Taille de la vigne

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 20 décembre 2014 à 17:51 et modifiée en dernier par 77.199.68.109 (discuter). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
Pied de vigne taillé en Guyot simple

La taille de la vigne est une opération viticole ayant pour but de limiter la croissance démesurée de la vigne pour régulariser la production des raisins en qualité et en quantité. Elle s'effectue généralement pendant le repos végétatif (hiver), sans oublier de prendre en compte le risque de gelées.

Historique

Au début de la civilisation, les hommes se contentaient de cueillir les raisins sur les vignes puis, après l'observation de dégâts provoqués par des animaux sur les rameaux, on s'aperçut vite que les grappes situées sur les parties restantes étaient plus grosses et plus sucrées.

L'homme, à son tour, essaya de limiter le développement de la vigne, empiriquement, en enlevant chaque hiver et pendant la période de végétation, une partie des sarments. Peu à peu, à force d'observations, il découvrit que les sarments laissés sur les bois productifs de l'année d'avant donnaient des grappes plus grosses portant des raisins également plus gros.

Peu à peu, au cours des générations, on mit au point les différents systèmes de taille qui sont utilisés de nos jours, en gardant les mêmes principes de base.

Jules Guyot, médecin et physicien français du XIXe siècle, connu pour ses études sur le vignoble français, a laissé son nom à un mode de taille, simple à réaliser, permettant de tailler vite et d'obtenir un rendement intéressant.

Nécessité d'une taille sévère

La taille est indispensable pour assurer la survie des variétés de vigne utilisées.

La vigne est une plante très vigoureuse qui a tendance à se développer énormément.

Laissée sans taille une année, elle s'agrandirait 10 à 20 fois trop.

La seconde année, elle ne pourrait assumer une charpente aussi importante et s'étiolerait, les raisins seraient petits et sans intérêt.

Les variétés cultivées étant très sensibles aux maladies (oïdium, mildiou, etc.), la vigne affaiblie serait gravement attaquée.

La troisième année, les raisins avariés seraient immangeables et la vigne malade deviendrait irrécupérable. Elle finirait par mourir.

Buts de la taille

La taille des vignes, en hiver.

La vigne est une liane qui a de très longs rameaux. Au printemps, les bourgeons de l'extrémité débourrent les premiers et ralentissent, voire inhibent, le développement des bourgeons situés plus bas[1]. Cette particularité trouve son fondement dans la nécessité de la vigne sauvage de croître très rapidement, en forêt, pour atteindre l'étage ensoleillé de la canopée.

Dans le cadre de la viticulture, le vigneron recherche la production de raisin, tout en évitant un allongement démesuré de la vigne. La taille sert à régulariser et à prolonger la production de la vigne. Elle permet, aussi, une augmentation de la production, en diminuant sensiblement le nombre des grappes et, par conséquent, à augmenter leur grosseur ; les récoltes seront ainsi plus régulières d'une année sur l'autre. Pour finir, la taille de la vigne est le meilleur moyen de limiter l'extension des bois, afin de permettre les travaux de culture et la mécanisation avec le palissage sur fils ou sur échalas. Pour résumer, la taille sert à déterminer aussi bien le volume que la qualité de la future récolte[2].

Principes de la taille d'hiver

La longueur

La taille courte sur charpente courte

Ce mode de taille commence à ras du sol. Tous les ans, le viticulteur taille la vigne avec plusieurs branches à deux yeux. Avec l'âge, la taille des branches, ou bras, ou cornes, s'allonge. C'est le principe de la taille en gobelet. Le viticulteur peut aussi garder un rameau un peu plus long et ébourgeonner les yeux de la base, pour créer rapidement un bras plus long. Le pied de vigne, ainsi formé, est plus haut. Il permet d'éloigner les grappes du sol, en cas d'humidité favorisant les maladies. Un mode de conduite plus haut permet aussi de mécaniser le travail de la vigne : passage d'outils aratoires, de tondeuse et vendange mécanique.

La taille courte sur charpente longue

Lors de la taille de formation, le vigneron conserve un sarment long, afin de former un pied et une branche horizontale. La taille annuelle consiste ensuite à rabattre chaque courson à deux yeux. Le nom de cette taille est la taille en cordon.

La taille longue sur charpente longue

Après formation du pied, le vigneron conserve une ou plusieurs baguettes. Ces sarments comprennent de six à douze, voire quinze yeux. Le mode de taille longue le plus connu est la taille guyot, du nom du docteur Guyot, son inventeur. Un à deux coursons de rappel sont laissés en dessous de la baguette afin de produire du bois de taille pour l'année suivante.

La treille (ou tonnelle)

Un cep de vigne peut aussi être conduit en treille ou en hautain.

Si le but est d'obtenir de l'ombre sur une grande surface, le principe de taille est sensiblement modifié pour laisser des sarments nombreux et longs dont les coursonnes puis les feuilles des coursonnes vont couvrir toute la surface, et ceci au détriment de la production de raisin qui devient alors secondaire.

