapie). Herzfeld modélise en 1928 les milieux hors équilibre vibrationnel[5]. Par la suite les effeots vont porter sur la simplification des équations constitutives, Navier-Stokes ou Euler, pour en tirer des équations plus simples pour lesquelles il existe des solutions analytiques ou tout au moins d'un coût de résolution numérique moindre. C'est ainsi que l'on voit apparaître l'équation de Burgers (1948)[6], celle de Westervelt (1963)[7], l'équation KZK (Khokhlov et Zabolotskaya, 1969[8], et V. P. Kuznetzov, 1971[9]).
Description du milieu
[modifier | modifier le code]Le milieu considéré ici est un milieu fluide, pour l'essentiel l'air ou l'eau. Dans ces milieux seules les ondes longitudinales peuvent se propager (mode acoustique)[1]. L'onde induit un écoulement du fluide irrotationnel, sauf les éventuelles discontinuités.
Le fait que l'onde soit longitudinale permet, dans le cas d'un signal de durée finie, d'appliquer les méthodes de l'optique. Sous réserve d'une durée brève, la dualité front d'onde-rayon acoustique permet de donner un moyen de calculer les trajectoires sonores.
Variables
[modifier | modifier le code]Le système est caractérisé par les variables pression , masse volumique , température , énergie volumique totale ou entropie et vitesse , qui obéissent aux équations de Navier-Stokes avec champ de pesanteur . Dans les problèmes qui nous intéressent le rayonnement ne joue pas de rôle.
Les propriétés de transport dans le milieu non perturbé par l'onde sont les viscosités dynamique et volumique , et la conductivité thermique . Les variables thermodynamiques sont les capacités thermiques massiques à pression constante et à volume constant .
Équation d'état, vitesse du son
[modifier | modifier le code]Les équations d'état habituelles étant parfois insuffisantes pour décrire les phénomènes non-linéaires qui nous intéressent on utilise un développement de Taylor[10],[11],[1] :
- est la dérivée de par rapport à à constant, prise en .
Les quantités indicées a représentent la variation de cette quantité par rapport à l'état de référence (voir ci-dessous l'approximation acoustique).
Fluide quelconque
[modifier | modifier le code]Dans le cas d'un fluide quelconque un développement de Taylor de la pression s'écrit traditionnellement :
En comparant les expressions ci-dessus on trouve les coefficients du développement :
est le module élastique adiabatique et est le paramètre de non-linéarité (ou paramètre de Beyer) :
est le coefficient de dilatation thermique.
Par ailleurs :
On en déduit la vitesse du son à l'ordre 1 pour une onde isentropique :
Gaz parfait
[modifier | modifier le code]Pour un gaz parfait et , donc, pour un milieu isentropique :
De la même façon, pour la vitesse du son :
Ordres de grandeur
[modifier | modifier le code]Pour les liquides le cas de l'eau est le plus répandu. Pour ce liquide à température normale , valeur légèrement croissante avec la température et avec la salinité et , valeur croissant avec la température[10].
Pour les gaz le cas le plus souvent traité est l'air, constitué pour l'essentiel de molécules diatomiques pour lesquelles . Cette affirmation est mise en défaut pour les hautes altitudes, typiquement , un domaine essentiel pour la propagation acoustique dans l'atmosphère.
Approximation acoustique
[modifier | modifier le code]On se place dans le cas où le signal sonore constitue une petite perturbation :
où est la valeur de la pression en l'absence de perturbation et la pression acoustique, de même pour la masse volumique, la température et la vitesse. Les valeurs non perturbées obéissent elles-mêmes aux équations de Navier-Stokes. Ces perturbations, pouvant être négatives, sont telles que :
est le nombre de Mach acoustique, typiquement .
A contrario les perturbations créées par des évènements fortement énergétiques comme les ondes en N correspondent à des surpressions fortes, au moins dans la première partie de leur propagation, et donc à un nombre de Mach acoustique élevé. Leur traitement se fait en deux temps : un premier calcul détaillé local utilisant les équations de Navier-Stokes puis un passage à l'une des méthodes décrites ci-dessous en utilisant des conditions initiales issues du premier calcul.
