Théorème de Blaschke-Lebesgue

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Le triangle de Reuleaux, courbe de largeur constante dont l'aire est minimale parmi tous les convexes de même largeur

En géométrie euclidienne, le théorème de Blaschke-Lebesgue ou inégalité de Blaschke-Lebesgue stipule que le triangle de Reuleaux a la plus petite aire parmi toutes les courbes de largeur constante donnée[1],[2],[3] . Il porte le nom de Wilhelm Blaschke et Henri Lebesgue, qui l'ont publié indépendamment au début du XXe siècle.

Énoncé[modifier | modifier le code]

La largeur dans une direction donnée d'un convexe du plan euclidien est définie comme la distance minimale entre deux droites parallèles dans cette direction qui l'englobent. Ces deux droites sont toutes deux nécessairement des tangentes à . Une courbe de largeur constante est la frontière d'un convexe pour lequel la distance définie précédemment ne dépend pas de la direction choisie. Ces courbes comprennent à la fois le cercle et le triangle de Reuleaux, un triangle incurvé formé de trois arcs de cercle de même rayon centrés à un point d'intersection des deux autres cercles. L'aire englobée par un triangle de Reuleaux de largeur est égale à

, voir la suite A060708 de l'OEIS.

Le théorème de Blaschke – Lebesgue stipule que tout convexe de largeur constante a une aire supérieure ou égale à cette valeur, avec égalité si et seulement si le convexe est délimité par un triangle de Reuleaux[1].

Parmi tous les convexes du plan de plus petite largeur , c'est le triangle équilatéral de hauteur (qui est aussi sa plus petite largeur) qui a la plus petite aire : , mais ce n’est pas un convexe de largeur constante[3].

Historique[modifier | modifier le code]

Le théorème de Blaschke-Lebesgue a été publié indépendamment en 1914 par Henri Lebesgue[4] et en 1915 par Wilhelm Blaschke[5]. Depuis leurs travaux, plusieurs autres preuves ont été publiées[3].

Généralisations[modifier | modifier le code]

Le théorème est également valable dans le plan hyperbolique[6].

Pour toute distance définie dans le plan à partir d'une norme, un théorème analogue est vérifié, en définissant les cercles du triangle de Reuleaux à partir de cette distance[7].

Application[modifier | modifier le code]

Le théorème de Blaschke-Lebesgue a été utilisé pour fournir une stratégie efficace pour une généralisation du jeu de Bataille navale, dans laquelle un joueur a un navire convexe et l'autre joueur, après avoir trouvé un point de ce navire, cherche à déterminer sa position en minimisant le nombre de tirs ratés. Pour un navire avec points de la grille, il est possible de borner le nombre de coups ratés par .

Problèmes connexes[modifier | modifier le code]

Par l'inégalité isopérimétrique, les courbes de largeur constante donnée dans le plan euclidien de plus grande aire sont les cercles[1],[2]. Le périmètre d'une courbe de largeur constante est , quelle que soit sa forme ; c'est le théorème de Barbier.

On ne connaît pas les surfaces de largeur constante de l'espace tridimensionnel ayant le volume minimal. Bonnesen et Fenchel ont conjecturé en 1934 que ces surfaces sont les deux corps de Meissner obtenus en arrondissant certaines des arêtes d'un tétraèdre de Reuleaux[2], mais cela reste à prouver.

Autre théorème de Blaschke concernant l'aire des convexes[modifier | modifier le code]

Tout convexe de plus petite largeur contient un disque de largeur . On ne peut améliorer la valeur 2/3 car le disque inscrit dans un triangle équilatéral de hauteur (qui est aussi sa plus petite largeur) est de rayon [8].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. a b et c (en) Peter M. Gruber, Jörg Wills, Convexity and its applications, (lire en ligne), p. 67
  2. a b et c Terence Bayen, Jean-Baptiste Hiriart-Urruty, « De l'importance d'être constant... dans sa largeur », DOSSIER POUR LA SCIENCE N° 91,‎ , p. 32-37 (lire en ligne)
  3. a b et c Térence Bayen, Jean-Baptiste Hiriart-Urruty, « Objets convexes de largeur constante (en 2D) ou d’épaisseur constante (en 3D) : du neuf avec du vieux », Annales mathématiques du Québec,‎ (lire en ligne)
  4. Henri Lebesgue, « Sur le problème des isopérimètres et sur les domaines de largeur constante », Bulletin de la Société Mathématique de France, vol. 42,‎ , p. 72 (lire en ligne)
  5. (de) Wilhelm Blaschke, « Konvexe Bereiche gegebener konstanter Breite und kleinsten Inhalts », Mathematische Annalen, vol. 76 (4),‎ , p. 504–513 (lire en ligne)
  6. (en) Paulo Ventura Araújo, « Minimum area of a set of constant width in the hyperbolic plane », Geometriae Dedicata, 64 (1),‎ , p. 41–53
  7. (en) G. D. Chakerian, « Sets of constant width », Pacific Journal of Mathematics, 19,‎ , p. 13–21
  8. David Wells, Le dictionnaire Penguin des curiosités géométriques, Eyrolles, , p. 19