Utilisateur:Jérémy-Günther-Heinz Jähnick/Essai/De la gestion de la contrefaçon, ou comment monnayer son travail de Wikimédien

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JÄNNICK Jérémy, historien, dans le cadre de son inventaire photographique du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais de 2011 à 2013 / Inauguration de la branche vers Vieux-Condé de la ligne B du tramway de Valenciennes le 13 décembre 2013 (109) / Wikimedia Commons / GFDL-1.2
Exemple de photographie correctement citée.

J'ai eu l'idée de créer cet essai personnel le lundi 16 décembre 2013, au retour d'un week-end à Londres, la 1re fois que j'allais au Royaume-Uni dans ma vie, après avoir aperçu une notification, où il était question d'un utilisateur ayant eu son travail contrefait. Cet essai reflète l'expression de mes opinions personnelles, avec une très grosse dose de caricature, d'autodérision et de franc-parler.

Second contributeur mondial à Wikimedia Commons, avec plus de 37000 fichiers téléversés à ce jour, et roi des prétentieux, j'ai passé plus ou moins trois années sabbatiques pour travailler ce que je nomme régulièrement IRL « l'œuvre de ma vie » : le Portail:Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, ses articles liés, et sa photothèque. Il m'arrive également de travailler des domaines complètement différents, mais je considère ça comme accessoire. Bien que je me déplace en vélo, ça représente tout de même un sacré investissement, parce que j'en ai acheté quatre (dont un pour remplacer celui qui m'avait été dérobé la veille à Lille, le comble, j'étais interviewé sur Wikipédia et sur le travail qui j'y effectue), ainsi que deux appareils photo numériques compacts, et plus de 600 € de billets de train, en trois ans donc. À ça, j'y ajoute également tous les ouvrages sur le Louvre-Lens et tout un tas de frais liés.

Bref, j'ai pas mal investi, et comme tout investisseur, je rentabilise mes investissements. Avec trois ans de comptabilité à mon actif, j'ai une vision qui est assez différente du commun des mortels. J'aime aussi l'argent, non pas pour le dépenser, mais pour l'accumuler. Un des moyens de récupérer mes frais consiste à me faire payer les utilisations qui diffèrent de la licence imposée. En théorie, le réutilisateur est obligé de contacter au préalable l'auteur pour lui demander la permission, ceci étant censé lui apporter un équilibre financier. En pratique, les réutilisateurs omettent malencontreusement de contacter l'auteur, qui doit alors faire une chasse aux contrefacteurs pour récupérer ce qui lui revient de droit. Ici, point de fusil, un ordinateur et un mental à toute épreuve suffisent.

Pourquoi contribuer aux projets de la fondation Wikimédia ?[modifier | modifier le code]

C'est une question que beaucoup se posent, et qui doit être éclaircie dans le cadre de cet essai : parce que j'aime bien participer à la création de quelque chose, et ça ne se borne pas à Wikipédia, je suis également un bon bricoleur. Mon plus grand plaisir, c'est de savoir que les articles que je travaille sont lus, et de lire ceux écrits par d'autres.

Je ne viens donc pas sur ces projets pour la licence libre, que je nomme IRL la licence à la con ou la licence de merde (Oui, en plus d'être prétentieux, je suis vulgaire, mais par chez moi, c'est tout naturel), mais pour bâtir.

Quelques conceptions[modifier | modifier le code]

Étudiant depuis une dizaine d'années le bassin minier, vivant depuis toujours une maison des mines, petit-fils, arrière-petit-fils et petit-neveu de mineurs, guide-conférencier d'ici quelques semaines dans une ancienne mine, j'ai par déformation professionnelle acquis toutes les valeurs de ce métier. Outre une certaine franchise qui me vaut parfois de ne pas être apprécié (quoique je préfère que mon travail soit apprécié plutôt que ma personnalité), toute peine mérite salaire est très ancré dans ma mentalité, tout comme salaire de merde, travail de merde (une autre version de ce proverbe existe avec une ethnicité, mais je n'ai pas envie que quelqu'un aille au bureau des pleurs (WP:RA) pour propos racistes). C'est pour cela que je fais des « photos de merde », en bâclant le travail. J'ai d'ailleurs récemment remarqué que je pouvais prendre des photos tout en continuant de rouler à vélo. On n'arrête pas le progrès.

