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Écorçage

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Gravure représentant la coupe et l’écorçage d'arbres (Pruches dont l'écorce est particulièrement riche en tanins) pour en utiliser le tan, à la tannerie de Prattsville, dans les années 1840.
Écorçage près d'Aracena (Huelva, Espagne)

L'écorçage est l'action d'enlever l'écorce d'un arbre. C'est une étape préliminaire au sciage.

Lorsqu'il se pratique sur un arbre debout comme dans l'annélation, il entraine généralement la mort de l'arbre; il peut par ailleurs être pratiqué par les animaux pour leur consommation, on parle d'abroutissement. A contrario, sur les variétés produisant le liège, l'écorce peut être prélevée plusieurs fois dans la vie d'un arbre (démasclage du liège dit mâle sur le chêne-liège).

L'écorçage était une étape nécessaire dans la fabrication du tan, il se pratiquait alors pendant la période végétative de l'arbre, au printemps. À cette période l'écorce s'enlève plus facilement parce qu'elle n'est pas lignifiée. Elle contiendrait en outre plus de tanin. L'arbre écorcé pour le besoin du tan est appelé « pelard »[1].

L'écorçage est une mesure prophylactique dans certains cas. L’écorçage des grumes infestées par des insectes ravageurs (comme le scolyte, le dendroctone méridional du pinetc.) peut contribuer à prévenir leur dissémination[2]; cette technique qui se faisait à la main se fait désormais avec des écorceuses mécaniques mobiles à grande capacité[3]. Quand elle n'est pas contaminée, l'écorce intacte protège encore efficacement la grume contre les piqûres d'insectes et échauffures de champignons, souvent plusieurs semaines; le débardage souvent détruit une partie de l'écorce; la protection de la grume est alors quelquefois assurée par un traitement chimique, accompagné éventuellement d'un écorçage[4].

La plupart du temps l'écorce est laissée parce qu'elle protège encore la grume des chocs accidentels; en stockage humide l'écorce empêche également l'humidité de s’évacuer de la grume et elle est donc maintenue. Pour le stockage grumes à l'air libre, dans le but d'obtenir un séchage rapide, l'écorce est enlevée[5].

Autrefois l'écorçage était éventuellement une étape préliminaire à l'abattage d'un arbre. Recommandé par un Robert Plot en Angleterre aux alentours de 1717:

« It is found by long Experience, that the Trunk and Body of the Trees, when barked in the Spring, and left standing, naked, all the Summer exposed to the Sun and Wind, are so dried and hardened, that the Sappy Part in a Manner becomes as firm and durable as the Heart itself[6]. »

En 1738, il est recommandé en France, par Buffon :

« La cause physique de cette augmentation de solidité et de force dans le bois écorcé sur pied se présente d'elle même; il suffit de savoir que les arbres augmentent en grosseur par des couches additionnelles de nouveau bois qui se forment à toutes les sèves entre l'écorce et le bois ancien. Nos arbres écorcés ne forment point de ces nouvelles couches; et, quoiqu'ils vivent après l'écorcement, ils ne peuvent grossir. La substance destinée à former le nouveau bois se trouve donc arrêtée et contrainte de se fixer dans tous les vides de l'aubier et du cœur même de l'arbre: ce qui en augmente nécessairement la solidité et doit par conséquent augmenter la force du bois; car j'ai trouvé, par plusieurs épreuves que le bois le plus pesant est aussi le plus fort »

— Georges-Louis Leclerc de Buffon., Second ouvrage. Expérience sur les végétaux[7].

Écorçage en mai pour les tanneurs

En 1604, une loi du Parlement britannique est adoptée qui interdit pour les tanneurs, l'utilisation des chênes coupé en hiver pour les besoins de la Royal Navy, loi qui est abrogée en 1808. Depuis ce temps, il est de coutume dans ce pays d'abattre les chênes ou du moins d'effectuer l'opération d'écorçage au mois de mai, car à cette saison l'écorce est plus facilement séparée de l'arbre. L'abattage hivernal hors sève, était pour le bois de construction par ailleurs la norme. L'abattage en mai, pratiqué par les tanneurs avait la réputation de le rendre impropre à un usage comme bois de marine[8].