Équations de Navier-Stokes linéarisées
[modifier | modifier le code]On effectue un développement asymptotique en utilisant un « petit paramètre » du même ordre de grandeur que [12],[1] :
- Pour l'équation de continuité :
- Pour l'équation de quantité de mouvement :
- Pour une vitesse horizontale (les vents dans l'atmosphère et les courants marins sont généralement supposés tels), des équations à l'ordre 0 la première est trivialement vérifiée et la seconde exprime l'équilibre hydrostatique. Ce point est important car il conditionne la qualité du profil des quantités indicées 0 qui, dans ce problème, sont données a priori.
- Le terme qui apparaît à l'ordre 1 dans l'équation de quantité de mouvement, important pour décrire les ondes de gravité de l'atmosphère (fréquence typique ), est ici négligé[13].
- Pour l'équation de l'énergie :
- Pour l'équation de l'entropie (en lieu et place de l'équation sur l'énergie) :
- En l'absence de conduction la solution évidente de cette équation est : l'écoulement induit par l'onde est isentropique.
Les problèmes généraux sont résolus à partir d'un choix adapté des équations ci-dessus, généralement celles correspondantes au développement au premier ordre. Dans le cas des infrasons le phénomène de déséquilibre vibrationnel induit nécessite une équation supplémentaire[5] pour décrire la relaxation à l'aide de la loi de Landau-Teller[1].
Domaine linéaire
[modifier | modifier le code]La description la plus simple concerne une onde isentropique se déplaçant dans un milieu sans pertes ni dispersion.
En milieu homogène
[modifier | modifier le code]Le système s'écrit alors :
De la première et la troisième équations on tire la relation pression-masse volumique :
Cette expression correspond à l'équation d'état établie plus haut, au premier ordre.
En prenant la divergence de la seconde équation on obtient après substitution l'équation des ondes :
En milieu inhomogène
[modifier | modifier le code]Le système avec les mêmes approximations physiques que ci-dessus mais dans un milieu inhomogène au repos (mais toujours sans gravité) s'écrit :
les mêmes manipulations mènent à :
Domaine non-linéaire
[modifier | modifier le code]On donne ci-dessous les plus notables approximations dont les démonstrations peuvent être trouvées dans divers ouvrages[14],[15],[16],[17].
Les équations obtenues sont de type parabolique.
Équation de Kuznetsov
[modifier | modifier le code]On considère le système non-dispersif avec viscosité et conduction dans un milieu homogène au repos (donc sans pesanteur). La capacité thermique isobare est supposée constante et l'écoulement irrotationnel. La vitesse dérive d'un potentiel :
Après calcul on obtient l'équation de Kuznetsov, valide au second ordre du développement acoustique :
où est le coefficient d'absorption thermo-visqueuse donné par :
Équation de Westervelt
[modifier | modifier le code]L'équation de Westervelt utilise le potentiel :
Son expression ne comporte que des termes du premier ordre :
où est le coefficient de non-linéarité.
Cette expression peut être écrite en pression :
Équation de Burgers
[modifier | modifier le code]L'équation de Burgers en une dimension d'espace (onde plane) s'obtient assez simplement à partir de l'équation de Westervelt en factorisant l'opérateur :
Les deux termes correspondent à la propagation dans des sens différents. En ne retenant que le second (ondes progressives vers les x croissants) on obtient :
On retrouve une non-linéarité de la vitesse analogue à celle issue de la thermodynamique (voir plus haut). Cette équation a été largement utilisée pour comprendre la création de discontinuités et la création de l'onde en N.
Équation KZK
[modifier | modifier le code]L'équation Khokhlov, Zabolotskaia, Kuznetsov modélise un faisceau de section lentement variable en utilisant l'approximation paraxiale.
est la projection du gradient dans le plan perpendiculaire à .
L'application de cette équation suppose le calcul simultané des rayons acoustiques.