Chaque cep est ainsi capable de couvrir de 3 à 10 mètres carrés sans pratiquement laisser passer le soleil au travers. La surface couverte est limitée par l'affaiblissement de la vigueur du plant et la sensibilité aux maladies qui en découle.

La vigne "respire" et rafraîchit l'air ambiant, ce qui permet de réaliser des pièces à vivre particulièrement agréables en été, tout en étant ensoleillées en hiver après la chute des feuilles.

Mode opératoire

La taille comprend quatre étapes : la "détaille" ou "déracage" (coupe du sarment de l'année précédente), la pré-taille (coupe de tous les coursons et gourmands en ne laissant qu'une baguette par tête pour un choix judicieux), la taille (on ne conserve que la branche la plus vigoureuse) et, enfin, le pliage sur le fil. Ces étapes peuvent être faites par une ou plusieurs personnes, en plusieurs fois, ou par la même personne, à la suite.

Le choix des bois

On choisit des bois en bon état, bien aoûtés, pas blessés, suffisamment gros avec un empattement solide.

La coupe

La coupe est bien perpendiculaire au bois pour ne laisser qu'une surface minimale de dessèchement et éviter le plus possible l'entrée de maladies dans le bois (Esca par exemple).

La coupe en biais n'a pas de raison d'être, elle augmente la surface des plaies de taille.

Le "cône" de cicatrisation a une profondeur égale au diamètre de la baguette, d'où la nécessité de ne pas couper trop "sévère" (pas trop ras).

La charge

La charge est le nombre d'yeux visibles laissés sur les bois de taille sur une souche. Ce nombre peut être exprimé par hectare (exemple : environ 80 000 yeux/ha pour la taille Guyot en Bourgogne). Cette charge est une moyenne pour l'ensemble des pieds de vignes d'une parcelle.

Il est important d'adapter la charge à la vigueur de chaque cep et de chaque cépage; cette vigueur se voit par rapport à plusieurs éléments comme le nombre et la grosseur de sarments, la longueur et la régularité des mérithales, l'état d'aoûtement des bois, la présence d'entrecoeurs plus ou moins nombreux et pour finir la présence de gourmands sur le vieux bois.

Si la charge est trop forte avec trop d'yeux, le nombre de futures grappes sera trop important (proportion feuillage/raisins mal équilibré) et la maturité retardée ou non atteinte[2] avec perte de qualité et une augmentation des risques de maladies.

Si la charge est trop faible, c'est-à-dire pas assez d'yeux, elle entrainera une végétation abondante et une récolte de qualité mais peu abondante[2].

Différents systèmes de taille

Il existe différents systèmes de taille :

  • Gobelet : avec quatre à cinq coursons à deux yeux, sur 3 à 5 bras (charpente courte) ;
  • Cordon de royat : 1 ou 2 bras horizontaux, avec 4 à 6 courson à 2 yeux. Il existe la taille en Royat double, appelée cordon bilatéral ;
  • Taille chablis : c'est une taille mixte en éventail ;
  • Guyot, avec plusieurs types de taille, nommée d'après le docteur Jules Guyot:
    • Guyot simple bourguignon : sur des pieds de vignes assez courts, avec un courson à deux yeux et, un peu plus haut, une baguette à six yeux environ ;
    • Guyot double bordelais : avec un ou deux coursons et deux baguettes à plat ;
    • Guyot double (utilisée pour les vignes hautes) : avec deux coursons et deux baguettes arquées, avec dix à douze yeux ;
    • Guyot simple : taille mixte sur souche à 1 bras, une baguette et un courson à 2 yeux ;
    • Guyot mixte nantais : 1 baguette et 2 coursons répartis sur 2 ou 3 tête.
    • Guyot Poussard : Taille guyot simple à 2 bras, dont l'un porte un courson et le deuxième une baguette et un courson de rappel.
  • Sylvoz : avec une taille longue sur une charpente longue (cordon) ;
  • Cazenave-ferret : taille mixte sur cordon ;
  • Taille médoc : taille mixte avec des bois non pliés ;
  • Taille en courgées du Jura ;
  • Taille Lépine.

En Champagne, il y a 4 sortes de taille possibles (Chablis, Cordon de Royat, Guyot et Vallée de la Marne), mais 2 sont les plus utilisées (Chablis et Cordon de Royat).

Modèle:Message galerie

Époque de la taille

Taille en gobelet dans le Minervois faite en janvier.

La date de la taille influe sur la date de débourrement. On peut effectuer la taille pendant tout le repos végétatif de la vigne, dès que les feuilles sont tombées et que la sève est redescendue, jusqu'au moment du débourrement, soit une durée d'environ cinq mois. Le mieux pour la plante est de tailler le plus tard possible, près du débourrement, afin d'éviter les problèmes de dessèchement et de fortes gelées d'hiver (Les zones gélives sont taillées en dernier). De plus, la plante est beaucoup moins sensible aux maladies du bois comme l'esca, et l'eutypiose quand on taille tardivement ; en effet, les plaies de taille cicatrisent beaucoup plus vite au printemps.