Il semble qu'au début du XIXe siècle, à la suite d'une augmentation sans précédent du prix de l'écorce, et surtout à la suite de l'abrogation de la loi, la concurrence entre tanneurs et chantiers de marine va devenir insupportable: Cette situation paradoxale montre la rareté et la valeur extrêmes du bois, et de l'écorce, déprimant de la même manière constructeurs de navires et tanneurs. L'écorce de chêne fournie aux tanneurs (pour le tan) impose d'exploiter les arbres au printemps, lorsque l'écorce ne s'est pas encore lignifiée, alors que les constructeurs navals voudraient couper en hiver. John Burridge auteur d'un traité sur la pourriture sèche (Naval dry rot) en 1824 associe la prolifération de pourriture sèche à la nouvelle pratique qui consiste à de plus en plus couper les arbres au moment de l'écorçage, et il propose une alternative à cette pratique. Les propriétaires fonciers, dit-il, sont parfaitement libres de couper du chêne en hiver selon la pratique ancienne; c'est cependant un fait des plus extraordinaires (« que j'ai découvert depuis mon traité sur la pourriture sèche ») que l'acte de Jacques 1er Stuart en 1604, exigeant la construction de la marine royale avec du chêne abattu en hiver, a été en fait abrogé en 1808 au milieu du règne de la pourriture sèche navale[9],[10]:

« This is the strangest paradox in the world to me because the British senate might have learned from the memorable Act of James as well as from fatal experience that the royal and commercial navies were formerly built with timber hewn in winter Facts which nevertheless were totally and fatally disregarded against this evidence at a most important crisis in the face of the whole kingdom »

Selon le Quarterly Review, début XIXe siècle la quantité de bois coupé en hiver fournie aux chantiers de construction ne formerait que 5% de l'approvisionnement total en bois[11].

Voir aussi

Notes et références

  1. Jean Sébastien Eugène Julia de Fontenelle, Nouveau manuel complet du tanneur, du corroyeur, du hongroyeur et du boyaudier, Libr. Roret, (lire en ligne)
  2. FAO, Bonnes pratiques pour la protection sanitaire des forêts. Guide pour la mise en œuvre des normes phytosanitaires dans le secteur forestier (lire en ligne)
  3. Jean-Luc Flot, Pierre Vautherin. Rev.For.Fr.LIV - numéro spécial 2002Le traitement des chablis. Transport et conservation. Des bois à conserver en forêt ou hors forêt sur inist.fr
  4. Code régional d'exploitation forestière à faible impact dans les forêts denses tropicales humides d'Afrique centrale et de l'ouest, Food & Agriculture Org., , 131 p. (ISBN 978-92-5-204982-1, lire en ligne)
  5. FCBA, Forstliche Versuchs und Forschungsanstalt. Par l’équipe de spécialistes de l’Action Concertée QLK5-CT2001-00645 STODAFOR. Coordination : Didier Pischedda Guide technique sur la récolte et la conservation des chablis. Année 2004
  6. (en) John Ramsbottom, « Dry Rot in Ships », Essex Naturalist, vol. 25,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. Georges Louis Leclerc comte de Buffon, Oeuvres completes de Buffon, précédes d'une notice historique et de considérations générales sur le progrés et l'influence philosophique des sciences naturelles depuis cet auteur jusqu'a nos jours, Pillot, (lire en ligne)
  8. (en) Peter Barlow, The Encyclopædia of Arts, Manufactures, and Machinery ..., J.J. Griffin, (lire en ligne)
  9. Ramsbottom 1937, p. 246
  10. (en) John Burridge, The tanner's key to a new system of tanning sole leather, or, The right use of oak bark, (lire en ligne)
  11. Annales maritimes et coloniales, Impr. Royale, (lire en ligne)