Il y a un peu plus d'un an, j'en ai eu marre que l'on se foute de ma gueule parce que je travaillais énormément sans que ça me rapporte un sou. J'ai donc décidé de changer, et de devenir en quelque sorte le Rumpelstiltskin de Wikipédia (Wikimedia Commons serait plus approprié). J'ai donc appris à connaître par cœur tous ces contrats de licence. J'ai été très inspiré par quelques Wikipédiens qui, en connaissant parfaitement les règles, en avaient parfaitement repéré toutes les failles. J'ai donc fait le même. Comme je le dis régulièrement aux journalistes que je croise, quand on connaît par cœur un système, on en connaît également toute ses failles. Ce qui est vrai pour la politique l'est également ici.

Comment détecter la contrefaçon ?[modifier | modifier le code]

J'ai donc vite appris qu'une licence était un contrat, et que l'utilisation d'un fichier placé sous un contrat valait entière acceptation des termes de celui-ci. Et donc, une clause, une seule, non respectée, entraîne l'annulation de ce contrat et une contrefaçon. À bien y regarder, il se révèle que bien peu de fichiers réutilisés le sont 100 % conformes à la licence. Faites un essai, allez voir des sites où vos photos sont utilisées, vous verrez que j'ai vu juste. Or, une licence, soit elle est totalement respectée, soit elle ne l'est pas du tout, il n'y a pas de juste milieu.

En pratique, et en général, toute photographie réutilisée doit mentionner s'il le demande le nom de l'auteur, le titre de l'œuvre, les parties à attribuer (en général, Wikimedia Commons), et la licence. Le contributeur peut exiger que ces différentes informations soient liées par des URI. Cet ensemble assure la traçabilité de la photographie. Un peu comme un bœuf que l'on va abattre, le lecteur doit avoir tous les outils en main pour connaître la provenance d'une photographie.

Comment gérer la contrefaçon ?[modifier | modifier le code]

Quant la licence n'est pas respectée, et par expérience elle ne l'est jamais, la photographie a en fait été utilisée sous le régime général du droit d'auteur, puisque les licences libres viennent en complément du droit d'auteur, et non en remplacement. À partir de là, vous avez plusieurs options. À titre personnel, j'ai l'esprit assez ouvert pour considérer qu'elles sont toutes valables. Ça dépend en fait de ce que vous voulez vraiment. Chaque Wikipédien a sa façon de faire et vient ici pour des motifs qui lui sont propres.

  • Vous pouvez tout simplement exiger en contactant le réutilisateur parasite qu'il vous mentionne correctement.
  • Vous pouvez exiger qu'il retire la photographie, puisqu'il n'a jamais eu droit de l'utiliser sous cette forme.
  • Vous pouvez exiger de faire figurer votre nom, exiger d'être payé, et faire de lui un client payant à vie puisque par le paragraphe 1. i. de la licence dit : « Acceptant : la ou les personne(s) physique(s) ou morale(s) ou entité(s) qui exercent sur l’Œuvre les droits accordés par cette Licence et qui n’ont pas précédemment violé les conditions de cette Licence ou qui ont reçu l’autorisation expresse de la part de l’Offrant d’exercer les droits conférés par cette licence malgré une violation précédente.  ».

Bien entendu, je choisis la troisième option, tout simplement parce que je ne suis pas bénévole (un des rares Wikimédiens à ne pas l'être), parce que j'aime l'argent, et que j'aime que mon travail en rapporte. C'est une fierté personnelle, pas vraiment une nécessité, parce je ne suis pas par nature dépensier. Contrairement à d'autres Wikimédiens, ce n'est pas du tout un tabou pour moi, et j'en parle ouvertement. Autre point positif, ça permet d'avoir le beurre et l’argent du beurre, mais aussi le cul de la crémière, parce que je tiens une liste détaillé de tous mes contrefacteurs, qui sont devenus pour toujours des clients payants.