Mais pour des problèmes de main-d'œuvre et d'organisation du travail, beaucoup de vignerons commencent à tailler dès le mois de novembre. La pré-taille est aussi pratiquée dans un but de mécanisation et de gain de temps sur la taille en elle-même (20 à 30 % de temps sur la taille[3]).

Facteurs limitants

C'est surtout le froid : à partir de -5, −6 °C, les coups de sécateurs provoquent un écrasement et un éclatement profond des bois et les sarments sont cassants.

D'autre part, par très grands froids (aux environs de −20 °C), on a constaté que les pieds de vignes déjà taillés subissaient parfois un gel profond du bois et ne redémarraient pas ou mal le printemps suivant.

Les "pleurs" de la vigne

Pleur de vigne (Muscadet).

Lorsque l'on taille tardivement, la sève (semblable à de l'eau) s'écoule de chaque coupe tant que la cicatrisation ne s'est pas faite. On dit que la vigne pleure.

Ces écoulements sont normaux et n'ont aucune incidence sur la vie de la vigne.

Outils

Modèle:Message galerie

Dicton

Taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars[3] !

Galerie photos

Modèle:Message galerie

Opérations ultérieures

À partir du débourrement au printemps et pendant toute la période de végétation, il est nécessaire d'intervenir pour guider la croissance, limiter le nombre de grappes et améliorer la qualité du raisin en supprimant toutes les parties de la plante qui ne sont pas strictement nécessaires.

Pincement

S'effectue lorsque la vigne a poussé suffisamment pour pouvoir distinguer toutes les futures grappes.

On supprime les coursonnes inutiles, les grappes surnuméraires (on ne laisse qu'une seule grappe par coursonne), les gourmands et les vrilles.

Les parties éliminées sont soit sectionnées avec l'ongle (d'où le nom de "pincement"), soit cassées d'une poussée du doigt car, à cette époque de l'année, les jeunes pousses sont fragiles et cassent comme du verre.

En taille classique, les coursonnes sont coupées à 2 feuilles après la dernière grappe conservée. La vigueur se concentre alors dans la partie conservée, en particulier dans la grappe.

Sur une tonnelle taillée longuement pour obtenir de l'ombre, il faudra ne laisser qu'une grappe toutes les 5 coursonnes (alternativement à gauche et à droite de la branche), en choisissant la grappe la plus proche de la base de la coursonne.

Pour obtenir des coursonnes plus longues et plus vigoureuses, on supprime les bougeons secondaires naissant au départ de chaque feuille qui vont donner de petites coursonnes secondaires. La pousse se concentre alors à l'extrémité du rameau.

Épamprage

Il s'agit comme ci-dessus de supprimer tout bourgeon ou feuille inutile (gourmands) tout au long de la période de croissance de la vigne.

Par ailleurs, les feuilles les plus proches du sol reçoivent l'eau de pluie qui rebondit sur le sol. Cette eau peut y déposer les germes cryptogamiques (oïdium, mildiou, etc.) contenus dans le sol (feuilles ou sarments de l'année précédente non évacués). De là, ces maladies se transmettront très rapidement à tout le plant.

La suppression des bourgeons et feuilles situés trop bas fait partie des actions préventives contre les maladies.

Vendange en vert

L'ajustement de la charge réelle n'est pas possible lors de la taille, car on ne peut connaître à ce stade le nombre réel de grappes et leur grosseur. Certains préfèrent laisser une charge plus forte et attendre que les grappes soient formées pour individualiser finement la charge plant par plant en retirant les grappes (ou les parties de grappes) en trop.

Cela ressemble à une vendange effectuée sur des raisin verts, et permet d'améliorer la qualité des grappes conservées et accélérer leur maturation, tout en conservant une quantité et donc une récolte suffisante.

Effeuillage

Il s'agit, quelques semaines avant la vendange, de supprimer les feuilles autour des grappes pour laisser l'air circuler largement autour des grappes. Les grappes isolées sèchent plus rapidement et pourrissent donc moins facilement que celles entourées d'un épais feuillage.

Enfin, quelques jours avant la récolte, on ôte les feuilles au-dessus des grappes afin que le soleil puisse les atteindre pour les mûrir et les colorer.

Cet effeuillage est nécessaire pour obtenir des grappes saines sans traitement chimique toxique avant la vendange.

Palissage

On profite des interventions précédentes pour palisser les sarments de vigne sur les supports préparés en fonction du système de taille utilisé.

Notes et références

  1. André Crespy, Viticulture d'aujourd'hui, p. 55.
  2. a b et c André Dominé : Le vin (la taille), p. 92
  3. a et b André Dominé : Le vin (la taille), p. 93 Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : le nom « TAI2 » est défini plusieurs fois avec des contenus différents.

Sources

  • André Dominé : Le vin.
  • Cours de BEPA vigne et vin, du Lycée Viticole de Beaune.

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Articles connexes

Liens externes