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Vers 1900 : une restauration exemplaire[modifier | modifier le code]

A la fin du XIXe siècle se mettent en place des structures favorables à une restauration scientifique du monument. Cette entreprise systématique, véritable laboratoire où s’élabore une éthique de la restauration monumentale, sera considérée comme exemplaire dans un large rayon. Elle est notamment vantée par [[Johann Rudolf Rahn (de)]] dans une conférence donnée en 1898 à la Société des antiquaires de Zurich[1], et l’empereur d’Allemagne lui-même, Guillaume II, s’informe du modèle de Chillon en vue de la reconstruction de la forteresse du Haut Koenigsbourg[2].

Ce résultat est dû à la conjonction de plusieurs facteurs :

  • l’émergence de personnalités particulièrement compétentes ;
  • la création de l’Association pour la restauration de Chillon ;
  • la nomination d’une Commission technique qui pilote les travaux ;

Pour la première fois avec une telle rigueur, on applique au château non pas les méthodes d’une re-création aléatoire, comme ce fut si souvent le cas, mais celles de l’archéologie et de l’histoire.

L’intervention de personnalités pionnières dans la protection des monuments est décisive. Il y a notamment [[Johann Rudolf Rahn (de)]], l’un des protagonistes principaux à l’origine de la Société suisse des monuments historiques en 1880, Henry de Geymüller, spécialiste international de la restauration monumentale, étroitement associé à la remise en état d'édifices tels que l’église romane de Saint-Sulpice, l’église Saint-François à Lausanne, et la cathédrale de Lausanne. En outre, Ernest Burnat, très impliqué lui aussi à la cathédrale de Lausanne, est nommé, en un premier temps, architecte de cette restauration, puis remplacé par Albert Naef, qui jouera un rôle majeur dans le développement l’archéologie dans le canton de Vaud et consacrera vingt ans de sa vie à l’étude de Chillon[3].

L'Association pour la restauration du château de Chillon est constituée en 1887. D’emblée, elle vise à une restauration « artistique » ayant pour objectif de « redonner aux objets le caractère dont ils étaient revêtus, presqu’une vie latente, une vie empreinte des idées de leur temps »[4]. Il est donc également prévu de créer un musée historique au château[5].

Une Commission technique, ratifiée en 1889, est composée d’historiens de l’art et d’architectes renommés, spécialisés dans la restauration monumentale : Johann Rudolph Rahn, Théodore Fivel, architecte à Chambéry et grand connaisseur de l’architecture castrale savoyarde, Léo Châtelain, restaurateur de la collégiale de Neuchâtel, Henry de Geymüller, théoricien de la restauration et spécialiste de l’architecture Renaissance, enfin Henri Assinare, architecte de l’Etat. Leur première réunion a lieu le 27 octobre 1890 et dès lors ces spécialistes, durant de nombreuses années, supervisent étroitement les travaux. Geymüller, notamment, se fondant sur des principes publiés déjà en 1865 (et augmentés en 1888) par l’Institut royal des architectes britanniques[6], fixe un cadre en rédigeant un mémoire intitulé Jalons pour le programme de la Restauration et Principes fondamentaux sur lesquels elle devra se baser (imprimé à Lausanne en 1896)[3].

La loi vaudoise de 1898 [la première de ce genre en Suisse] est élaborée par Albert Naef. Elle prévoit notamment d’établir une commission cantonale des monuments historiques, et de créer un poste d’archéologue cantonal. Naef, bien entendu, sera nommé à cette fonction et se verra chargé de mettre en place une véritable protection des monuments historiques[7].

L'investigation systématique du château est commencée par Ernest Burnat, qui initie un relevé général de la forteresse, puis continuée et intensifiée par Albert Naef. Ce dernier non seulement entre à la Commission technique à la mort de Fivel en 1895, mais remplace Burnat lui-même au poste d’architecte-archéologue chargé de la direction des travaux. Dans sa démarche, l’esthétique reste toujours subordonnée à l’éthique scientifique. En effet, le cri du cœur de Rahn de 1888, qui écrit à propos de Chillon : «N’y touchez pas», guide l’archéologue dans le sens d’une extrême prudence dans la démarche. La restauration doit se baser sur une connaissance aussi étendue que possible du monument et l’investigation est donc méthodique. Elle tient compte des acquis de l’histoire grâce à des recherches extensives dans les archives, elle procède à des fouilles archéologiques et à des relevés détaillés, s’il le faut même à des moulages. Le château est littéralement mis à nu, l’ensemble des démarches étant documenté consciencieusement par des plans, croquis et photographies, ainsi que par un journal minutieux que Naef tient au jour le jour. Lors de la restauration, les parties touchées sont dûment signalées comme telles, par une inscription sur la pierre de taille (R=Restauré; RFS=Restauration en fac similé; RL=Restauration libre), ou par un changement de couleur, voire une ligne rouge, sur la maçonnerie. Cette règle sera véritablement respectée jusqu'en 1908 seulement, puis tombera dans l'oubli[8].

Sources[modifier | modifier le code]

  • Denis Bertholet, Olivier Feihl, Claire Huguenin, Autour de Chillon. Archéologie et restauration au début du siècle, Lausanne 1998.
  • Claire Huguenin, Patrimoines en stock. Les collections de Chillon, Lausanne 2010.
  • Paul Bissegger, «Henri de Geymüller versus E.-E. Viollet-le-Duc: le monument historique comme document et œuvre d'art. Avec un choix de textes relatifs à la conservation patrimoniale dans le canton de Vaud vers 1900», Monuments vaudois 2010, pp. 5-40.

Références[modifier | modifier le code]

<references>

[3]

[1]

  1. a et b Paul Bissegger, «Henri de Geymüller versus E.-E. Viollet-le-Duc: le monument historique comme document et œuvre d'art. Avec un choix de textes relatifs à la conservation patrimoniale dans le canton de Vaud vers 1900», Monuments vaudois, 2010, pp. 5-40.
  2. Denis Bertholet, Olivier Feihl, Claire Huguenin, Autour de Chillon. Archéologie et restauration au début du siècle, Lausanne 1998, p. 182.
  3. a b et c Denis Bertholet, Olivier Feihl, Claire Huguenin, Autour de Chillon. Archéologie et restauration au début du siècle Lausanne 1998.
  4. Lettre circulaire, 1887 (Archives cantonales vaudoises, AChC, J/3.b/1), cité d’après Autour de Chillon 1998, p. 131.
  5. Claire Huguenin, Patrimoines en stock. Les collections de Chillon, Lausanne 2010
  6. «Conservation of Ancient Monuments and Remains. General Advice to Promoters of Restoration of Ancient Buildings», in Sessional Papers of the Royal Institute of British Architects 1864-1865, Londres 1865. Réédité en 1888. Bissegger, Geymüller 2010, p. 29.
  7. Denis Bertholet, «La loi de 1898» dans Autour de Chillon 1998, pp. 41-48.
  8. Autour de Chillon 1998, p. 172 et Bissegger, Geymüller 2010, p. 39, n. 214