Combien exiger ?[modifier | modifier le code]

Chacun aura sa réponse à cette question. Chez les photographes par exemple, c'est deux fois le montant du barème UPP correspondant. Le minimum étant de 32 € HT, soit 76 € 54 TTC et avec la majoration (en prenant pour base la TVA à 19,6 %). Ça peut bien entendu monter bien plus haut, si les utilisations sont différentes, plus longues, et si par exemple, plusieurs photographies sont concernées. D'autres prennent un tarif fixe. Encore d'autres le font à la tête du client. D'autres enfin font payer quand il s'agit de professionnels qui font des utilisations commerciales, et demandent un lien quand ce sont des amateurs qui en font une utilisation non commerciale.

À titre personnel, parce que j'adore parler de mon travail, je prends le même tarif que si quelqu'un m'avait demander à l'utiliser sous une autre licence, c'est-à-dire 10 €. Un chiffre rond, simple, et peu élevé, parce que dans ma région, les gens n'ont pas de pognon. Il y a quelques mois, j'ai créé une licence libre payante à 10 €. Bien que certains avaient trouvé à redire, ils avaient apporté de beaux conseils, mais finalement, ce n'étaient que des paroles et pas des actes. Cette licence, je l'applique à tous mes contrefacteurs, donc à tous les réutilisateurs, ou presque, et j'avoue que c'est une simplification extrême. Pour le crédit d'auteur, je ne demande que la citation du nom. Et quand on me demande pour utiliser une des mes photographies, je fais la cession de droit intégrale. Quand le contrefacteur est un mauvais payeur, il est en revanche redevable de 38 € 27 par photographie.

Comment distinguer la bonne foi de la mauvaise foi ?[modifier | modifier le code]

« En matière de contrefaçon, le concept de bonne foi n'existe pas, on est contrefacteur à partir du moment où l'on ne respecte pas les termes d'une licence ». Voilà donc une réponse nette, lue dans un document sur la contrefaçon de photographies. Plus concrètement, un réutilisateur de bonne foi contactera tout simplement le Wikimédien pour lui demander comment utiliser les photographies. Si c'est un contrefacteur, il payera sans chercher à discuter, et s'excusera. Si ce n'est pas le cas, il est de mauvaise foi.

Comment maximiser le potentiel de contrefaçons ?[modifier | modifier le code]

Vous l'aurez compris, pour monnayer son travail, il faut des utilisations sous des licences différentes ou sous des licences payantes. Pour le premier cas, les ténors de la licence libre vantent le modèle comme quoi un hypothétique intéressé viendrait directement contacter le Wikimédien pour lui proposer de l'argent en échange d'une utilisation simplifiée de son travail, typiquement, la seule citation du nom (obligatoire en droit français). En trois ans, je n'ai été contacté qu'une seule fois pour un achat de photographie.

Ma technique, c'est qu'il n'y en a pas : il suffit de semer des photographies pour récolter des contrefaçons, et donc de l'argent.

Mais il y a quelques astuces complémentaires, qui à vrai dire ne servent à rien, puisqu'en réalité, si votre nom est mentionné, il y a toutes les chances que la licence ne le soit pas. Pas plus que les parties à attribuer, et le titre de l'œuvre.

Vous pouvez donc :

  • utiliser tout plein de licences différentes, de mémoire, j'ai du CC0, Cc-by-3.0, Cc-by-sa 1.0, 3.0, 4.0, Cc-by-nc-nd-3.0, simple attribution, GFDL 1.2...
  • utiliser la GFDL 1.2 : cette licence magique impose sur support hors Internet de citer tout le texte de la licence, ce qui est infaisable, et oblige donc le réutilisateur à vous contacter pour demander une licence plus permissive que vous monnayerez, sauf qu'en pratique, il n'en fera rien et ce sera un contrefacteur de plus.
  • vous créer un compte Flickr et y poster toutes vos photos. Je le fais depuis juillet 2013, et ça me laisse toute latitude pour facturer mon travail. Au cours de 2014, toutes mes photos y seront.
  • utiliser le modèle Credit line : ça, c'est génial, c'est que vous indiquez comment vous voulez être cité sous la photographie. Ainsi, si un contrefacteur fait la victime et dit qu'il ne savait pas, c'est là que vous verrez sa mauvaise foi, puisque le crédit exact est cité sous la photographie. En plus, l'utilisation d'une ligne de crédit est recommandée.
  • remarquer qu'en fait, quand vous travaillez (ou contribuez) sur les projets de la fondation Wikimédia, vous n'avez pas de supérieurs, juste des égaux. Et que vous avez toute liberté de faire ce que vous voulez en dehors des projets. Par conséquent, et c'est une des failles, vous pouvez systématiquement exiger de vous faire payer pour les utilisations de vos photos. Il y aura bien quelques Wikipédiens qui aboieront, qui tenteront de vous faire la morale, mais au final, aucun ne vous mordra. Aucun ne le pourrait d'ailleurs.
  • indiquer sur votre page utilisateur de Wikimedia Commons que vous acceptez toutes utilisations de vos photos sous des conditions différentes au prix de X euros. Là, le contrefacteur ne pourra plus dire « je ne savais pas ».