Autres équations
[modifier | modifier le code]Parmi les autres approches on peut citer :
- l'équation NPE (Nonlinear Progressive Equation), analogue à l'équation KZK[18],[19] ;
- l'équation WAPE (Wide-Angle Parabolic Equation), sans termes thermo-visqueux, permettant approximation paraxiale aux grands angles[20].
Références
[modifier | modifier le code]- (en) A. D. Pierce, Acoustics: an Introduction to Its Principles and Applications, Acoustical Society of America Press/Springer,
- Steven B. Engelsman, « D'Alembert et les équations aux dérivées partielles », sur Persée
- (en) David T. Blackstock, John M. Cormack et Mark F. Hamilton, « Early history of nonlinear acoustics », Proceedings of Meetings on Acoustics, vol. 36, no 1, (lire en ligne)
- Alexis Le Pichon et Élisabeth Blanc, « À l’écoute des infrasons. Les infrasons sillonnent le globe », Acoustique & Technique, vol. 67, , p. 13-18 (lire en ligne)
- (en) K. F. Herzfeld et F. O. Rice, « Dispersion and absorption of high frequency sound waves », The Journal of Chemical Physics, vol. 31, , p. 691-695
- (en) Johannes Martinus Burgers, « A Mathematical Model Illustrating the Theory of Turbulence », Advances in Applied Mechanics, vol. 1, , p. 171-199
- (en) Peter J. Westervelt, « Parametric Acoustic Array », The Journal of Acoustical Society of America, vol. 35, , p. 535-537
- (en) E. A. Zabolotskaya et R. V. Khokhlov, « Quasi-plane waves in the nonlinear acoustics of confined beams », Soviet Physics. Acoustics, vol. 15, no 1, , p. 35-40
- (en) V. P. Kuznetsov, « Equations of nonlinear acoustics », Soviet Physics. Acoustics, vol. 16, , p. 467-470
- (en) S. Makarov et M. Ochmann, « Nonlinear and Thermoviscous Phenomena in Acoustics, Part I », Acta Acoustica, vol. 82, , p. 579-606 (lire en ligne)
- (en) S. Makarov et M. Ochmann, « Nonlinear and Thermoviscous Phenomena in Acoustics, Part II », Acta Acoustica, vol. 83, , p. 197-222 (lire en ligne)
- (en) Benjamin Cotté, AE-01: Acoustic propagation in inhomogeneous moving media. Course notes 2019-2020, ENSTA (lire en ligne)
- (en) V. Ostashev, D. Wilson, L. Liu, D. Aldridge, N. Symons et D. Marlin, « Equations for finite-difference, time-domain simulation of sound propagation in moving inhomogeneous media and numerical implementation », Journal of the Acoustical Society of America, vol. 117, , p. 503-517
- Arnaud Tourin et Mathias Fink, « Cours ondes et Acoustique 2016-2017 », sur ESPCI Paris
- (en) M. F. Hamilton et D. T. Blackstock, Nonlinear Acoustics, Academic Press, (ISBN 0-12-321860-8)
- (en) R. T. Beyer, Nonlinear Acoustics in Fluids, Van Nostrand Reinhold, (ISBN 0442211821)
- (en) Bengt O. Enflo et Claes M. Hedberg, Theory of Nonlinear Acoustics in Fluids, Kluwer Academic Publishers, (ISBN 1-4020-0572-5)
- (en) B. E. MacDonald et W. A. Kuperman, « Time-Domain Solution of the Parabolic Equation Includiong Nonlinearity », Computers & Mathematics with Applications, vol. 11, nos 7-8, , p. 843-851 (lire en ligne)
- (en) Adrien Dekkers, Vladimir Khodygo et Anna Rozanova-Pierrat, « Models of nonlinear acoustics viewed as an approximation of the Navier-Stokes and Euler compressible isentropicsystems », sur ArXiv,
- (en) V. E. Ostashev, D. Juvé et Ph. Blanc-Benon, « Derivation of a wide-angle parabolic equation for sound waves in inhomogeneous moving media », Acustica united with Acta Acustica, vol. 83, no 3, , p. 455-460