Comment exiger de vous faire payer ?[modifier | modifier le code]

À peu près tous les moyens sont bons pour exiger de vous faire payer, même ceux que la morale réprouve. Occasionnellement, certains contrefacteurs de mauvaise foi vous menaceront de porter plainte pour harcèlement, ce à quoi vous leur répondrez d'y aller, et que le jour même de la convocation, une plainte pour contrefaçon sera déposée. Quoi que vous fassiez, n'y allez pas trop fort : les morts ne payent pas !

Pour cette section en revanche, il y a quelques astuces. Je les ai apprises au fil du temps.

  • Ne jamais souhaiter être payé ou être crédité, toujours exiger.
  • Toujours facturer dès le premier message.
  • Toujours rappeler qu'il y a contrefaçon, et être très précis dans les développements.
  • Lorsque le contrefacteur répond, en analysant sa réponse, vous verrez dans quel groupe il appartient : soit il paye de suite sans discuter, soit il fait la victime ou l'ignorant, soit il tente de vous brosser dans le sens du poil pour mieux vous [...], soit il tente de noyer le poisson ou de minimiser ses actes, soit il tente de vous impressionner en tentant d'employer la manière forte (mais n'oubliez pas le dicton qui dit qu'on ne grimpe pas au cocotier quand on a le cul brémeux). Il peut aussi très bien faire le mort.
  • Analyser ses arguments permet de démontrer les failles de son argumentaire et de les exploiter.

L'argent, tabou ?[modifier | modifier le code]

Non. Chez les Wikipédiens, et surtout chez les fanatiques du libre, ça l'est. Mais quand je travaille sur le terrain, une des premières questions que l'on me pose, c'est « Combien ça rapporte ? ». Tout travail mérite salaire est donc globalement très ancré chez les gens. Je suis certainement un des Wikimédiens les plus intéressés, mais chacun vient ici pour des motifs qui lui sont propres.

En conclusion[modifier | modifier le code]

Le recouvrement de créance est un bras de fer où vous allez affronter des gens qui tenteront par tous les moyens de ne pas payer. Les licences Creative Commons permettent en théorie à quiconque de se faire de l'argent sur votre dos, n'hésitez donc pas à monnayer votre travail. Plus qu'une utilité financière, vous pourrez peut-être en tirer de la satisfaction personnelle. Le recouvrement de créance est aussi tout un art, difficile à maîtriser. Vous aurez l'impression d'être comme un contrôleur de la SNCF qui doit chaque jour entendre les meilleures excuses du monde de la part de radins qui s'ignorent, d'être un professeur entendant chaque jour les excuses abracadabrantesques d'élèves n'ayant pas fait leurs devoirs, et ayant sans doute un poil dans la main.

En ce qui me concerne, j'espère que cet essai fera réagir quand je le placerai dans des sections où l'on parle de contrefaçon, parce que c'est vraiment le but recherché. J'espère aussi me faire insulter de tous les noms sur Twitter, parce que je sais déjà que ça arrivera tôt ou tard. C'était mon premier essai personnel, et j'avais envie d'écrire quelque chose d'assez comique, le recouvrement de créances ayant été au programme de mes études de comptabilité. L'optimisation, sous ses différentes formes, est aussi quelque chose qui m'intéresse.


Note : je ne requiers aucun avis ou commentaire sur cet essai.


JÄNNICK Jérémy reviendra dans : De la création ou de la refonte d'un portail, ou comment faire un portail évolutif (un peu à la James Bond cette fin)